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Participes passés suivis d'un infinitif sans préposition. -1° Ce sont des choses que j'ai pensé faire.

Ce sont des choses que j'ai cru devoir faire. Ces phrases sont analogues aux précédentes; l'infinitif y remplace la proposition. J'ai pensé quoi? - Faire ces choses, que je ferais ces choses. J'ai cru quoi? - Devoir faire ces choses, que je devais les faire.

Dans ces cas, comme dans le précédent, le pronom que, qui est avant le participe passé, est le complément du verbe faire, et non celui du participe; de là l'inaccord.

NOTA. L'infinitif est quelquefois sous-entendu, ainsi que la proposition, comme dans: Il a rendu tous les services qu'il a pu (rendre).

S'il avait demandé M. de Fontenelle pour examinateur, je lui aurais fait tous les vers qu'il aurait voulu (que je fisse). (VOLTAIRE.)

Mes parents m'ont donné toute l'éducation que leur fortune leur a permis (de me donner).

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J'ai entendu quelqu'un applaudir les acteurs; quelqu'un est le complément direct du participe passé. En sous-entendant ce complément, on peut dire dans le même sens :

J'ai entendu applaudir ces acteurs ;

et, en remplaçant le substantif acteurs par un pronom :

Je les ai entendu applaudir.

participe, dont le complément est sous-entendu, Ce pronom est donc complément direct, non du mais de l'infinitif qui le suit: on les applaudissait ; j'ai entendu applaudir eux.

C'est pour la même raison qu'on écrit sans accord:

:

En parlant de livres on les a laissé publier;
D'actrices je les ai entendu siffler;

D'arbres je les ai vu abattre;
D'une dame je l'ai envoyé chercher :

Tandis qu'on écrit avec l'accord;

En parlant des mêmes livres : on les a laissés paraître;

Des actrices je les ai entendues chanter ; Des arbres je les ai vus croître; D'une dame je l'ai envoyée se promener, parce qu'ici le pronom qui précède le participe passé en est le complément direct on a laissé les livres paraître; ils paraissaient; entendu les actrices chanter; elles chantaient, etc. On voit que l'objet représenté comme complément direct du participe sert aussi de sujet à l'infinitif, c'est-à-dire qu'il fait l'action du verbe qui est à ce mode; ce n'est que dans cette circonstance que le participe s'accorde.

Au contraire, dans ces livres, on les a laissé publier; l'action exprimée par l'infinitif suppose deux objets distincts: des livres publiés et quelqu'un publiant; l'un recevant l'action, et complément de l'infinitif; l'autre la faisant, et complément direct du participe, qui, dans ce cas, est invariable, parce que ce complément n'est pas exprimé.

Ce développement des faits précédents nous conduit à la règle suivante :

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{

qui couraient; ils couraient.

C'est dans ce cas que le participe s'accorde avec ce complément, qui est le sien.

Si ce complément est celui de l'infinitif, l'action

de ce verbe suppose nécessairement un autre mot comme actif, comme sujet : je les ai vu arrêter, c'est-à-dire : j'ai vu quelqu'un arrêter eux, quelqu'un qui les arrêtait.

Alors ce mot, sujet du verbe à l'infinitif, est complément direct du participe, qui, n'en étant point précédé, reste sans accord.

On écrira donc,

avec l'accord:

Je les ai laissés par

tir.

(Ils partaient.)

Je les ai entendus se

plaindre.

(Ils se plaignaient.) Que de fleurs nous avons vues se flétrir! (Elles se flétrissaient.)

Mes entrailles, je les ai senties se déchirer. (Elles se déchiraient.)

sans l'accord:

Je les ai laissé emme

ner.

(On les emmenait.)
Je les ai entendu plain-

dre.

(On les plaignait.)
Que de fleurs nous
avons vu fléirir.
(Quelque chose les flé-
trissait.)

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D'après l'observation précédente, on serait porté à faire varier le premier de ces participes, comme cela s'est fait dans notre ancien langage, et se pratique encore en italien; mais l'usage s'y oppose, et cet usage est en quelque sorte fondé en raison.

On les a fait sortir ne peut pas se traduire par on les a faits, ils sortaient, comme dans : on les a laissés sortir, on les a vus sortir.

Le participe fait, entièrement détourné de sa signification primitive, forme avec l'infinitif une Mes entrailles, je les expression inséparable, du moins dans la pensée; ai senti déchirer. l'infinitifest nécessairement appelé par le participe. (Quelque chose les dé- | On les a fait sortir signifie: on a fait sortir eux; on chirait. a expulsé eux, ou mieux, on a fait en sorte qu'ils sortissent, ou encore, on a fait ceci, eux sortir; de là le pronom et l'infinitif formeraient le régime direct du participe, qui, n'étant alors précédé que d'une partie de son complément direct, reste invariable.

Vous que j'ai vus périr, vous, immortels courages! (VOLTAIRE.) Guillaume se rendit maître de cette ville de la même manière qu'il l'avait vu prendre.

(Idem.)

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Quelle que soit d'ailleurs la raison de cet inaccord, on peut s'en rapporter à la règle suivante, donnée par tous les Grammairiens :

Le participe fait suivi d'un infinitif, sans préposition, est toujours invariable.

Ce sont mes sentiments qu'il avait fait entendre. (MOLIÈRE.) Louis XI fit taire ceux qu'il avait fait si bien parler. (VOLTAIRE.)

HUITIEME OBSERVATION.

Participes passés suivis d'un infinitif, sans préposition. (Observations additionnelles à la sixième.)

Les personnes qu'on a crues avoir été grièvement blessées, n'ont reçu que de légères contusions.

Les personnes qu'on m'a assuré avoir été grièvement blessées, n'ont reçu que de légères contusions.

La différence orthographique des participes crues et assuré, dans les deux phrases précedentes, provient de la relation plus ou moins directe de chacun d'eux avec le pronom qui represente le substantif personnes.

Dans la seconde, le participe assuré ne modifie pas ce substantif, ce ne sont pas les personnes assurées; on ne dirait pas on les a assurées griè

!

vement blessées; elles ont été assurées grièvement blessées.

Le pronom que, qui précède assuré, n'est que le sujet de l'expression verbale avoir été blessées, qui forme avec ce pronom le complément direct du participe assuré.

On a assuré quoi?

Elles devaient être grièvement
blessées.

Qu'elles avaient été grièvement
blessées.

Comme le sens se refuse à ce que ce pronom soit en même temps considéré comme seul complément direct du participe assuré, l'accord n'a point lieu; c'est ainsi qu'on dit : on les a fait sortir, ce qui signifie on a fait eux sortir.

Pour nous, nous préférerions employer dans ce cas le pronom les; mais lui pour le, la, et leur pour les, sont exigés quand ils sont precédés d'un complément direct, comme dans : je le lui ai vu faire; c'est une chose que je leur ai entendu dire; votre sœur a bu la potion, je la lui ai vu boire; à moins que, prenant un autre tour, on ne dise : je l'ai vu le faire; cette potion, l'avez-vous vue la boire? Encore ne peut-on pas toujours s'exprimer ainsi.

Mais faut-il appliquer cette observation aux est partagé, et nous préférons l'accord, consipronoms me, te, nous, vous? L'usage à cet egard dérant ces pronoms comme compléments directs; ainsi nous écrirons :

démêler. C'est une question, messieurs, qu'on vous a lais

C'est ainsi que Florian a fait dire à une mère : Voilà, mon fils, le sujet des larmes que tu m'as vue

Dans la première phrase, au contraire, le parti-sés cipe crues, en rapport d'idée avec le substantif personnes, peut, dans la décomposition de la phrase, se construire avec ce mot ou un pronom qui le représente on les a crues blessées; elles ont été crues blessées.

Alors le pronom que exprime à la fois le complément direct du participe et le sujet du verbe suivant; de là l'accord, ainsi que dans : je les ai vus courir ; je les ai entendus rire.

On écrira de même sans accord:
Les paroles qu'on dit avoir été prononcées.
C'est une chose que j'ai pensé devoir me conve-
nir.

Les personnes qu'on a pensé être suspectes; qu'on a supposé être à craindre.

Au-dessus du pupitre une main étrangère, qu'on m'a dit être celle du châtelain du village de Motiers, a écrit ces quatre vers. (RAOUL ROCHETTE.)

Louis XIV avait dans son âme une partie de la grandeur qu'on avait cru jusqu'alors n'être qu'autour de lui. (THOMAS.)

Observation. Cependant si ces participes étaient suivis d'un adjectif sans infinitif, l'accord aurait lieu, parce que l'esprit ne se porterait plus sur une proposition; on écrira donc : cette pierre qu'on a dite fausse, qu'on a reconnue fausse; les personnes qu'on a supposées suspectes.

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verser.

DIXIÈME OBSERVATION.

Participes passés précédés du pronom EN (partitif) (1).

Des fleurs, j'en ai cueilli; combien j'en ai cueillies.

En parlant de fleurs, on dit : je les ai cueillies, si l'on veut exprimer la totalité; et j'en ai cueilli, s'il ne s'agit que d'une partie.

Dans le premier cas, le pronom les est le complément direct du participe, qui, en étant précédé, s'accorde avec lui. Dans le second, le complément direct n'est point le pronom en; mais c'est un mot, une expression sous-entendue, comme plusieurs, quelques-unes, une certaine quantité, dont le pronom en, qui signifie de ces fleurs, est le complé ment déterminatif.

Alors le participe, n'étant précédé que d'une
partie de son complément direct, reste invariable:
Hélas! j'étais aveugle en mes vœux aujourd'hui ;
J'en ai fait contre toi, quand j'en ai fait pour lui.
(CORNEILLE.)

Tous les auteurs s'accordent sur ce point.
Mais faut-il écrire, en parlant des mêmes fleurs:
Combien j'en ai cueillies!

Ici l'usage est partagé; cependant l'accord a lieu plus généralement, et c'est avec raison.

Combien et en composent ensemble le complément direct, et comme l'on écrit: combien de fleurs j'ai cueillies, on doit écrire de même : combien j'en ai cueillies. L'esprit ne se porte plus sur un mot sous-entendu ; l'attention se fixe sur le substantif collectif combien et sur le pronom en, qui en est le complément déterminatif; ces deux mots, for

(4) Dans cette phrase: Des fleurs, j'en ai cueilli; le pronom en est dit partitif, parce qu'il n'exprime pas la totalité des fleurs, il n'en désigne qu'une partie.

mant alors le complément direct du participe qui suit, en commandent l'accord.

On écrira de même : autant de batailles il a livrées, autant il en a gagnées.-Des fautes, que j'en

ai commises!

Telle est l'opinion de nos meilleurs Grammairiens, de Domergue, de Lemare, de Bescher, de Vanier, de Bourson, etc., qui s'appuient sur l'autorité de Voltaire, de J.-J. Rousseau, de La Fontaine, de Racine, de Buffon et de Massillon.

Combien en a-t-on vus, jusqu'aux pieds des autels, Porter un cœur pétri de penchants criminels ! (VOLTAIRE.)

Combien en ai-je vus, je dis des plus huppés, A souffler dans leurs doigts, dans ma cour occupés. (RACINE.)

Combien j'en ai déjà passés !

(J.-J. ROUSSRAU.)

Mais pourquoi écrit-on à l'interrogatif : des fleurs, combien en avez-vous cueilli? Des pages,

combien en avez-vous fait?

C'est qu'il y a ici une espèce d'incertitude sur le nombre de fleurs cueillies, de pages faites, et que le pronom en, expression vague, ne rappelle pas assez le substantif, ne fixe pas assez l'esprit sur lui :· l'exclamation, l'affirmation, appellent l'accord, et l'interrogation et le doute semblent le repousser, du moins dans ce cas; aussi dira-t-on bien, de même sans accord: je ne sais, je ne vois pas, dites-moi combien vous en avez fait. Le mot combien est d'ailleurs ici complément du premier verbe, ce qui établit une différence sensible entre ces phrases et les propositions où l'accord a lieu. NOTA. Si l'expression de quantité ne joue pas le rôle de substantif, si elle n'est pas suivie du pronom en, qui la détermine, le participe reste inva

riable:

J'en ai beaucoup lu; il en a tant vu; nous en avons assez fait; il en a trop pris, etc.

Il a écrit plus d'ouvrages, et vous en avez lu moins, un moindre nombre.

La conjonction et remplace que; le ne, amené par la comparaison, disparaît, et le complément sous-entendu est un moindre nombre.

On pourrait encore l'expliquer ainsi :

Il a écrit des ouvrages en grande quantité, et vous avez lu d'autres ouvrages en moindre quantité.

Dans tous les cas, le participe doit rester invariable, le pronom en n'étant pas précédé, dans la même proposition, d'une expression de quantité employée substantivement.

Quelques auteurs ont, par inattention, fait accorder le participe; c'est une orthographe qu'il est bien difficile de justifier: d'ailleurs les éditions varient sur la plupart des exemples qu'on cite à l'appui de l'accord.

ai reçus me pénètrent de reconnaissance.

2o Cet homme m'a obligé; les services que j'en

Il est évident que cet exemple n'est point dans l'analogie des précédents : le pronom en n'y est point partitif ou déterminatif du complément direct; il représente le substantif homme, et signifie de lui. Le complément direct du participe est le pronom que, exprimant les services.

-On écrit généralement au singulier masculin: De cette liqueur, combien j'en ai bu! Que j'en ai pris! De la gloire, moins il en a désiré, plus il en a obtenu, etc.

C'est sans doute parce que l'idée de quantité numériques'effaçant, l'expression devient plus vague; et le participe, en rapport avec le pronom en in

déterminé, reste au masculin singulier.

quantité représente un substantif pluriel, il exQuand ce pronom précédé d'une expression.de prime une fraction d'un tout qui a des parties distinctes, et l'accord a lieu; tandis que si le substantif est au singulier, ce même pronom exprime

J'en ai beaucoup vu qui philosophaient bien plus une partie d'un tout unique, et de là l'inaccord, doctement que moi.

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que l'usage admet généralement.

M. Bescher étend cette observation au substantit même, et veut qu'on écrive :

Que de science il s'est acquis!
Voyez que d'herbe il a foulé!
Autant de sagesse il a montré.

Plus de défiance il a eu, moins de confiance il s'est attiré.

Cependant il y a des cas où l'accord doit se faire avec le substantif, et d'autres avec l'expression de quantité qui le précède; ainsi je dirais avec Racine:

Jamais tant de vertu fut-elle couronnée?

avec Voltaire :

Tant de témérité serait bientôt punie.

(ESTHER.)

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On croira que ces huit jours me durèrent huit siè

parce que l'esprit se porte principalement sur les cles: tout au contraire, j'aurais voulu qu'ils les mots tant et plus.

L'accord dans ce cas dépend donc du point de vue (Voy. la quatorzième observation), et il ne serait pas raisonnable de ne consulter que le matériel des mots.

C'est dans le même sens que Boinvilliers a écrit: Que de magnificence le Créateur a déployée dans ce vaste univers!

Autant de fortune nous avons amassée, autant de sollicitude nous avons eue pour la conserver. Lemare, qui cite l'exemple de Voltaire, ne le contredit pas.

Volney a écrit:

Comment s'est éclipsé tant de gloire!

eussent duré en effet. (Confessions, livre V.)

OBSERVATION.

On a sans doute dit aussi par ellipse :
Ce ballot pèse cent livres.
Ce livre coûte vingt francs.
Ce cheval vaut cent louis.

Les prépositions moyennant ou avec ont pu être sous-entendues, et l'on apu écrire conséquemment sans accord:

Les cent livres que ce ballot a pesé.
Les vingt francs que ce livre a coûté.
Les cent louis que ce cheval a valu.

Mais aujourd'hui ces expressions ne sont plus dans l'analogie des précédentes, où l'ellipse est fa

Il aurait pu également mettre le participe au fémi- cile à remplir; ici elle est tellement effacée, que nin singulier.

De tout ce qui précède on peut déduire cette règle :

Le participe passé précédé du pronom en (parti. tif) ne varie que quand ce pronom, complément déterminatif d'une expression de quantité, représente un substantif pluriel, et qu'il ne se trouve pas dans une phrase interrogative ou dubitative.

ONZIÈME OBSERVATION.

Compléments avec lesquels une préposition est sousentendue.

Que d'années il a vécu !

On dit : Vivre cent ans; dormir dix heures; marcher deux jours.

Dans ces expressions, il y a évidemment une ellipse, celle de la préposition durant: vivre durant cent ans, etc.; de sorte que cent ans, dix heures, deux jours, ne peuvent être considérés comme compléments directs des verbes vivre, dormir, marcher; aussi écrit-on sans accord: Les cent ans qu'il a vécu; les dix heures qu'il a dormi; les deux jours qu'il a marché; c'est-à-dire : les cent ans durant lesquels il a vécu, etc.

Oui, c'est moi qui voudrais effacer de ma vie
Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie.

(CORNEILLE.)

Il nous semble qu'on doit écrire de même : Ces années, il les a vécu dans l'infortune. - Je n'ai

la phrase sans ellipse ne serait pas française, et on peut douter même qu'elle l'ait jamais été.

Ces verbes peser, coûter, valoir, sont donc entièrement passés à l'état de transitifs, et doivent être considérés et orthographiés comme tels; ainsi l'on écrira;

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