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actions; par-tout il laisse voir le bon esprit, la piété éclairée, le cœur droit., Sil présente quelquefois en passant le germe d'une réflexion, il rentre aussitôt dans son caractère et ses fonctions d'his torien et de témoin désintéressé.

Comme notre objet n'est point ici de donner une notice de tous les historiens célebres, ni de tracer des règles sur la manière d'étudier l'Histoire, mais seu lement de caractériser les différens genres d'histoire, leurs qualités, leurs objets différens, ou ne doit pas être étonné de nous voir passer rapidement d'un genre à l'autre. Il nous suffit de définir, et quelquefois de citer un modèle.

CHAPITRE III.

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De l'Histoire Profane.

L'HISTOIRE Profane est le portrait des siècles passés, présenté aux siècles à venir, pour leur servir d'instruction, C'est dit M. de la Mothe qui la definit en orateur, un spectacle de révolutions perpétuelles dans les affaires humaines, de naissances et de chutes d'Empires, des mœurs, d'opinions, qui se succedent

incessamment; enfin de tout ce mouve ment rapide, quoique insensible, qui emporte tout et change continuellement la face de la terre.

On la divise en Histoire générale et en Histoire particulière.

L'Histoire générale seroit l'histoire du Genre-Humain répandu sur la terre habitable depuis le commencement du monde. Quoiqu'il n'y ait rien dont les hommes ne puissent venir à bout, en réunissant leurs forces pendant le tems nécessaire, eu égard à l'entreprise ; il paroît cependant impossible de composer une Histoire universelle qui comprenne tous les peuples, dans tous les tems, dans tous les lieux. Nous disons une Histoire, non une chronologie ac compagnée de quelque détail : ce qui a été exécuté plus d'une fois. Une Histoire universelle comprendroit le fonds de toutes les Histoires des peuples, réduites à une étendue proportionnée au corps entier de l'ouvrage. L'histoire d'une grande monarchie y figureroit à-peu-près comme celle d'une province dans celle d'un royaume. Tous les objets tailles,

me

surés, placés selon leurs rapports symé triques entr'eux et avec le tout, y seroient dans un état perpétuel de compa raison et de même que le tems qui

coule, emporte dans le même flot toutes les générations qui existent ensemble ; le courant de cette histoire présenteroit dans le tableau universel du genre humain, non-seulement les rapports contemporains des causes et des effets qui occupent la scène du monde ; mais encore les ger mes plus ou moins développés des catastrophes réservées aux siècles suivans.

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Avant que de prendre le pinceau, il faudroit rassembler les fastes de tous les Empires, les monumens de tous les faits, être sûr de les avoir authentiques, de les entendre dans leur véritable sens; alors il ne s'agiroit plus que de former une société nombreuse de Savans de leur communiquer la même aine, et de la faire passer par une sorte de métempsycose, dans les continuateurs jusqu'à la perfection entière de l'entreprise. M. de Thou a donné l'Histoire générale d'un siècle : mais sa carrière se borne à l'Europe, et aux événemens du dehors qui ont eu des rapports avec cette partie du monde,

M. Bossuet, qui a tracé l'esquisse d'une Histoire universelle, en borne le projet par le point de vue auquel il rapporte son ouvrage point de vue digne d'un Evêque philosophe, et d'un Theologien enrichi de la plus précieuse érudition.

Dieu a fait tout pour sa gloire; c'està-dire pour lui-même et tous les êtres créés trouvent leur propre perfection dans le rapport qui les ramene à leur auteur. Ainsi tous les changemens qui arrivent au genre-humain sont subor donnés aux vues de la Providence: et une de ces vues, depuis la chûte et l'égarement de l'homme, est de le rétablir dans son premier état, par le moyen de la Religion révélée. La chaîne des causes secondes est composée d'une infinité d'an, neaux, qui se tiennent et qui remontent à ce principe, qui leur sert d'appui.

De ces réflexions avouées de la saine Philosophie aussi bien que de la Foi M. Bossuet prend son vol; et se plaçant dans le sein de la Divinité, il considere la terre et les habitans qui la couvrent : il observe les mouvemens qui les appro chent, ou les éloignent de la fin qui leur est marquée Le premier dessein de Dieu avoit été de rendre l'homme heureux par l'innocence et la liberté, L'homme s'est rendu esclave par le crime. Le se cond dessein de Dieu est de le délivrer de ses chaines et de le remettre dans la voie de l'innocence et du bonheur. Et c'est à ce dessein qu'il subordonne toutes les révolutions du genre-humain,

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Dans ce raisonnement de M. de Meaux

il y a deux parties: Dieu veut établir une. Religion pour rétablir l'homme dans ses droits, c'est la première partie Dieu veut qu'il y ait des révolutions dans les affaires humaines, c'est la seconde.

Ou il y a subordination entre ces deux décrets, ou il n'y en a point. Sil y en a, le plan de M. Bossuet qui subordonne les révolutions du genre-humain à l'établissement de la Religion surnaturelle,est admirable. Et pour prouver qu'il n'est pas possible qu'il n'y en ait, il suffit de penser qu'on ne peut envisager l'ame de l'homme, qui est proprement l'homme, sans un rapport actuel à son bonheur, qui est d'être réunie avec Dieu, et par conséquent, que toutes les ames qui ope rent les mouvemens du genre-humain quelque éloignées qu'elles soient du but qui leur est marqué, sont toutes rappelées par la Providence à la seule fin "qu'elles devroient se proposer dans tous leurs mouvemens; enfin que toutes les actions de l'homme, tant celles qui sont dans l'ordre de la grace que celles qui sont dans l'ordre de la nature, entrent nécessairement dans le système de la sagesse

,

de Dieu sur la destination des hommes.

D'ailleurs, si, comme on ne peut en douter il y a des causes finales dans les révolutions qui s'opèrent dans le genre

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