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endroits de son Enéïde qui auroient le plus de rapport à mon sujet; et après avoir écouté quelque temps le son de sa trompette, après m'être rempli l'oreille de ses accords, quand je me sentirois échauffé par son génie, alors je m'élancerois pour chanter les combats. Chaque fois que je reviendrois à mon ouvrage, je me préparerois au travail par la même précaution; et s'il arrivoit que l'oracle fút sourd à ma demande, que je n'entendisse point sa voix, j'attendrois un moment plus favorable. Virgile par ce moyen seroit seul mon Apollon et mon Aristarque, mon génie et mon juge.

Quand mon ouvrage seroit achevé et qu'il ne s'agiroit plus que de le polir, allant sans cesse au modèle, et revenant de même à mon travail, j'essayerois si l'impression seroit continue en passant de l'un à l'autre. Quelle satisfaction si du moins en quelques endroits je retrouvois le même nerf, la même dignité, la mème naïveté, la même harmonie ! On prend insensiblement les mœurs de ceux avec qui on vit. Cela se fait même sans qu'on s'en apperçoive. Qu'arriverat-il si on tâche, si on s'efforce de ressembler ?

Quiconque lit dans l'intention d'imiter, doit pendant quelques jours se don

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ner tout entier à l'auteur qu'il veut imiter. Il doit observer exactement ses pensees, ses expressions, ses tours; revenir sur les mêmes endroits, s'y arrêter, tâcher d'en exprimer le suc. Il ne se contentera pas d'avoir lu; il prononcera à haute voix ; il chantera les vers il déclamera la prose ; il entrera dans la passion; il séchauffera. Voilà le moment des muses. Il est tems alors de prendre la palette et les pinceaux. S'il arrive que la mémoire fournisse au génie des expressions étrangères au odèle qu'on suit, elles seront entrainées par le courant général, et prendront la même direction que le reste. Ce ne sera pas un style rapetassé de lambeaux de toutes couleurs on n'y verra point de périodes bigarrées d'Horace, de Juvenal, de Cicéron. L'imitation d'un seul modèle réduira tout à la même forme, et rendra l'ouvrage quant à lélocution, aussi parfait qu'il peut l'être, eu égard au talent de l'auteur.

SECTION QUATRIEM E. DE LA PRONONCIATION.

COMME notre travail a pour objet principal les jeunes gens, on me permettra de leur présenter ici quelques observations, pour leur aider à se montrer convenablement dans leurs exercices publics. Ce qu'ils disent n'étant point ordinairement de leur propre fond; il est de leur intérêt de se faire honneur par la manière de le dire, en faisant voir qu'ils sentent eux-mêmes, et qu'ils comprennent ce qu'ils disent.

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De la Prononciation des jeunes Gens dans les exercices publics.

La première chose

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que les jeunes Gens ont à observer est que leur prononciation soit nette. Pour cela, il faut parler doucement, distinguer les sons, soutenir les finales, séparer les mots, les syllabes, quelquefois même certaines lettres qui pourroient se confondre ou proluire par le choc un mauvais

son s'arrêter aux points et aux virgu- les " et par-tout où le sens et la netteté l'exigent. La prononciation est au discours, ce que l'impression est à la lecture. Un ouvrage élégamment imprimé, sur beau papier, exactement ponctué, justement espacé dans les lignes et dans les mots, acquiert un nouveau mérite. Il séduit les yeux. De même on entend avec plaisir une prononciation nette, qui porte à l'oreille les mots, sans con. fusion, sans embarras l'esprit en voit mieux l'ordre et le détail des pensées.

2°. Que la prononciation soit aisée et coulante. Dès que l'Orateur peine, l'Auditeur est géné. Il vaudroit mieux faire quelque faute en galant homme, que d'être scrupuleux en pédant.

3o. Ce n'est point assez que la prononciation soit exacte et aisée (c'est déjà un grand point, et assez rare dans la Jeunesse française) il faut encore prendre le ton convenable à ce qu'on dit. Comme ces tons varient à l'infini, il est très difficile d'en marquer les différences et d'en donner des règles. Cependant il semble qu'on peut les réduire à trois espèces : le ton familier, le soutenu, et un troisième, qui tient le milieu entre les deux ; et que pour cela on peut appeller ton moyen.

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Le ton familier est celui de la con,

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versation ordinaire. Il n'est ni chantant, ni monotone. Il consiste dans des inflexions douces et simples. Il est plus facile de l'apprendre par imitation en choisissant quelque modele, que par règles. J'ai dit en choisissant un modele, car il y a un certain choix à faire: il y a le familier des honnêtes gens: et il ne seroit pas sûr de faire parler les Jeunesgens comu.e ils parlent avec ceux de leur âge.

Le ton soutenu est celui qu'on emploie dans la déclamation des discours graves, ou lorsqu'on lit des ouvrages très sérieux. La voix est toujours pleine, les syllabes prononcées avec une sorte de mélodie demi-chantante: on ne varie les inflexions qu'avec dignité.

Le ton moyen a un peu plus d'apprêt que le familier, et un peu moins que le soutenu. Ces trois espèces de tons ont chacun leurs degrés, ou il y a du plus ou du moins, selon les sujets les acteurs, les auditeurs, et les lieux.

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Il semble qu'on doit dire dans un exercice public, d'un ton familier toutes les définitions les remarques, les réflexions, les récits: c'est un entretien littéraire.

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Dunton un peu plus élevé.toutes les citations, soit en vers, soit en prose, quand

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