plus de trente ans après. Voyez comme dans fa tragédieopéra de Perfée et d'Andromède, Caffiope raconte la même aventure, comme il n'y a rien de trop dans fon récit, comme il ne fait point le poëte mal à propos ; tout eft concis, vif, touchant, naturel, harmonieux. Heureuse épouse, tendre mère, Trop vaine d'un fort glorieux, Je n'ai pu m'empêcher d'exciter la colère Mais j'efpère fléchir fon courroux rigoureux. Qu'à l'honneur de Junon dans ces lieux on prépare. Il faut que mon respect répare Les dieux puniffent la fierté. Il n'eft point de grandeur que le ciel irrité Mais un prompt repentir Peut arrêter la foudre Toute prête à partir. Les étrangers ne connaissent pas affez Quinault; c'eft un des beaux génies qui aient fait honneur au fiècle de Louis XIV. Boileau, qui en parle avec tant de mépris, était incapable de faire ce que Quinault a fait; personne n'écrira mieux en ce genre; c'eft beaucoup que Corneille ait préparé de loin ces beaux fpectacles. Une remarque importante à faire, c'eft qu'il n'y a pas une seule faute contre la langue dans les opéra de Quinault, à commencer depuis Alcefte. Aucun auteur n'a plus de précifion que lui, et jamais cette précision . ne diminue le fentiment; il écrit auffi correctement que Boileau; et on ne peut mieux le venger des critiques paffionnées de cet homme, d'ailleurs judicieux, qu'en le mettant à côté de lui. V. 35. Et voyant fes regards s'épandre fur les eaux. . . Des regards ne s'épandent ni ne se répandent. Vous autres immortelles eft comique. V. 62. L'onde qui les reçut s'en irrita pour elles. Ce vers eft comme le précurfeur de celui de Racine : Le flot qui l'apporta recule épouvanté. On a critiqué beaucoup ce dernier vers ; et on n'a jamais parlé du premier; c'eft que l'un eft de Phèdre, que tous les amateurs favent par cœur, et que l'autre eft d'Andromède, que prefque perfonne ne lit. Il paraît utile d'obferver que Corneille n'a point changé de ftyle en changeant de genre. Le grand art confifterait à fe proportionner à fes fujets. V. 77. Nous courons à l'oracle en de telles alarmes, Et voici ce qu'Ammon répondit à nos larmes... Il y a bien loin de la mer d'Ethiopie à l'oracle d'Ammon. Il fallait traverfer toute l'Ethiopie et toute l'Egypte. On ne va guère confulter un oracle à quatre cents lieues quand le péril eft fi pressant. V. 119. Les nymphes de la mer ne lui font pas fi chères Colère n'admet jamais de pluriel, V. 123. Il venge, et c'eft de là que votre mal procède, il L'injuftice rendue aux beautés d'Andromède. On ne rend point injustice, comme on rend justice; c'eft un barbarifme; la raison en eft qu'on rend ce qu'on doit: on doit juftice, on ne doit pas injuftice. D'ailleurs, y a beaucoup d'efprit dans le difcours de Perfée, mais il n'y a rien d'intéressant : c'eft-là un des grands défauts de Corneille. Quinault intéreffe, quoiqu'il soit presque permis de négliger cet avantage dans l'opéra. V. 147. Et quand pour l'efpérer je ferais affez folle, Le roi dont tout dépend eft homme de parole. Ce terme folle et celui de civilité, et le ton de ce difcours, font bourgeois, tandis qu'il s'agit de dieux et de victimes. C'était un ancien usage, dont Corneille ne s'eft défait que dans les grands morceaux de fes belles tragédies. Cet ufage n'était fondé que fur la négligence des auteurs, et fur le peu d'ufage qu'ils avaient du monde. Les bienféances du ftyle n'ont été connues que par Racine. V. 2. ... SCENE I I. Laiffons d'Andromède aller la deftinée. Aller la deftinée eft encore une de ces expreffions populaires qui ne font pas permises ; mais un défaut plus confidérable eft celui du rôle de ce Céphée, qui vient dire tranquillement qu'il faut que fa fille foit exposée comme une autre. Il n'y a rien de fi froid que cette scène. V. 15. Ce blafphème, Seigneur, de quoi vous m'accufez... Ce blafphème de quoi on l'accufe, et cette longue conteftation entre le mari et la femme, dans un fi grand malheur, n'eft pas fans doute excufable. V. 28. Ce qu'il a fait cinq fois il le fera toujours. On a déjà dit avec quel foin il faut éviter ces équivoques. V. 61. Seigneur, s'il m'eft permis d'entendre votre oracle, Un oracle qui donne peu d'obstacle à une prière, s'arrêter à ce que l'oracle en dit, le ciel qui eft doux au crime des rois, et qui leur ayant montré une légère haine répand le refte de la peine fur les fujets; tout cela eft d'un ftyle bien incorrect, bien dur, bien obscur, bien barbare. SCENE III. V. 1. Reine de Paphe et d'Amathonte, &c. Ce fut, dit-on, Boiffette qui mit ce chœur en mufique. On ne connaissait presque en ce temps-là qu'une espèce de faux-bourdon, qu'un contre-point groffier: c'était une efpèce de chant d'église; c'était une mufique de barbares, en comparaison de celle d'aujourd'hui. Ces paroles, reine de Paphe, font auffi ridicules que la mufique. Il n'y a rien de moins mufical, de moins harmonieux que, d'où le mal procède part auffi le remède. Le fond de toute cette idée eft fort beau. Qu'importe le fond quand les vers font durs et fecs? C'est par l'heureux choix des mots et par la mélopée que la poëfie réuffit. Les pensées les plus fublimes ne font rien fi elles font mal exprimées. V. 33. Allez, l'impatience eft trop jufte aux amans. Il femble qu'il parle d'un habit. On fent affez combien cette fcène eft froide et mal placée. Quand même elle ferait bien écrite, elle ferait toujours mauvaise par le fond. ACTE SECON D. SCENE PREMIERE. Vers 12. Dites-moi cependant laquelle d'entre vous, ♦ ♦ Mais il faut me le dire et fans faire les fines. — Quoi, Madame ? - A tes yeux je vois que tu devines, &c. ES puérilités étaient le vice du temps. Cela pouvait s'appeler alors de la galanterie; on ne fentait pas l'indécence d'un pareil contrafte avec le fond terrible de la pièce. Ce page chante là une étrange chanfon ; mais, fût-elle bonne, un page qui vient chanter eft bien froid. L'amour de Phinée, qui va bien obliger le foleil à se cacher, et à fuir de honte d'avoir moins de clarté que le visage d'Andromède, eft d'un ridicule bien plus fort que celui du poignard de Pirame qui rougissait d'avoir versé |