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elles ne seront point dans le genre noble; quand ce sera, par exemple, quelque morceau de Dissertations, ou de Comédies, ou une Apologue

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car on ne dira pas du même ton, la Cigale ou la Grenouille, et les remarques qui seront faites sur cette fable, Celles-ci seront dites d'un ton plus uni, plus négligé. La fable se sentira un peu de l'art, on lui donnera un air plus gracieux, plus riant,

Enfin, on dira d'un ton soutenu, les morceaux d'Oraisons ou de haute Poésie. Je mets ici la haute Poésie avec l'Oraison, quoiqu'elle ait encore un degré au-dessus. On doit chanter les vers et non les lire. Ainsi on dira d'un ton noble : Turenne meurt, tout se confond: la Paix s'éloigne la Victoire se lasse: mais ce ton sera plus grand encore quand on dira:

Mânes des grands Bourbons, brillans foudre de guerre Qui futes et l'exemple et l'effroi de la terre, etc.

Ce ton soutenu consiste principalement, au moins pour les Jeunes-geus, 1o. à baisser la voix au commencement de chaque période. Il est d'observation qu'on ne manque jamais de remonter insensiblement au ton qu'on a quitté. Cela fait une variété qui termine les phrases,

et

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et dont il n'est pas difficile à l'oreille de se contenter. Peut-être même qu'il seroit ridicule d'en demander davantage dans un exercice. Veut-on qu'un enfant fasse tour-à-tour mille rôles différens ; qu'il se plie à mille caractères qu'on lui fait passer dans la mémoire ? Qu'il declame comme Bourdaloue, et qu'une ligue après il' fasse le Crispin? Il consiste. 2°. à prononcer d'un ton d'intérêt c'est-à-dire, en appuyant sur certaines syllabes, pour faire sortir l'ame et exprimer la verve: 3o, à faire sentir la rime, surtout la féminine, dans la haute poésie, sans néanmoins s'arrêter qu'aux points et aux virgules. Car c'est une faute de s'arrêter à la rime, quand le sens ne l'exige point.

Quant au Geste, on croit communément que faire des gestes, c'est remuer, sur-tout les mains. Faire des gestes, c'est montrer par le maintien ou le mouvement du corps, qu'on sent, ou qu'on pense. C'est un langage qui ne s'adresse qu'aux yeux. Au lieu que les mots et les tons s'adressent aux oreilles.

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Il seroit aussi ridicule de demander aux enfans les grands gestes, que les tons passionnés de la chaire ou du théâtre. Qu'ils se tiennent bien, qu'ils aient un air gracieux et conforme à ce qu'ils disent, qu'ils paroissent sentir, c'est assez. Tome IV. I

S'ils font quelque mouvement des mains, que ce soit des naissances de gestes, plutôt que des gestes formes. Ils n'en plai ront pas moins. Ils auront l'air d'être retenus par une certaine honte, qui, à leur âge, fait une grande partie des graces.

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Pour leur occuper les yeux, il faut leur faire imaginer les personnes à qui ils sont censés parler leur situation leur attention. Par exemple, s'ils réci tent la fable du Chêne et du Roseau, et que ce soit le Chène qui parle, il faut leur faire imaginer un Roseau qui écoute, dans un lieu, vers lequel leurs yeux, et le peu de gestes qu'ils feront, puissent se porter.

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Pour les mains, comme elles les embarrassent fort, la gauche, sur-tout qu'on leur donne d'abord un livre, un papier roulé, un dos de chaise qui les cache à moitié et leur ôte une partie de leur embarras; cela vaut mieux qu'un bras qui fait la pagode, avec une monotonie dégoûtante. Dans les choses qui doivent se faire avec goût, le premier point est de mettre l'acteur à son aise. Il y a des caractères plus souples les uns que les autres on voit des enfans qui ont des graces dès le berceau. D'autres, au contraire, sont gauches dans tous leurs mouvemens. Les premiers n'ont

presque pas besoin de maîtres : il suffit de leur montrer le chemin et de les laisser aller à cette aimable liberté, qu'une autorité sombre ne manquerait pas d'éteindre. Quant aux autres, si on leur donne des leçons, il faut qu'elles soient toujours gaies et riantes. Il n'y a guere qu'une mère tendre et sensée qui puisse heureusement corriger ce défaut, où si un autre l'entreprende, il faut qu'il en prenne les sentimens.

J'oubliois de dire qu'il faut bien se garder de laisser faire d'eux mêmes aux jeunes-gens les premiers essais. Ils pren.) droient des habitudes qu'il seroit presque impossible de réformer. Il faut leur donner l'exemple, et dire devant eux comme on veut qu'ils disent leur répéter plusieurs fois les tons, les airs de tete, etc. puis les engager à s'essayer sur le champ. S'ils n'osent le faire en présence de leurs maîtres il faut leur dire de siexercer seuls

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vis-à-vis d'un miroir. Là, ils s'écouteront se regarderont; s'approuveront, se blâmeront à leur aise, et pour peu qu'ils aient un commencement de sens et de goût, ils sauront bien retrouver les gestes du modele, ou les remplacer. Après cela, ils reparoîtront avec plus de confiance, et par conséquent avec plus de succès. Les hommes sont

hommes à tout âge. Il faut toujours respecter leur amour-propre devant les autres Hæc omnia magis monitoris non fatui, quàm magistri eruditi.

CHAPITRE

I I.

Importance de la Prononciation Oratoire. MAINTENANT on me permettra d'a

dresser ici un mot aux Orateurs, et de leur faire sentir la liaison qu'il y a entre l'élocution du geste et du ton de voix, et celle des mots; et de quelle importance il est que les mots, les tons de voix, les gestes soient parfaitement d'accord dans celui qui parle.

Notre objet ici n'est nullement de donner des règles. Nous nous bornerons à un seul point c'est de faire entrevoir au moins l'étendue et le nombre des choses que comprend l'art de déclamer; afin que si quelqu'un s'avisoit de l'étudier pour son propre usage, il connût à-peuprès son objet.Nous conviendrons même, si on veut, que chacun doit chacun doit presque être son propre maître dans ce genre, et que les avis donnés, sur-tout par écrit, sont, pour ainsi dire, en pure perte.

Les Anciens avoient sur les gestes et sur les tons de voix une collection de pré

: I

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