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leniret... Il avoit dit un peu plus haut: Omnes enim qui ad illa arma, fato sumus nescio quo Reipublicæ misero funestoque compulsi, etsi aliquá culpâ tenemur erroris humani, à scelere certè liberati sumus. Je laisse au jeune lecteur de comparer dans les détails l'élocution de Cicéron avec celle de M. Fléchier. Je l'avertis seulement que le sujet de l'un étoit l'éloge de César et que celui de l'autre étoit l'éloge du coupable: ainsi Cicéron ne pouvoit louer que Cesar, et excuser Marcellus M. Fléchier pouvoit louer en même tems et excuser M. de Turenne: Mais le Sage revient aisément à soi et il y a dans la Politique comme dans » la Religion une espèce de pénitence plus glorieuse que l'innocence meme » qui répare avantageusement un peu de fragilité par des vertus extraordinai»res, et par une ferveur continuelle. » L'art de l'Orateur a su tirer avantage pour l'éloge de son héros, de ce qui auroit dû eu diminuer la gloire.

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C.

« ( 150. ) Si la licence fut réprimée; si » les haines publiques et particulières » furent assoupies; si les lois reprirent » leur ancienne vigueur; si l'ordre et » le repos furent rétablis dans les villes » et dans les provinces ; si les membres >> furent heureusement réunis à leur chef:

» c'est à lui, France, que tu le dois, v La suspension de l'esprit par une suite de propositions toutes conditionnelles, si; la gradation des idées; le roulement continu des nombres, qui se précipitent vers une finale commune qu'on sent qui les attire; enfin l'éruption subite de l'apostrophe, qui donne à l'esprit une. secousse inattendue, tout cela réuni, est bien capable de donner grande idée de l'Art Oratoire, et bonne opinion de la langue et des oreilles françaises.

L'Orateur se reprend, et le contraste des pensées amene celui des nombres : « Je me trompe, c'est à Dieu, qui tire, » quand il veut, des trésors de sa Provi»dence, ces grandes ames qu'il a choi << sies, comme des instrumens visibles de » sa puissance, pour faire naître du sein » des tempêtes le calme et la tranquillité » publique, pour relever les Etats de » leurs ruines, et réconcilier, quand sa » justice est satisfaite, les Peuples avec »les Souverains. » Quelle richesse quelle magnificence!

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« Son courage qui n'agissoit qu'avec » peine dans les malheurs de sa Patrie » sembla s'échauffer dans les guerres » étrangeres, et l'on vit redoubler sa » valeur. Ce mot fait naître une défi" nition oratoire de la valeur. L'Orateur

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et

dit d'abord ce que la valeur n'est point: c'est une définition par les contraires : « N'entendez pas par ce mot, Messieurs, » une hardiesse vaine, indiscrette, em» portée, qui cherche le danger pour le danger même ; qui s'expose sans fruit, » et qui n'a pour but que la réputation » et les vains applaudissemens des hom»mes. » C'est la valeur du Soldat non celle du Capitaine. « Je parle d'une » hardiesse sage et réglée, qui s'anime à » la vue des enneinis; qui dans le péril » même pourvoit à tout, et prend tous » ses avantages, mais qui se mesure avec »ses forces; qui entreprend les choses. » difficiles, et ne tente pas les impossi» bles; qui n'abandonne rien au hasard » de ce qui peut être conduit par la » vertu; capable enfin de tout oser » quand le conseil est inutile, et prêt à >> mourir dans la victoire, ou à survivre » à son malheur, en accomplissant ses » devoirs. » Ce brillant morceau n'est qu'un lieu commun. On dit quelquefois par mépris, ce discours n'est rempli que de lieux communs, on veut dire alors de choses communes. Les lieux communs entrent nécessairement dans tout discours quel qu'il soit, et ils y produisent les plus grands effets, quand ils sont traités par des hommes de génie. On a

,

et

observé que c'étoit le mot de prudence et non celui de vertu qu'il falloit opposer au hasard. L'Orateur la senti aussi bien que ses critiques; mais outre qu'il y a quelquefois de la grace à laisser un peu de vague dans les idées que l'Auditeur peut déterminer lui-même aisément, le mot vertu est plus ferme à l'oreille pouvoit étre nécessaire pour soutenir la période après les trois finales féminines avantages, forces, impossibles, qui le précedent. « J'avoue, Messieurs, que je succombe ici sous le poids de mon sujet: ce grand nombre d'actions dont je » dois parler m'embarrasse. » M'embarrasse est trop foible après succombe M. Flechier pouvoit dire m'accable.

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«Il cherchoit à soumettre les enne» mis, non pas à les perdre. Il eût voulu » pouvoir attaquer sans nuire; se défen» dre sans offenser, et réduire au droit » et à la justice, ceux à qui il étoit obligé, par devoir, de faire violence, «< Détruire eût été plus juste; mais peutêtre moins vif. Tout ce petit article étincelaut plutôt que brillant dessous de la dignité du sujet.

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est au

CHAPITRE XI.

Continuation du même sujet. Nous n'avons rien dit jusqu'ici des qualités logiques du discours de M. Fléchier, et nous n'en dirons pas davantage ci-après. Notre objet est le style. Que dans un discours les pensées soient claires et justes, ce n'est pas encore un mé rite, ce n'est qu'un défaut évité. Il en est de même de la disposition des matières dans chaque partie; c'est l'affaire du coup du jugement, du bon sens, d'ail: ce n'est point là ce qui fait l'Orateur. C'est l'abondance et la richesses des pensées, jointes à la force et à la grace des expressions. Le nom d'eloquence n'est que celui de l'élocution

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nous

l'avons dit. Ce n'est donc que sur cet objet que doit rouler notre examen.

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Seconde Partie. Elle commence d'un ton grave et sententieux : « La valeur » n'est qu'une force aveugle et impétueu» se, qui se trouble et se précipite, si elle » n'est éclairée et conduite par la probité » et par la prudence ; » mais cette graDvité n'est que dans la pensée, et nullement dans le style; le travail s'y fait sentir par la symétrie apprêtée des rapports

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