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SCENE I I.

V. 1. Une feconde fois, adorable Princesse, &c.

On ne doit jamais rien dire une feconde fois; cette scène n'est qu'une répétition de la précédente.

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V. 15. Il découvre à ces mots la tête de Méduse, &c.

Voici prefque le feul morceau où l'on retrouve Corneille. Cette image des guerriers pétrifiés par la tête de Médufe eft imitée d'Ovide:

Immotufque filex armataque manfit imago.

Quinault n'a point exprimé ce qu'Ovide et Corneille ont fi bien peint.

Je ne ferai point ici de remarque fur cette phrase qui n'eft pas française, defcendons en un combat; fur ces mots, ne prends que ton courage; fait choir Ménale; fauvez vos regards. Je n'ai presque point examiné le ftyle de cette pièce; il eft trop négligé et trop incorrect. La pièce d'ailleurs eft oubliée, et il n'y a que celles qui font reftées au théâtre fur lefquelles on puiffe entrer dans des détails utiles.

V. 21. J'entends comme à grands pas ce vainqueur le pourfuit, Comme il court fe venger de qui l'ofait furprendre, &c. Cette description paraît digne des bons ouvrages de Corneille.

SCENE VII.

On pouvait se paffer de Mercure.

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DU COMMENTATEUR,

LOUIS

Sur un paffage concernant Héraclius.

OUIS RACINE, fils de l'admirable Jean Racine, a fait un traité de la poëfie dramatique, avec des remarques fur les tragédies de fon illuftre père. Voici comme il s'explique fur l'Héraclius de Corneille, page 373:

"On croirait devoir trouver quelque reffemblance "entre Héraclius et Athalie, parce qu'il s'agit dans ces " pièces de remettre fur un trône ufurpé un prince à " qui ce trône appartient, et ce prince a été fauvé du "carnage dans fon enfance, Ces deux pièces n'ont " cependant aucune ressemblance entre elles, non-feu,,lement parce qu'il eft bien différent de vouloir remettre ,, fur le trône un prince en âge d'agir par lui-même, ou ,, un enfant de huit ans; mais parce que Corneille a " conduit fon action d'une manière fi fingulière et fi ,, compliquée, que ceux qui l'ont lue plufieurs fois, et ›› même l'ont vu représenter, ont encore de la peine à » l'entendre, et qu'on se laffe à la fin

" D'un divertiffement qui fait une fatigue.

"Dans Héraclius, fujet et incidens, tout eft de l'inven,, tion du génie fécond de Corneille, qui, pour jeter de ,, grands intérêts, a multiplié des incidens peu vraisem, blables. Croira-t-on une mère capable de livrer fon ›› propre fils à la mort, pour élever fous ce nom le fils ❞ de l'empereur mort? Eft-il vraisemblable que deux " princes, se croyant toujours tous deux ce qu'ils ne font " pas, parce qu'ils ont été changés en nourrice, s'aiment

REMARQUE DU COMMENTATEUR.

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" tendrement lorfque leur naiffance les oblige à fe " détefter, et même à se perdre ? Ces chofes ne font pas ,, impoffibles; mais on aime mieux le merveilleux qui "naît de la fimplicité d'une action, que celui que peut " produire cet amas confus d'incidens extraordinaires. » Peu de perfonnes connaissent Héraclius: et qui ne '' connaît pas Athalie ?

,, Il y a d'ailleurs de grands défauts dans Héraclius. "Toute l'action eft conduite par un personnage subal,, terne, qui n'intéreffe point : c'eft la reconnaiffance qui " fait le fujet, au lieu que la reconnaissance doit naître ,, du sujet, et caufer la péripétie. Dans Héraclius, Ia " péripétie précède la reconnaiffance. La péripétie eft la ,, mort de Phocas : les deux princes ne font reconnus ,, qu'après cette mort; et comme alors ils n'ont plus à ,, le craindre, qu'importe au spectateur qui des deux ", foit Héraclius? Il me paraît donc que le poëte qui s'eft ", conformé aux principes d'Ariftote, et qui a conduit fa » pièce dans la fimplicité des tragédies grecques, eft », celui qui a le mieux réuffi. „

J'avoue que je ne fuis pas de l'avis de M. Louis Racine en plufieurs points. Je crois qu'une mère peut livrer fon fils à la mort pour fauver le fils de fon empereur: mais pour rendre vraisemblable une action fi peu naturelle, il faudrait que la mère eût été obligée d'en faire ferment, qu'elle eût été forcée par la religion, par quelque motif fupérieur à la nature: or, c'eft ce qu'on ne trouve pas dans l'Héraclius de Pierre Corneille; Léontine même eft d'un caractère abfolument incapable d'une piété fi étrange; c'eft une intrigante, et même une très-méchante femme, qui réserve Héraclius à un incefte: de tels caractères ne font pas capables d'une vertu furnaturelle.

Je ne crois pas impoffible qu'Héraclius et Martian aient de l'amitié l'un pour l'autre ; je remarque feulement que cette amitié n'eft guère théâtrale, et qu'elle ne produit aucun de ces grands mouvemens néceffaires au théâtre.

A l'égard du dénouement, je crois que le critique a entièrement raison ; mais je ne conçois pas comment il a voulu faire une comparaifon d'Athalie et d'Héraclius, fi ce n'eft pour avoir une occafion de dire qu'Héraclius lui paraît un mauvais ouvrage.

Il faut bien pourtant qu'il y ait de grandes beautés dans Héraclius, puifqu'on le joue toujours avec applaudiffement quand il fe trouve des acteurs convenables aux rôles.

Les lecteurs éclairés fe font aperçus fans doute qu'une tragédie écrite d'un ftyle dur, inégal, rempli de folėcifmes, peut réuffir au théâtre par les fituations, et qu'au contraire une pièce parfaitement écrite peut n'être pas tolérée à la représentation. Efther, par exemple, eft une preuve de cette vérité; rien n'eft plus élégant, plus correct que le ftyle d'Efther; il eft même quelquefois touchant et fublime; mais quand cette pièce fut jouée à Paris, elle ne fit aucun effet; le théâtre fut bientôt défert: c'eft fans doute que le fujet eft bien moins naturel, moins vraisemblable, moins intéreffant que celui d'Héraclius. Quel roi qu'Affuérus, qui ne s'eft pas fait informer les fix premiers mois de fon mariage de quel pays est sa femme! qui fait égorger toute une nation, parce qu'un homme de cette nation n'a pas fait la révérence à fon vifir! qui ordonne enfuite à ce vifir de mener par la bride le cheval de ce même homme, &c.

Le fond d'Héraclius eft noble, théâtral, attachant; et le fond d'Efther n'était fait que pour des petites filles de couvent, et pour flatter madame de Maintenon.

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Vers 1. Crifpe, il n'eft que trop vrai, la plus belle couronne N'a que de faux brillans dont l'éclat l'environne, &c.

ON trouye fouvent dans Corneille de ces maximes

vagues et de ces lieux communs, où le poëte se met à la place du perfonnage. S'il y a dans Racine quelque passage qui reffemble au début de Phocas, c'eft celui d'Agamemnon dans Iphigénie :

Heureux qui fatisfait de fon humble fortune,
Libre du joug fuperbe où je fuis attaché,

Vit dans l'état obfcur où les dieux l'ont caché!

Mais que cette réflexion eft pleine de fentiment! qu'elle eft belle! qu'elle eft éloignée de la déclamation!

Au contraire, les premiers vers de Phocas paraiffent une amplification, les vers en font négligés. Ce font les faux brillans qui environnent une couronne; c'est celui dont le ciel a fait choix pour un fceptre, et qui en ignore le poids; ce font mille et mille douceurs qui font un amas d'amertumes cachées. J'ajouterai encore que cette déclamation conviendrait peut-être mieux à un bon roi qu'à un tyran et à un meurtrier qui règne depuis long-temps, et qui doit être

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