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le moins de l'être? C'eft-là ( du moins je le crois) le fentiment qu'il devait exprimer.

SCENE VII.

V. 3. Elle n'entend ni pleurs, ni confeil, ni raison.

Ce mot pleurs joint avec confeil et raifon, fauve l'irrégularité du terme entendre. On n'entend point des pleurs ; mais ici, n'entend fignifie ne donne point attention. V.dern. Moi-même, en ce moment, fais-je fi je refpire?

Cette fcène et la fuivante, qui femblent être peu de chofe, me paraiffent parfaites. Antiochus joue le rôle d'un homme qui eft fupérieur à fa paffion. Titus eft attendri et ébranlé comme il doit l'être; et dans le moment le fénat vient le féliciter d'une victoire qu'il craint de remporter fur lui-même. Ce font des refforts prefque imperceptibles qui agiffent puissamment fur l'ame. Il y a mille fois plus d'art dans cette belle fimplicité, que dans cette foule d'incidens dont on a chargé tant de tragédies. Corneille a auffi le mérite de n'avoir jamais recours à cette malheureuse et ftérile fécondité qui entasse événemens fur événemens; mais il n'a pas l'art de Racine, de trouver dans l'incident le plus fimple le développement du cœur humain.

ACTE

CINQUIEM E.

SCENE CINQUIEM E.

Vers 55. Lifez, ingrat! lifez, et me laissez sortir.

TITUS lifait tout haut cette lettre à la première représentation. Un mauvais plaisant dit que c'était le testament de Bérénice. Racine en fit fupprimer la lecture. On a cru que la vraie raifon était que la lettre ne contenait que les mêmes chofes que Bérénice dit dans le cours de la pièce.

SCENE VII et dernière.

V.dern. Pour la dernière fois, adieu, Seigneur. — Hélas! Je n'ai rien à dire de ce cinquième acte, finon que c'est en fon genre un chef-d'œuvre, et qu'en le relifant avec des yeux févères, je fuis encore étonné qu'on ait pu tirer des chofes fi touchantes d'une fituation qui est toujours la même ; qu'on ait trouvé encore de quoi attendrir, quand on paraît avoir tout dit; que même tout paraisse neuf dans ce dernier acte, qui n'est que le réfumé des quatre précédens : le mérite est égal à la difficulté, et cette difficulté était extrême. On peut être un peu choqué qu'une pièce finiffe par un hélas! Il fallait être sûr de s'être rendu maître du cœur des fpectateurs pour ofer finir ainfi.

Voilà fans contredit la plus faible des tragédies de Racine qui font reftées au théâtre. Ce n'eft pas même une tragédie mais que de beautés de détail, et quel charme inexprimable règne prefque toujours dans la diction! Pardonnons à Corneille de n'avoir jamais connu ni cette pureté, ni cette élégance. Mais comment se peut-il faire que perfonne depuis Racine n'ait approché

de ce ftyle enchanteur? Eft-ce un don de la nature ? eft-ce le fruit d'un travail affidu? c'eft l'effet de l'un et de l'autre. Il n'eft pas étonnant que perfonne ne foit arrivé à ce point de perfection; mais il l'eft que le public ait depuis applaudi avec transport à des pièces qui à peine étaient écrites en français, dans lesquelles il n'y avait ni connaiffance du cœur humain, ni bon fens, ni poëfie; c'eft que des fituations féduifent, c'eft que le goût eft très-rare. Il en a été de même dans d'autres arts. En vain on a devant les yeux des Raphaël, des Titien, des Paul Véronefe; des peintres médiocres ufurpent après eux de la réputation, et il n'y a que les connaisseurs qui fixent à la longue le mérite des ouvrages.

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Vers 3... Plus nous approchons de ce grand hymenée,
Plus en dépit de moi je m'en trouve gênée.

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ON faura bientôt de quel hymenée on parle ; mais on

ne faura point que c'eft Domitie qui parle ; et le lieu où elle eft n'eft point annoncé.

Cette Domitie, fille de Corbulon, eft amoureuse de Domitian, qui l'eft auffi d'elle. Il est vrai que cet amour eft froid; mais il eft vrai auffi que quand Domitian et fa maîtreffe Domitie s'exprimeraient avec la tendre élégance des héros de Racine, ils n'en intéresseraient pas davantage. Il y a des perfonnages qu'il ne faut jamais repréfenter amoureux : les grands hommes, comme Alexandre, Cefar, Scipion, Caton, Cicéron, parce que c'eft les avilir; et les méchans hommes, parce que l'amour dans une ame féroce ne peut jamais être qu'une paffion groffière qui révolte au lieu de toucher, à moins qu'un tel caractère ne foit attendri et changé par un amour qui le fubjugue. Domitian, Caligula, Néron, Commode, en un mot, tous les tyrans qui feront l'amour à l'ordinaire, déplairont toujours. Dès que Domitian eft l'amoureux de la pièce, la pièce eft tombée.

V. 6. Ne devrait-il pas faire auffi tous mes plaifirs?

Il femble par ce vers, et par tant d'autres dans ce goût, que Corneille ait voulu imiter la mollesse du style de fon rival, qui feul alors était en poffeffion des applaudiffemens au théâtre; mais il l'imite comme un homme robufte, fans grâce et fans fouplesse, qui voudrait se donner les attitudes grâcieufes d'un danfeur agile et élégant.

V. 8. Rome s'en fait d'avance en l'efprit une fête, &c.

Cette expreffion, et l'amer et le rude, tout-à-fait la maîtreffe, un naud reculé qui dégoûte, font bien voir que Corneille n'était pas fait pour combattre Racine dans la carrière de l'élégance et du sentiment.

V. 41. J'ai quelques droits, Plautine, à l'empire romain, &c.

Où font donc ces droits à l'empire qu'elle peut mettre en bonne main? Quoi! parce qu'elle eft fille d'un Corbulon, que quelques troupes voulurent déclarer céfar, elle a des droits à l'empire? C'eft heurter toutes les notions qu'on a du gouvernement des Romains.

V. 43. Mon père avant le fien, élu pour cet empire,

Préféra.... tu le fais, et c'eft affez t'en dire.

....

On n'eft point élu pour l'empire, cela n'eft pas français ; et que veut dire ce préféra avec ces points. . . . . . ? On peut laiffer une phrafe fufpendue quand on craint de s'expliquer, quand on aurait trop de chofes à dire, quand on fait entendre par ce qui fuit, ce qu'on n'a pas voulu énoncer d'abord, et qu'on le fait plus fortement entendre que fi on s'expliquait, comme dans Britannicus:

Et ce même Sénèque, et ce même Burrhus,
Qui depuis... Rome alors eftimait leurs vertus.

Mais ici ce préféra ne fignifie autre chose finon que

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