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le fang de fon maître. On ne fort point d'étonnement de voir jufqu'où l'auteur de Cinna s'eft égaré et s'eft abaissé.

SCENE I I.

V. 9. Approchez, Liriope, et rendez-lui fon change.

Liriope qui rend fon change au page, eft encore d'une étrange galanterie.

(Fin de la fcène.) Voici une de ces chofes étranges que j'ai promis de remarquer; ce font ces fcènes de galanterie bourgeoife, auffi éloignées de la dignité de la tragédie que des grâces de l'opéra. C'eft cette Andromède qui demande à fes filles d'honneur laquelle eft amoureuse de Perfée; c'eft ce page qui chante une chanson infipide; c'eft Andromède qui rend férénade pour férénade; c'eft, Approchez, Liriope, et rendez-lui fon change, &c. Il femble que tout cela ait été fait pour la noce d'un bourgeois de la rue Thibautaudé.

Mais que l'on confidère que les Français n'avaient aucun modèle dans ce genre; nous n'avons rien de supportable avant Quinault dans le lyrique.

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V. 25. Affez fouvent le ciel par quelque fauffe joie

Se plaît à prévenir les maux qu'il nous envoie.

Le plus grand fruit que l'on puiffe recueillir de cette pièce, c'eft d'en comparer les fituations et les expreffions avec celles de l'Iphigénie de Racine. Iphigénie, dans les mêmes circonftances, dit à fon amant :

Je meurs dans cet efpoir fatisfaite et tranquille;
Si je n'ai pas vécu la compagne d'Achille,
J'efpère que du moins un heureux avenir

A vos faits immortels joindra mon souvenir;

Et qu'un jour mon trépas, fource de votre gloire,
Ouvrira le récit d'une fi belle hiftoire, &c.

C'eft là qu'on trouve la perfection du ftyle, c'eft là que tous les écrivains, foit en profe, foit en vers, doivent chercher un modèle.

V. 61. Hélas! qu'il était grand quand je l'ai cru s'éteindre

Votre amour, et qu'à tort ma flamme ofait s'en plaindre!

De longs discours et fi peu naturels dans une fituation fi violente, fi affreufe, fi inattendue, font pires que le page qui veut faire enfuir le soleil, et que Liriope qui lui rend fon change.

SCENE IV.

V. 5. Epargne ma douleur, juges-en par fa caufe;

Et va fans me forcer à te dire autre chose.

Cela eft encore plus mauvais que tout ce que nous avons vu. Les inepties du page et de Liriope font fans conféquence; mais un père qui facrifie froidement fa fille, fans lui dire autre chofe, joint l'atrocité au ridicule.

V. 35. Apprenez que le fort n'agit que fous les dieux,

Et fouffrez comme moi le bonheur de ces lieux.

Ce Céphée eft ici plus infupportable que jamais; il facrifie fa fille de trop bon cœur.

V. 59. J'y cours, mais autrement je jure fes beaux yeux,

Et mes uniques rois, et mes uniques dieux...

Il s'agit bien ici de beaux yeux, et d'uniques rois, et d'uniques dieux. Voyez comme Achille parle dans Iphigénie.

Cette fcène a encore beaucoup de conformité avec l'Iphigénie de Racine. Andromède dit :

Seigneur, je vous l'avoue, il eft bien douloureux

De tout perdre au moment que l'on croit être heureux !

Iphigénie s'exprime ainsi :

J'ofe vous dire ici qu'en l'état où je fuis,
Peut-être affez d'honneur environnait ma vie,
Pour ne pas fouhaiter qu'elle me fût ravie,
Ni qu'en me l'arrachant un févère deftin

Si près de ma naiffance en eût marqué la fin.

Jamais un fentiment naturel et touchant ne fut plus éloigné de l'emphase tragique, ni exprimé avec une élégance plus noble et plus fimple. Jamais on n'a mis plus de charmes dans la véritable éloquence.

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Et vais forcer le fort à prendre un autre cours.

Perfée qui va forcer le fort à prendre un autre cours, pas le Perfée de Quinault.

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ACTE TROISIE ME.

SCENE PREMIERE.

Vers 11.

Affreuse image du trépas. . . . .

Que l'on vous conçoit mal, quand on vous envisage
Avec un peu d'éloignement !

On doit remarquer un défaut que Corneille n'a pu éviter

dans aucune de fes pièces de théâtre; c'eft de faire parler le poëte à la place du perfonnage; c'eft de mettre en froids raisonnemens, en maximes générales, ce qui doit être en fentiment; défaut dans lequel Racine n'eft jamais tombé.

SCENE I 1.

V. 17. Chacun préférerait le portrait au modèle,

Et bientôt l'univers n'adorerait plus qu'elle.

Voilà encore un des grands défauts de Corneille; il cherche des pensées, des traits d'efprit, et, qui pis eft, d'un efprit faux, quand il ne faut exprimer que la douleur. Caffiope découvre d'où provient tant de haine, c'est de jaloufie; et Clytemneftre dans Iphigénie ne s'exprime pas ainfi.

Mais, malgré ce défaut, il y a des momens de chaleur dans le difcours de Caffiope. On remarquera feulement qu'Andromède, enchaînée fur fon rocher et fur le point d'être dévorée, n'eft pas en état de faire la conversation.

ACTE QUATRIE M E.

SCENE II.

Vers 34. Peut-être il ne lui faut qu'un foupir et deux larmes,
Pour diffiper, &c.

C'EST-LA un des plus étranges vers qu'on ait jamais faits en quelque genre que ce puiffe être ; mais ce n'eft qu'un vers aifé à corriger, au lieu que les froids et inutiles difcours d'Andromède et du chœur des nymphes ne peuvent être embellis.

SCENE III.

V. 1. Sur un bruit qui m'étonne, &c.

Le rôle de Phinée devient ridicule quand il fait des reproches à la princesse de ce qu'on la donne à celui qui l'a fauvée ; il ne tenait qu'à lui de fe mettre dans une barque, et d'aller combattre le monftre. Ce perfonnage eft trop avili,

V. 46. Vous deviez l'efpérer fur la foi d'un oracle, &c.
Ces conteftations font bien froides.

V. 78. Et vos refpects trouvaient une digne matière
A me laiffer l'honneur de mourir la première, &c.
Andromède accable trop ce Phinée.

SCENE IV.

V. 17. Je fais que Danaé fut fon indigne mère ;

L'or qui plut dans fon fein l'y forma d'adultère :
Mais le pur fang des rois n'eft pas moins précieux,
Ni moins chéri du ciel que les crimes des dieux.

Ces quatre vers font beaux; c'eft la condamnation de prefque toutes les fables de l'antiquité.

ACTE

CINQUIEM E.

SCENE

PREMIERE.

Vers 21. En cette extrémité que prétendez-vous faire ? -
Tout hormis l'irriter, tout hormis lui déplaire,

Soupirer à fes pieds, pleurer à fes genoux, &c.

CORNEILLE palle pour avoir dédaigné de parler d'amour; il en parle pourtant, et beaucoup, dans toutes fes pièces fans en excepter une feule. C'était fans doute dans cet ouvrage, qui eft moitié tragédie moitié opéra, qu'il devait traiter cette paffion; mais il fallait en parler autrement, et ne point dire qu'un véritable amant espère jusqu'au bout, &c.

SCENE

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