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SCENE IV.

Cet Atticus qui n'eft pas un personnage de la pièce, vient en faire le dénouement, en fefant accroire qu'il a tué Othon. Ce pourrait être tout au plus le dénouement du Menteur. Le vieux Galba croit cette fauffeté. Il confeille à Plautine d'évaporer fes foupirs. Camille dit un petit mot d'ironie à Plautine, et va dans fon appartement.

SCENE V.

Non-feulement Plautine demeure fur la scène, et s'occupe à répondre par des injures à l'amour du miniftre d'Etat Martian; mais ce grand miniftre d'Etat qui devrait avoir par-tout des ferviteurs et des émiffaires, ne fait rien de ce qui s'eft paffé. Il croit une fausse nouvelle, lui qui devrait avoir tout fait pour être informé de la vérité. Il eft pris pour dupe par cet Atticus, comme l'empereur.

SCENE VI.

Enfin, deux foldats terminent tout dans le propre palais de Galba. Martian et Plautine apprennent qu'Othon eft empereur. Si le lecteur peut aller jufqu'au bout de cette pièce et de ces remarques, il obfervera qu'il ne faut jamais introduire fur la fin d'une tragédie, un perfonnage ignoré dans les premiers actes, un fubalterne qui commande en maître. Il eft impoffible de s'intéresser à ce personnage; et il avilit tous les autres.

SCENE VII.

Cette fcène eft auffi froide que tout le refte, parce qu'on ne s'intéreffe point du tout à ce Vinius qu'on jette par la fenêtre. Tout cet acte fe paffe à apprendre des nouvelles, fans qu'il y ait ni intrigue attachante, ni fentimens touchans, ni grands tableaux, ni beau dénouement, ni beaux vers. Othon l'empereur ne reparaît que pour dire qu'il eft un malheureux amant. Camille eft oubliée. Galba n'a paru dans la pièce que pour être trompé et tué.

Puiffent au moins ces réflexions perfuader les jeunes auteurs, qu'un fujet politique n'est point un sujet tragique; que ce qui eft propre pour l'hiftoire, l'eft rarement pour le théâtre ; qu'il faut dans la tragédie beaucoup de fentiment et peu de raisonnemens ; que l'ame doit être émue par degrés ; que fans terreur et fans pitié, nul ouvrage dramatique ne peut atteindre au but de l'art; et qu'enfin, le ftyle doit être pur, vif, majeftueux et facile !

Corneille, dans une épître au roi, dit, qu'Othon et Suréna,

Ne font point des cadets indignes de Cinna.

Il y a en effet dans le commencement d'Othon des vers auffi forts que les plus beaux de Cinna; mais la fuite eft bien loin d'y répondre auffi cette pièce n'eft point reftée au théâtre.

On joua la même année l'Aftrate de Quinault, célèbre par le ridicule que Defpréaux lui a donné, mais plus célèbre alors par le prodigieux fuccès qu'elle eut. Ce qui fit ce fuccès, ce fut l'intérêt qui parut régner dans la pièce. Le public était las de tragédies en raifonneet de héros differtateurs. Les cœurs fe laissèrent toucher par l'Aftrate, fans examiner fi la pièce était

mens,

vraisemblable, bien conduite, bien écrite. Les paffions y parlaient, et c'en fut affez. Les acteurs s'animèrent ; ils portèrent dans l'ame du fpectateur un attendrissement auquel il n'était pas accoutumé. Les excellens ouvrages de l'inimitable Racine n'avaient point encore paru. Les véritables routes du cœur étaient ignorées ; celles que préfentait l'Aftrate furent fuivies avec tranfport. Rien ne prouve mieux qu'il faut intéreffer, puifque l'intérêt le plus mal amené échauffa tout le public, que des intrigues froides de politique glaçaient depuis plufieurs années.

SUR

AGES I LAS,

TRAGEDIE.

1666.

PREFACE DU COMMENTATEUR.

AGESILAS

GESILAS n'eft guère connu dans le monde que par le mot de Defpréaux:

J'ai vu l'Agéfilas; hélas !

Il eut tort fans doute de faire imprimer, dans fes ouvrages, ce mot qui n'en valait pas la peine; mais il n'eut pas tort de le dire. La tragédie d'Agéfilas est un des plus faibles ouvrages de Corneille. Le public commençait à fe dégoûter. On trouve dans une lettre manufcrite d'un homme de ce temps-là, qu'il s'éleva un murmure très-défagréable dans le parterre, vers d'Aglatide:

Hélas!... je n'entends pas des mieux,.
Comme il faut qu'un hélas s'explique;
Et lorfqu'on fe retranche au langage des yeux,
Je fuis muette à la réplique.

à ces

Ce même parterre avait paffé, dans la pièce d'Othon, des vers beaucoup plus répréhenfibles, en faveur des beautés des premières fcènes; mais il n'y avait point de pareilles beautés dans Agéfilas : on fit fentir à Corneille qu'il vieilliffait. Il donnait un ouvrage

de théâtre prefque tous les ans, depuis 1625. Si vous en exceptez l'intervalle entre Pertharite et Oedipe, il travaillait trop vîte; il était épuifé. Plaignons le trifte état de fa fortune, qui ne répondait pas à fon mérite, et qui le forçait à travailler.

On prétend que la mesure des vers qu'il employa dans Agéfilas nuifit beaucoup au fuccès de cette tragédie. Je crois, au contraire, que cette nouveauté aurait réuffi, et qu'on aurait prodigué les louanges à ce génie fi fécond et fi varié, s'il n'avait pas entièrement négligé dans Agéfilas, comme dans les pièces précédentes, l'intérêt et le ftyle.

Les vers irréguliers pourraient faire un très-bel effet dans une tragédie; ils exigent, à la vérité, un rhythme différent de celui des vers alexandrins et des vers de dix fyllabes; ils demandent un art fingulier: vous pouvez voir quelques exemples de la perfection de ce genre dans Quinault :

Le perfide Renaud me fuit;

Tout perfide qu'il eft, mon lâche cœur le fuit.
Il me laiffe mourante, il veut que je périsse.

Je revois à regret la clarté qui me luit.

L'horreur de l'éternelle nuit

Cède à l'horreur de mon fupplice, &c. &c.

Toute cette fcène bien déclamée remuera les cœurs autant que fi elle était bien chantée; et la musique même de cette admirable scène n'eft qu'une déclamation notée.

Il eft donc prouvé que cette mesure de vers pourrait porter dans la tragédie une beauté nouvelle dont le public a befoin pour varier l'uniformité du théâtre.

Le

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