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>> aux peuples que l'ancienne religion set » pouvoit changer. Les sujets ont cessé » d'en révérer les maximes, quand ils » les ont vu céder aux passions et aux » intérêts de leurs princes; ces terres » trop remuées, et devenues incapables » de consistance, sont tombées de toutes » parts, et n'ont fait voir que d'effroya»bles précipices. J'appelle ainsi tant d'er>> reurs téméraires et extravagantes qu'on » voyoit paroître tous les jours. Ne croyez » pas que ce soit seulement la querelle » de l'Episcopat, ou quelques chicanes » sur la liturgie Anglicane, qui ait ému » les communes... Quelque chose de plus » violent se remuõit dans le fond des >> cœurs : c'étoit un dégoût seeret de tout » ce qui a de l'autorité, et une déman» geaison d'innover sans fin, après qu'on »en a vu le premier exemple. » Le parallele de l'éloquence de Fléchier et de celle de Bossuet peut se faire en deux mots; l'une est belle et parée comme Hélène l'autre est nerveuse et armée comme Hercule.

Entre ces deux genres il est aisé de concevoir qu'il y a plusieurs milieux selon qu'on approche plus ou moins de l'un ou de l'autre extrême. L'Orateur parfait est celui qui prend dans la com position toutes les nuances de son sujet :

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il ne s'occupe point dans son enthousiasme d'éviter les syllabes dures, ni les bâillemens de voyelles, ni les chocs de consonnes ; il n'étudie point l'art des chutes finales, ni la gradation symétrique des nombres; il écrit avec feu avec force avec rapidité; semblable à une source abondante qui jette ses flots, Ce ne sera que quand il reviendra sur sa production qu'il s'occupera de ces attentions menues. C'est alors qu'il songe à corriger les fautes qu'il écarte fes équivoques, qu'il éclaircit les obseurités, qu'il retranche les longueurs, qu'il rectifie les inégalités, qu'il enleve les impropriétés et les incorrections. Quelquefois même il fait plus : il supprime des beautés qui auroient trop d'éclat : il réduit une comparaison en métaphore pour serrer le style; il abat un grand mot, il efface une image, il ôte une figure, il tronque une période, un nombre, une symétrie pour paroître plus vrai, et réveiller l'oreille par un écart ou une chute précipitée ; il laisse même des inexactitudes légeres qui pourront servir de pâture à la critique, mais qui n'arrêteront point les gens de goût. Pourquoi ? Parce qu'il sait que le sublime de tout art imitateur, est de disparoître entièrement pour ne laisser voir que la na

ture, qui seule a le droit de toucher, de plaire, de persuader.

CHAPITRE XIII.

Quelques observations sur la manière de se former le style.

Nous terminerons cette section en

disant un mot de la manière dont on peut se former le style.

On sait qu'il faut premièrement lire beaucoup, et les meilleurs écrivains: secondement écrire soi-même; Cicéron a dit que la plume étoit le meilleur maître en ce genre: stylus optimus dicendi magister troisièmement, imiter. Je ne m'arrêterai que sur ce dernier article.

Il semble que la manière dont on s'y prend pour former le style par l'imitation, ne peut produire que très-peu d'effets. On propose au jeune écrivain un morceau de Cicéron, ou de tel autre auteur fameux, dont on veut qu'il transporte le tour et la construction sur une autre pensée qu'on lui donne à habiller. Mais cette pensée ost différente de celle de Cicéron,-par conséquent elle sera habillée sur une autre mesure que la sienne propre. On voit tout d'un coup ce qui doit en résulter,

On a observé que toutes les fois que les jeunes gens imitent, ils défigurent leur propre ouvrage plutôt que de lenrichir. Ils prennent toujours trop, ou trop peu de leur modèle. Rarement ils ont l'estomac assez bon pour faire comme l'abeille qui tire de la rose, des lis, du thim, un suc dont elle compose un autre suc tout different de celui qu'elle a tiré. Des imitateurs mal adroits rendent le thim, les lis, la rose, tels qu'ils les ont trouves, avec cette seule difference, que ces fleurs ont été flétries en passant par leurs mains.

A la bonne heure, s'il s'agit de leur montrer le tour grammatical, qu'on leur présente une espèce de moule, pour dresser leur phrase: qu'à l'imitation de celleci, par exemple : Ad rivum eundèm lupus et agnus venerant siti compulsi: «Le loup et l'agneau pressés par la soif

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» étoient venus au mème ruisseau » on leur propose cette autre Le frère et la sœur pressés par l'amour s'étoient approchés de leur père: Ad patrem suum frater et soror venerant amore compulsi.Ces opérations se pratiquent avec beaucoup de succès, et font sentir parfaitement le caractère des deux langues.

Mais quand il s'agit d'écrire un morceau de quelque étendue, de l'écrire aussi

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bien qu'il peut être écrit dans le style et le ton qui lui conviennent ; si on veut y arriver par le secours de l'imitation, voici ce semble de quelle maniere on peut procéder.

Avant que

de commencer un concert, les musiciens montent chacun leur instrument sur un même ton, qu'ils prennent d'un instrument sûr et invariable par lui-même.

Avant que de prendre la plume, l'écrivain imitateur doit de mêine choisir un modèle certain, et le prendre préci sément dans le genre où il veut travailler lui-même. S'il s'agit d'une oraison latine, il ne lira ni Salluste, ni Tite Live encore moins Plaute et Térence. Il ne

lira pas même les livres philosophiques de Cicéron, ni ceux qui concernent la rhétorique, encore moins ses lettres ; mais il lira ses oraisons, et sur-tout celles qui sont dans le même genre que celui qu'il veut traiter. Ce sera son discours pour Marcellus , pour la loi Manilienne, pour Ligarius, etc. s'il s'agit de louer. Il prendra les Verrines, les Catilinaires, les Philippiques, etc. s'il s'agit de blamer. Si j'avois à composer un poëme héroïque, je m'attacherois à la lecture seule de Virgile, non dans ses Pastorales, ni dans ses Georgiques; mais dans les

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