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Vers 5. ... L'orgueil des Romains fe promettait l'éclat
D'affervir par leur prife et vous et tout l'Etat.

L'ECLAT d'affervir vous et tout l'Etat par une prise,

folécifme et barbarifme.

V. 7. Syphax a diffipé par sa seule présence

De leur ambition la plus fière efpérance.

La plus fière espérance d'une ambition, folécifme et barbarifme.

V. 12. Il les range en bataille au milieu de la plaine ;

L'ennemi fait le même.

L'ennemi fait le même, barbarifme.

(Fin de la fcène.) Vous voyez que l'expofition de la pièce est bien faite. On entre tout d'un coup en matière. On eft occupé de grands objets. Les fautes de ftyle, comme, fe promettre l'éclat d'affervir vous et l'Etat, étaler des menaces, envoyer un trompette, une heure à conférer, font des minuties qu'il ne faut pas, à la vérité, négliger, mais qu'on ne doit pas reprendre févèrement, quand le beau eft dominant.

SCENE II.

V. 2. ... Vos vœux pour la paix n'ont

pas

Des vœux qui n'ont pas une ame entière!

V. 23. Nous vaincrons, Herminie, &c.

votre ame entière.

Il y a des degrés dans le mauvais comme dans le bon. Cette tirade n'eft pas de ce dernier degré qui étonne et qui révolte dans Pertharite, dans Théodore, dans Attila, dans Agéfilas. Mais fi le plus plat des auteurs tragiques s'avifait de dire aujourd'hui, nos deftins jaloux voudront faire quelque chofe pour nous à leur tour. Un amour qu'il m'a plu de trahir, ne fe trahira pas jusqu'à me haïr ; et l'estime qu'on prend pour un autre mérite, et un ordre ambitieux d'un hymen ; et fi enfin il étalait fans ceffe tous ces miférables lieux communs de politique, y aurait-il affez de fifflets pour lui?

V. 29. Jamais à ce qu'on aime on n'impute d'offenfe, &c.

Le cœur eft glacé dès cette fcène. Ces differtations fur l'amour, qui tiennent plus de la comédie que de la tragédie, ne conviennent ni à une femme qui aime véritablement, ni à une ambitieufe comme Sophonisbe; et Sophonisbe qui dans cette fcène trouve bon que Maffiniffe ne l'aime point, et qui ne veut pas qu'il en aime une autre, joue dès ce moment un perfonnage auquel on ne peut jamais s'intéreffer.

V. 53. Ce refle ne va point à regretter ma perte,

Dont je prendrais encor l'occafion offerte.

Un refle qui ne va point à regretter une ferte dont on prendrait encore l'occafion offerte! quelles expreffions! quel ftyle!

V. 96. Un efclave échappé nous fait toujours rougir.

Cette petite coquetterie comique et cette nouvelle

differtation fur les femmes qui veulent toujours conserver leurs amans, font fi déplacées, que la confidente a bien raifon de lui dire refpectueufement qu'elle est une capricieuse. Ce mot feul de caprice ôte au rôle de Sophonisbe toute la dignité qu'il devait avoir, détruit l'intérêt, et eft un vice capital. Ajoutez à cette grande faute les défauts continuels de la diction, comme Eryxe qui avance la douleur de Sophonisbe par fa joie ; une nouveauté qui n'ofe confoler de la déloyauté; un illuftre refus; une perte devenue amère au-dedans; Herminie qui ne comprend pas que peut importer à laquelle on veuille s'arriter; un reste d'amour qui ne va point à regretter une perte dont on prendrait encore l'occafion offerte; et tout ce galimatias abfurde qu'on ne remarqua pas affez dans un temps où le goût des Français n'était pas encore formé, et qu'on ne remarque guère aujourd'hui, parce qu'on ne lit pas avec attention, et furtout parce que prefque perfonne ne lit les dernières pièces de Corneille.

SCENE III.

V. 27. Rome nous aurait donc appris l'art de trembler.
On n'avait pas mis encore la peur au rang des arts.

V. 30. On ne voit point d'ici ce qui fe passe à Rome.

On fent combien ce vers eft ridicule dans une tragédie. Si on voulait remarquer tous les mauvais vers, la peine ferait trop grande et ferait perdue.

(Fin de la fcène.) Cette converfation politique entre deux femmes, leurs petites picoteries n'élèvent l'ame du fpectateur ni ne la remuent, et le lecteur eft rebuté de voir à tout moment de ces vers de comédie que Corneille s'eft permis dans toutes fes pièces depuis Cinna, et que le fuccès conftant de Cinna devait l'engager à

profcrire de son ftyle. On pourrait obferver les folécifmes, les barbarifmes de ces deux femmes, et, ce qui eft bien plus impardonnable, leur langage trivial et comique. Il n'eft pas permis de mettre dans une tragédie, des vers tels que ceux-ci :

Avez-vous en ces lieux quelque commerce? Aucun.
D'où le favez-vous donc ? D'un peu de fens commun.
On pourrait fort attendre: et pendant cette attente
Vous pourriez n'avoir pas l'ame la plus contente.
On ne fait point d'ici ce qui fe paffe à Rome.
Mais, Madame, les dieux vous l'ont-ils révélé ?
L'ame la plus crédule,
D'un miracle pareil, ferait quelque fcrupule.
. Un fuccès hautement emporté,

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Qui mettrait notre gloire en plus d'égalité.
Du refte, fi la paix vous plaît ou vous déplaît,

La victoire et la paix font pour moi même chose. &c. &c.

C'eft-là ce que Saint-Evremont appelle parler avec dignité, c'eft la véritable tragédie : et l'Andromaque de Racine eft à fes yeux une pièce dans laquelle il y a des chofes qui approchent du bon ! Tel eft le préjugé ; telle eft l'envie fecrète qu'on porte au mérite nouveau fans prefque s'en apercevoir. Saint-Evremont était né après Corneille, et avait vu naître Racine. Ofons dire qu'il n'était digne de juger ni l'un ni l'autre. Il n'y a peut-être jamais eu de réputation plus ufurpée que celle de Saint-Evremont.

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V. dern. Et je faurai pour vous vaincre ou mourir en roi.

Cette fcène devrait être intéreffante et fublime. Sophonisbe veut forcer fon mari à prendre le parti de Carthage contre les Romains. C'eft un grand objet et digne de Corneille; fi cet objet n'eft pas rempli, c'eft en

partie la faute du ftyle. C'eft cette répétition, m'aimezvous, Seigneur? oui, m'aimez-vous encore? C'est cette imitation du difcours de Pauline à Polyeucte :

Moi qui, pour en étreindre à jamais les grands nœuds,
Ai d'un amour fi jufte éteint les plus beaux feux.

Imitation mauvaife; car le facrifice que Pauline a fait de fon amour pour Sévère eft touchant, et le facrifice de Maffiniffe, que Sophonisbe a fait à l'ambition, eft d'un genre tout différent. Enfin, Syphax eft faible; Sophonisbe veut gouverner fon mari. La fcène n'eft pas affez fortement écrite, et tout eft froid.

Je ne parle point de Carthage abandonnée, qui vaut pour l'un et pour l'autre une grande journée; je ne parle pas du ftyle qui devrait réparer les vices du fond, et qui les augmente.

ACTE SE CON D.

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N retrouve dans ce fecond acte des étincelles du feu qui avait animé l'auteur de Cinna et de Polyeucte, &c. Cependant la pièce de Corneille n'eut qu'un médiocre fuccès, et la Sophonisbe de Mairet continua à être repréfentée. Je crois en trouver la raison jufque dans les beaux endroits même de la Sophonisbe de Corneille. Eryxe, cette ancienne maîtreffe de Maffiniffe, démêle très-bien l'amour de Maffiniffe pour fa rivale : tout ce qu'elle dit eft vrai, mais ce vrai ne peut toucher. Elle annonce elle-même que Sophonisbe eft aimée; dès-lors plus d'incertitude dans l'esprit du spectateur, plus de fufpenfion, plus de crainte. Mairet avait eu l'art de tenir les efprits en fufpens: on ne fait d'abord chez lui fi Maffiniffe pardonnera ou non à sa captive. C'est beaucoup que dans le temps groffier où Mairet écrivait, il devinât ce grand art d'intéreffer. Sa pièce était à la vérité remplie

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