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dur et impitoyable, tel que Phocas, s'excufe doucement envers une perfonne qui vient de l'outrager fi violemment, et qu'il lui offre toujours fon fils? S'il y était forcé par la nation, fi en mariant fon fils à Pulchérie il excluait Héraclius du trône, il aurait raison; mais Héraclius n'en aura pas moins de droits, fuppofé qu'en effet on ait des droits à un empire électif, et fuppofé furtout qu'Héraclius foit en vie, ce que Phocas ne croit point.

V.105. Par un dernier effort je veux fouffrir la rage

Qu'allume dans ton cœur cette fanglante image.

Une rage qu'une fanglante image allume! Il n'eft point d'ailleurs de fanglante image dans ce couplet.

V. 114. Va, je ne confonds point fes vertus et ton crime...
J'en vois affez en lui pour les plus grands Etats.

Cette phrafe n'eft pas française. On eft digne de gouverner de grands Etats; on a affez de mérite pour être élu empereur; mais je vois affez de mérite en lui pour un royaume, pour une armée, &c. ne peut fe dire, parce que le fens n'eft pas complet. Le mot pour, fans verbe, fignifie tout autre chose; cet ouvrage était excellent pour fon temps; Phocas eft bien patient pour un homme violent. De plus, on ne doit point dire que le fils d'un empereur eft digne de gouverner les plus grands Etats; car quel plus grand Etat que l'empire romain?

V.119. Je penche d'autant plus à lui vouloir du bien, &c.
expreffion de comédie.

V.121. Que fes longues froideurs témoignent qu'il s'irrite
De ce qu'on veut de moi par-delà fon mérite;

Et que de tes projets fon cœur trifte et confus,

Pour m'en faire juftice, approuve mes refus.

Cela n'eft pas d'un ftyle élégant.

V. 125.

V.125. Ce fils fi vertueux d'un père fi coupable,

S'il ne devait régner, me pourrait être aimable.

On ne peut dire, il m'eft aimable, haïffable; et pourtant l'on dit, il m'eft agréable, défagréable, odieux, infupportable, indifférent. On en a dit la raison.

V.127. Et cette grandeur même où tu le veux porter
Eft l'unique motif qui m'y fait réfifter.

Porter à une grandeur; cela n'eft ni élégant ni correct. Et un motif qui fait y réfifter! A quoi? à cette grandeur où l'on veut porter Martian?

V.137. Avife; et fi tu crains qu'il te fût trop infame

De remettre l'empire en la main d'une femme...

Corneille emploie souvent ce mot avife; il était trèsbien reçu de fon temps. Qu'il te fût infame, n'est pas français; la langue permet qu'on dife, cela m'eft honteux, mais non pas cela m'eft infame. Et cependant on dit, il eft infame à lui d'avoir fait cette action. Toutes les langues ont leurs bizarreries et leurs inconféquences.

V.142. Tyran, defcends du trône et fais place à ton maître ;

eft un vers admirable. Il le ferait encore plus fi l'on pouvait parler ainfi à un empereur dans une fimple converfation. Il n'y a qu'une fituation violente qui permette les difcours violens. Il eft toujours étrange que Phocas perfifte à vouloir offrir son fils à une princeffe que tout autre ferait enfermer, pour l'empêcher de conspirer et pour avoir un otage.

N. B. En général, toutes les fcènes de bravade doivent être ménagées par gradation. Un empereur et une fille d'empereur ne fe difent point d'abord les dernières duretés; et quand une fois on a laiffé échapper de ces reproches et de ces menaces qui ne laiffent plus lieu à la Comment. fur Corneille. Tome II. C

conversation, tout doit être dit. La fcène aurait fini très-heureusement par ce beau vers: Tyran, defcends du trône et fais place à ton maître; mais quand on entend enfuite, à ce compte, arrogante, &c. les injures multipliées révoltent le lecteur, et font languir le dialogue. V.143. A ce compte, arrogante, un fantôme nouveau, Qu'un murmure confus fait fortir du tombeau,

Te donne cette audace et cette confiance !

A ce compte eft du ftyle négligé et du ton familier qu'on se permettait alors mal à propos. Ce mot arrogante conviendrait à Pulchérie, s'il était poffible qu'un empereur et une fille d'empereur se diffent des injures groffières. V.146. Ce bruit s'eft déjà fait digne de ta croyance.

Un bruit ne fe peut faire digne ni indigne; cela n'eft pas français, parce qu'on ne peut s'exprimer ainfi en aucune langue.

V.153. Et cette reffemblance où fon courage aspire

Mérite mieux que toi de gouverner l'empire.

C'est une faute en toute langue, parce qu'une reffemblance ne peut ni gouverner, ni mériter.

V.160. Sors du trône et te laisse abuser comme moi.

Elle fait deux fois cette propofition, et la feconde eft bien moins forte que la première; mais peut-elle férieufement lui parler ainfi ? Je fais que ces bravades réuffissent auprès du parterre; mais je doute qu'un lecteur inftruit les approuve quand elles ne font pas néceffaires, et quand elles font fi fortes qu'elles doivent rompre tout commerce entre les deux interlocuteurs.

V.164. Ma patience a fait par-delà son pouvoir.

Comment une patience fait-elle au-delà de fon pouvoir? Jamais on ne peut faire que ce qu'on peut.

V.170. Mais choifis pour demain la mort ou l'hymenée.

Phocas enfin la menace, mais quelle raifon a-t-il de perfifter à lui faire époufer fon fils, qui ne veut pas d'elle, et dont elle ne veut pas? Il n'en a d'autre raison que celle qui lui a été suggérée par fon confident Crifpe à la première scène. Crifpe lui remontre que ce mariage attirerait à la maifon de Phocas l'affection du peuple, qu'on fuppofe attaché à la maifon de Maurice; mais la haine implacable et jufte de Pulchérie détruit cette raifon. N'aurait-il pas fallu que les grands et le peuple euffent demandé le mariage de Pulchérie et de Martian?

V.dern. Dis, fi tu veux, encor qué ton cœur la fouhaite.

Il me femble que cette fcène ferait bien plus vraisemblable, bien plus tragique, fi l'auteur y avait mis plus de décence et plus de gradation. Un mot échappé à une princeffe, qui eft dans la fituation de Pulchérie, fait cent fois plus d'effet qu'une déclamation continuelle et un torrent d'injures répétées.

SCENE III.

J'ai cru qu'il ferait utile pour le lecteur d'ajouter, dans cette fcène et dans les fuivantes, aux noms des perfonnages, les noms fous lefquels ils paraiffent, et d'indiquer encore s'ils fe connaiffent eux-mêmes, ou s'ils ne fe connaiffent pas, pour lever toute équivoque, et pour mettre le lecteur plus aifément au fait; c'eft une triste néceffité.

V. 1. Approche, Martian, que je te le répète.

On doit répéter le moins qu'on peut. Mais fi Pulchérie, que Phocas nomme ingrate furie, confpire la perte du père et du fils, il eft bien étrange que le père s'opiniâtre à vouloir que fon fils époufe cette furie.

V. 10. Etant ce que je fuis, je me dois quelque effort,
Pour vous dire, Seigneur,...

Le fens de la phrase eft, je dois vous dire, quoi qu'il m'en coûte, mais il ne doit pas faire effort pour dire. Ce n'eft pas fur cet effort qu'il fe fait, que fon devoir tombe. D'ailleurs, il ne fait point d'effort, puisqu'il n'aime point Pulchérie, puifqu'il croit même être fon frère; et puis comment fe doit-on un effort?

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Ce mot femble condamner toute la fcène précédente. Phocas avoue qu'il n'avait nul befoin de marier Pulchérie à fon fils; il femble, au contraire, qu'il devait avoir un befoin très-preffant de ce mariage pour former un nœud intéreffant.

V. 23. Vous verriez par fa mort le défordre achevé.

On n'achève point un défordre, comme on achève un projet, une affaire, un ouvrage. Ce n'eft pas là le mot propre.

V. 26. Et d'un parti plus bas puniffant fon orgueil...

On peut être puni de fon orgueil par un hymen difproportionné ; mais on ne peut pas dire, être puni d'un hymen, comme on dit être puni du dernier fupplice. Parti plus bas eft déplacé. Il semble que Martian soit un parti bas, et qu'on menace Pulchérie d'un parti plus bas encore. V. 30. Seigneur, j'ai des amis chez qui cette moitié...

L'usage a permis qu'en quelques occafions on puisse appeler fa femme fa moitié.

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