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veut des phrases, ou des suites coupées selon certaines proportions qui la reposent; de sorte que tout ce qui concourt à former le discours a demandé des repos. Quand on dit la jeunesse, la beauté, les trésors, sont des biens périssables, il y a dans cette période des repos pour T'esprit, pour l'oreille et pour la respiration. Mais de ces repos les uns ne sont que des demi-repos, des quarts de repos, des repos offerts: le dernier seul marqué par le point, est un repos absolu.

Les repos doivent être placés à certains intervalles, pour le plaisir de l'oreille et la commodité de la respiration. Rarement ils se portent au-delà de douze syllabes, et très-souvent ils restent en decà.

La prose bien faite use de tous les intervalles qu'emploie la versification : mais cet art est caché dans les variations continuelles de ees intervalles. Cependant on l'apperçoit aisément dans ceux de nos Auteurs qui ont eu la sensibilité de l'oreille, et principalement dans la prose de Molière , qui est aussi nomeuse en ce sens que le sont les vers.

Le nombre pris pour chute consiste dans un certain caractère qu'on donne aux syllabes qui précédent les demi-repos et les repos: caractère qui, joint au choix

ou à la progression des intervalles, fait une grande partie de la différence des styles.

Ls Anciens sont entrés dans le détail des mètres ou pieds qui devoient terminer leurs périodes. Pour nous, nous sommes obligés de nous en tenir aux sons, parce que nous n'avons point de mètres déterminés. Nous avons en gé néral les finales masculines qui ordinai rement sont plus fortes et plus fermes que les féminines. Il faut user des unes et des autres, suivant le cas ; et placer au repos final et absolu celles qui doivent y faire le plus d'effet. Il en est de même des syllabes sonores plus ou moins, qui préparent le repos. On en verra des exemples frappans dans l'Oraison de M. Fléchier, que nous examinerons ci-après.

Quoique nous n'ayons point de mètres ou de pieds marqués par notre prosodie; comme nous avons les brèves et les longues dont ils sont composés, et l'oreille, pour les employer ou elles conviennent; nous pouvons en faire ressentir l'effet dans nos compositions oratoires on pourroit même marquer les pieds dans les chutes de cette période : « Le Juste >> regarde sa vie, tantôt comme la fumée » qui s'éleve, qui s'affoiblit en s'éle» vant, qui s'exhale et s'évanouit dans

» les airs; tantôt comme l'ombre qui » s'étend, se rétrécit, se dissipe, som»bre, vuide et disparoissante figure. Féch. Cette matière sera développée dans le Traité suivant.

La troisième espèce d'accord est celle des sons, des mots, des nombres avec le sujet qu'on traite, et avec la pensée. qu'on exprime; c'est l'Harmonie proprement dite.

Il y a Harmonie dans les sons, doux, rudes, clairs, sonores, sombres, secs, selon les objets qui semblent, en une infinité de cas, avoir servi de modèles pour former les mots par l'imitation : comme tonner, siffler, claquer, voltiger, murmurer, etc.

Harmonie dans les mots, communs, nobles, longs, courts, secs, résonnans qui semblent se traîner ou qui se précipitent selon les objets qu'on a à peindre.

Harmonie dans le style, qui est rapide ou lent, coupé ou périodique, figuré ou simple, serré ou développé, selon qu'il s'agit de prouver, ou de peindre, ou de raisonner, ou de toucher, ou de raconter, dans le genre élevé ou dans le médiocre.

Harmonie dans les espaces, qui sont. plus ou moins marqués, plus ou moins fréquens, plus ou moins gradués, plus

ou moins serrés, selon la nature du sujet et de ses parties.

Enfin il y a Harmonie dans les chutes, qui sont soutenues ou adoucies, molles ou fermes, brillantes ou sourdes, en un mot, variées comme les idées et les styles, au gré de l'esprit et de l'oreille. Toutes ces parties seront vérifiées par des exemples et des détails dans l'endroit indiqué. Voyez le 5o. vol. 2. part.

CHAPITRE VIII.

De ce qu'on appelle Style, et des espèces, de Style.

Les mots étant choisis et arranges

selon les lois de l'harmonie et du nombre, relativement à l'élévation ou à la simplicité du sujet qu'on traite il en résulte ce qu'on appelle le Style.

Ce mot signifioit autrefois l'aiguille dont on se servoit pour écrire sur les tablettes enduites de cire. Cette aiguille étoit pointue par un bout, et applatie par l'autre, pour effacer, quand on le vouloit : c'est ce qui a fait dire à Horace? Sæpe stylum vertas, effacez souvent. Il se prend aujourd'hui pour la manière,

le ton, la couleur, qui règnent sensiblement dans un ouvrage, ou dans quelqu'une de ses parties.

Il y a trois sortes de style, le simple,. le moyen et le sublime, ou plutôt le style élevé. Le style simple s'emploie dans les entretiens familiers, dans les Lettres, dans les Fables, etc. Le style sublime fait régner la noblesse, la dignité, la majesté dans un ouvrage. Le style moyen ou médiocre tient le milieu entre les deux. Nous ne pouvons prendre , pour les caractériser, un guide plus sûr que Cicéron, qui semble avoir traité cette partie avec complaisance dans son Orateur.,

« Le style simple, dit-il, est sans élé»vation, conforme aux lois de l'usage » ordinaire, peu différent en apparence » de la diction commune et populaire; » quoique dans le fond, il en soit plus éloigné qu'on ne pense. Tous ceux qui » l'entendent, jusqu'aux moins diserts » croient pouvoir y atteindre. En effet, » rien ne paroît si aisé à attraper que le styte mince et délié quand on en juge par la première impression; s'a> git-il d'en faire l'épreuve; on en sent loute la difficulté (1). »

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(1) Summissus est et humilis, consuetudinem imitans

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