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Se conduire par sentiment.

Parler avec es- pour des choses. Physique est pris dans un sens adprit. Se présenter avec grace. Agir par co-jectif; il qualifie fait. A l'égard de la locution : lère, par dépit, par amour, etc. on donne des mots; c'est le sens individuel partitif.

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En fait de physique, on donne souvent des mots

LÉVIZAC.

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Nous avons dit que le propre de l'adjectif, que sa destination, est de qualifier un nom substantif: <or, qualifier un nom substantif n'est pas, selon › du Marsais, dire seulement qu'il est rouge ou bleu, grand ou petit; c'est en fixer l'étendue, la › valeur, l'acception, étendre cette acception ou › la restreindre, de telle sorte pourtant que toujours l'adjectif et le substantif, pris ensemble, › ne présentent qu'un même objet à l'esprit. ? D'après ce principe, il sera facile de classer les mots qui peuvent présenter quelque équivoque.

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Ces mots qualifient-ils? Ils sont adjectifs. Nom ment-ils des substances ou des êtres? Ce sont des substantifs. Ainsi les substantifs sont pris, tantôt adjectivement, et tantôt substantivement, selon leur service; c'est-à-dire selon la valeur qu'on leur donne dans l'emploi qu'on en fait. Voici quelques exemples qui éclairciront cette petite difficulté: Philippe était roi de Macédoine,

Et Darius était roi de Perse.

Dans ces deux exemples, le mot roi est adjectif; ici, tout ce qui est affirmé qualifie; tout ce qui qualifie est qualificatif; tout ce qui est qualificatif est adjectif.

La troisième idée que présente le qualificatif ou adjectif est d'être, à l'exception des adjectifs de la langue anglaise, entièrement subordonné au nom qui lui sert de soutien ou de support, et dont il exprime une manière d'être; et, de là, les règles de concordance dont nous avons à parler. Voici

encore un autre principe: le nom d'un être ou d'une substance peut aller seul, et être entendu aussitôt qu'il est prononcé ; tandis que le mot adjectif a toujours besoin d'un soutien pour avoir une valeur. Mais nous pouvons avancer que sans l'adjectif, il n'y a pas de proposition complète, par conséquent point de phrase, par conséquent point de langage; car n'exprimer que des idées, ce ne serait pas parler.

Le mot adjectif ne peut donc être indifférent dans le tableau de la pensée, comme n'a pas craint de le dire un auteur savant (Court de Gebelin); et quand il a dit, pour prouver cet étrange paradoxe, qu'un mot qu'on peut remplacer ne peut être essentiel, et qu'il est possible d'y substituer un nom abstrait ou qualificatif, il a perdu de vue que l'abstractif n'a pu dériver que du qualificatif; qu'il en est, en quelque sorte, l'essence. Voici les deux exemples cités par cet auteur à l'appui de son assertion :

Ce mur est élevé.

On peut, dit-il, réduire cette phrase à celle-ci : Ce mur a de l'élévation.

L'auteur ajoute que les adjectifs sont des ellipses; nous lui répondrons que des ellipses sont des retranchements, qui n'ont pu se glisser, dans les langues, qu'à la faveur d'autres mots dont les mots elliptiques sont dérivés; comme les adverbes sont les ellipses des prépositions, des noms et des adjectifs. Nous lui dirons encore que, pour qu'un

qualificatif fût un mot elliptique, il faudrait qu'un autre mot plus ancien fût son primitif; il faudrait donc que l'abstraction élévation fût le primitif d'élevé, ce qui serait absurde.

Reportons-nous jusqu'à l'époque de l'origine du langage, et nous nous convaincrons facilement que l'esprit n'a pu commencer à énoncer ses premières idées par des abstractions.

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Et l'art ornant, depuis, sa simple architecture,
Par ses travaux hardis surpassa la nature.

Sur la voûte des cieux notre histoire est écrite.

former trois phrases différentes, parce qu'ils sont Ces trois sortes de qualificatifs servent donc à eux-mêmes différents.

Mais le système de Court de Gebelin fût-il vrai, serait encore un mauvais moyen d'expliquer la théorie de l'adjectif. Faudrait-il substituer le dérivé au primitif, et remplacer, par de froides abOu la qualité affirmée est une qualité passive; stractions, ces mots qui se plient à tout, et qui ré- et c'est une troisième espèce de phrase, semblable pandent tant d'images dans l'expression de la à la première, qu'on pourrait appeler énonciativepensée? Faudrait-il renoncer aux charmes de la passive, comme dans ce vers : variété, que rien ne pourrait racheter? Et quels mots pourraient remplacer le brillant cortège que forment, autour du nom, les qualificatifs, qui tantôt le précèdent et l'annoncent, et tantôt marchent agréablement à sa suite? Que deviendrait la poésie, si on lui ôtait les brillantes couleurs et la magnificence que répandent, dans son style, les qualificatifs? Essayons de substituer dans le beau vers de Racine que nous citons plus bas, aux deux adjectifs inconstant et fidèle, les deux abstractifs inconstance et fidélité, et les accessoires dont il faudrait les accompagner, pour en former deux propositions qui, fondues en une seule phrase, tinssent lieu de ce vers :

Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait, fidèle? Voici sans doute ce qu'aurait substitué l'auteur dont nous combattons le système :

Je t'aimais malgré ton inconstance, qu'aurais-je fait, si tu n'avais eu que de la fidélité?

Il ne reste qu'une phrase fort ordinaire, et qui n'a plus l'énergie de la poésie de Racine.

Il faut donc conserver le qualificatif ou adjectif; mais aussi se garder d'employer des mots que la raison et la nécessité ne jugeraient pas néces

saires.

⚫ Les mots, a dit Voltaire, sont les ennemis des

pensées. ›

Mais parmi ces ennemis, les plus grands, sans doute, seront toujours les adjectifs oiseux et parasites. Les mots sont les ennemis des pensées; c'est-à-dire qu'il faut les traiter en ennemis ; qu'il ne faut les employer que quand on ne peut s'en passer; qu'il faut, autant qu'il est possible, en diminuer toujours le nombre, en écartant tous ceux dont on n'a pas un besoin absolu en suivant ce moyen, on ne verra pas, dans le style, plus de mots que d'idées, plus de propositions que de pensées.

Un quatrième principe sur les adjectifs, c'est de les coordonner en différentes classes, selon leur destination primitive. Les uns doivent exprimer les qualités inséparables des objets, considérés dans leurs formes, sans nulle action faite qu reçue; et

qualificatifs ou adjectifs, que le génie des premiers On n'eut pas plus tôt inventé ces trois sortes de hommes s'exerça aussitôt sur le parti qu'on pouvait en tirer. On observa que les qualificatifs pouleur donnaient une sorte d'existence. On vit qu'ils vaient être considérés seuls, et sans les objets qui pouvaient être comparés entre eux; qu'il était possible d'affirmer de l'un une supériorité que n'avait pas l'autre ; et ce caractère donné aux qualificatifs les ôta de leur classe, et les transporta dans celle pas de prendre, pour s'y naturaliser, toutes les des noms, où ces nouveaux venus ne manquèrent la forme est tout et la substance n'est rien. De formes propres à tromper ceux aux yeux de qui de vertueux. Telle est l'origine des noms qu'on blanc on fit blancheur; santé fut fait de sain; vertu abstraits, et que Girard a appelés abstractifs. avait appelés jusqu'ici noms verbaux, substantifs

trouvons deux idées : la première, celle d'abDans l'étymologie de ce mot abstractif, nous faire, qui se trouve dans if, terminaison franstraction, de séparation; et la seconde, celle de Cette terminaison donne à ce mot la forme quaçaise traduite de ivus, terminaison latine. lificative ou adjective. Ce mot est d'abord un véritable nom, puisqu'il reçoit, comme les noms, des mots ajoutés ou adjectifs, et qu'il devient le support de ceux-ci. Ce mot est encore une qualité, puisqu'il exprime la qualité d'un être ou d'une chose. Or, cette double valeur se trouve dans le mot abstractif.

DES ADJECTIFS CONSIDÉRÉS DANS LEURS RAPPORTS
AVEC LES AUTRES MOTS.

Nous avons trois choses à examiner dans cet article: l'accord des adjectifs ; leur emploi avec l'article; leur régime: nous avons parlé ailleurs de leur place relativement au substantif,

ACCORD DES ADJECTIFS.

respectables que soient ces autorités, nous pensons que cette manière de s'exprimer est une vé◄ L'adjectif ne fait véritablement qu'un avec le sub-ritable faute contre la langue, puisque personne, L'adjectif ne fait véritablement qu'un avec le sub- substantif, est toujours féminin. Cette opinion de stantif; d'où il suit qu'il doit, dans tous les cas, Vaugelas a été condamnée par l'Académie. Thoprendre les formes du substantif qu'il qualifie : bon père; bonne mère; lieux charmants; fables choisies; vins exquis, etc.

soutenue, mais avec des restrictions plus embarras

mas Corneille et le P. Bouhours l'ont néanmoins

La longue expérience des choses passées leur don-santes qu'utiles. L'abbé Girard l'a rejetée, et à son nait de grandes vues sur toutes choses; mais ce qui exemple tous les Grammairiens en ont fait autant. perfectionnait le plus leur raison, c'était le calme Dans l'usage actuel, l'adjectif, ou le relatif qui se de leur esprit délivré des folles passions et des ca- rapporte au substantif personne, se met toujours prices de la jeunesse. (FENELON.)

Si d'un beau mouvement l'agréable fureur
Souvent ne nous remplit d'une douce terreur,
Ou n'excite en notre âme une pitié charmante,
En vain vous étalez une scène savante;
Vos froids raisonnements ne feront qu'attiédir
Un spectateur toujours paresseux d'applaudir.
(BOILEAU.)

Nous avons vu, page 419, qu'on doit excepter les adjectifs nu et demi, placés avant un substantif, et feu placé avant l'article ou un adjectif possessif, il va nu-pieds, nu-jambes, nu-tête; — je suis à vous dans une demi-heure; - feu la reine; feu ma mère; mais qu'on ne doit point excepter ces adjectifs nu et demi, quand ils sont placés après le substantif, ni feu venant après l'article ou l'adjectif possessif: il va les pieds nus, les jambes nues, la tête nue; — je suis à vous dans une heure et demie; la feue reine; ma feue mère. Nous avons dit aussi qu'il y a plusieurs adjectifs qu'on emploie adverbialement, comme: elle chante faux; elles parlent haut. Dans ce cas, ils perdent leur nature d'adjectifs, et deviennent de véritables adverbes : ils ne sont par conséquent susceptibles ni de genre ni de nombre.

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Il y en a d'autres qui deviennent de vraies prépositions. Tels sont excepté et supposé, placés avant des substantifs; et alors ces sortes de mots ne prennent ni genre, ni nombre: excepté quelques malheureux; supposé la vérité du fait. Mais si ces mots sont placés après des substantifs, ils redeviennent adjectifs, et doivent en suivre les règles: quelques malheureux exceptés; la vérité du fait supposée.

Voyez ce que nous avons dit sur l'accord des adjectifs avec le substantif gens (page 417).

Quelques Grammairiens, et entre autres Vaugelas, prétendent qu'on doit mettre au masculin les adjectifs et les pronoms qui se rapportent au substantif personne, si ces adjectifs et ces pronoms en sont séparés par un grand nombre de mots. Voici un des exemples qu'ils apportent : les personnes consommées dans la vertu ont en toute chose une droiture d'esprit et une attention judicieuse qui les empêchent d'être médisants. Telle en effet a été la pratique de plusieurs bons écrivains. Quelque

au féminin.

CONSÉQUENCE DE LA RÈGLE GÉNÉRALE. Les adjectifs comparatifs et superlatifs doivent s'accorder en genre et en nombre avec le substantif qu'ils modifient, puisqu'ils ne sont que les adjectifs mê mes, pris avec plus ou moins d'étendue dans leur signification à la beauté la plus parfaite elle joint la sensibilité la plus exquise. Ils sont également assujétis à toutes les autres règles des adjectifs employés au positif.

:

Le substantif auquel on fait rapporter le superlatif relatif est quelquefois sous-entendu; tour heureux qui joint l'élégance à la précision : dans ce cas, c'est avec ce substantif sous-entendu que le superlatif doit s'accorder : l'hiver est la plus triste des saisons; le bois de Boulogne est la plus agréable et la plus fréquentée des promenades des environs de Paris. Dans ces phrases, les substantifs saison et promenade sont sous-entendus.

où nous

Nous renvoyons à l'article ADVerbe, traitons de la syntaxe des degrés de signification. cord des adjectifs, que nous venons de donner, il Outre la règle générale relativement à l'acy a des règles particulières qu'il faut connaître.

Ire RÈGLE. Quand un adjectif se rapporte à deux substantifs singuliers, on met cet adjectif au plu

riel.

Le roi et le berger sont égaux après la mort. La raison en est que l'adjectif, modifiant en même temps les deux substantifs singuliers, doit prendre la seule forme qui marque cette double modification : or, il n'y a que le pluriel qui marque qu'il est l'adjectif des deux substantifs.

Pour bien entendre cette règle, on doit distinquer les phrases dans lesquelles l'adjectif se rapporte aux personnes et celles dans lesquelles il se rapporte aux choses. Cette distinction est essentielle : elle est la clef de l'usage.

S'il se rapporte à des personnes, la règle s'observe dans toutes les circonstances.

Philémon et Baucis, simples et vertueux, Ne cherchaient le bonheur que dans leur innocence. S'il se rapporte à des substantifs de choses, ces substantifs sont en sujet ou en régime. S'ils sont en sujet, l'adjectif se met toujours

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Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête, n'est point exact pour un Grammairien; car quel est l'homme de goût qui oserait le condamner dans un poète tel que Racine, et qui ne regardera pas ce tour comme une de ces licences qu'on excuse et qu'on aime, surtout en poésie?

S'ils sont en régime, l'adjectif ne s'accorde qu'avec le dernier : il avait la bouche et les yeux ouverts, ou il avait les yeux et la bouche ouverte. Ainsi Bossuet s'est très-bien exprimé quand il a dit: le bon goût des Égyptiens leur fit aimer dèslors la solidité et la régularité toute nue.

Fléchier a dû également dire: n'attendez pas que j'expose à vos yeux les tristes images de la religion et de la patrie éplorée.

Remarque. La même règle s'observe avec le pronom relatif placé après deux substantifs de choses. C'est pourquoi Fénelon a dit : il y a dans la véritable vertu une candeur et une ingénuité à laquelle on ne se méprend pas, pourvu qu'on y soit

attentif.

Ile RÈGLE. Quand les deux noms auxquels un adjectif se rapporte sont de différents genres, on met l'adjectif au pluriel et au masculin:

Mon père et ma mère sont contents. L'imagination et le génie de l'Arioste, quoique irréguliers dans leur marche, attachent, entraînent, et captivent le lecteur, qui ne peut se lasser de les

admirer.

le droit de régler l'accord: or, dans le cas dont il s'agit, ce seraient au contraire les adjectifs qui régleraient l'accord du substantif, en le forçant de prendre la forme plurielle, tandis que chacun d'eux conserverait la forme singulière, ce qui ne peut être admis en Grammaire. Ainsi cette phrase: les langues française et anglaise sont fort cultivées, n'est pas française; on doit dire, en répétant le mot langue : la langue française et la langue anglaise sont fort cultivées.

D'après cette observation, nous ne balançons pas à condamner cette phrase de Duclos : les Grammaires françaises ne se sont que trop ressenties des syntaxes grecque et latine; il fallait : ne se sont que trop ressenties de la syntaxe grecque et de la syntaxe latine; et celle-ci, de l'abbé Raynal: dans ces climats, les moussons sèche et pluvieuse se partagent l'année ; il fallait ; les moussons sèches et les moussons pluvieuses se partagent l'année.

:

Le savant Boinvilliers entre dans de précieux détails sur certains adjectifs, nous devons en faire part à nos lecteurs : ce que nous allons en dire appartient donc à cet habile grammairien, un des plus sages réformateurs de notre langue.

Il ne faut pas confondre, dit-il, l'adjectif demi avec le mot invariable demi que nous avons emprunté des Latins, et qui ne se décline ni dans

feur langue ni dans la nôtre, comme un demisiècle, une demi-journée, un demi-arpent, une demi-once; les Graces demi-nues, etc. (1).

Les adjectifs qui ne sont employés que pour modifier le verbe auquel ils sont joints, ou pour exprimer une circonstance, demeurent invariables, c'est-à-dire qu'ils n'ont ni genre ni nombre. Vous direz donc : madame parle bas; on a coulé bas ces chaloupes; elle a chanté faux; cette fleur sent bon; mas-semés; cette tige est montée bien haut; ces demoinous ne voyons pas clair; leurs cheveux sont clair. selles crient trop haul; elles vont droit à leur but; votre sœur parle gras; la pluie tombe dru; ces philosophes pensaient fort juste; ils se font fort de réussir; nous avons coupé court; pourquoi sont-ils restés court? j'ai acheté cette maison fort cher; cette femme va droit son chemin (2).

La raison qu'on en donne est que le genre culin est le genre le plus noble, et que par conséquent on doit lui donner la préférence.

Le vers de Racine que nous avons déjà cité, Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête, manque encore contre cette règle.

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Il n'est pas rare d'entendre ou de voir commettre les fautes suivantes : cette femme a l'air bonne;

Il se présente ici une difficulté sur laquelle les Grammairiens ne s'accordent pas : elle est relative à un nom suivi de plusieurs adjectifs qui expriment différentes espèces d'un même genre. Quelques-uns veulent qu'on mette le substantif au pluriel, tandis que chaque adjectif reste au singulier. Nous avons long-temps pensé comme eux; mais après y avoir bien réfléchi, nous avons adopté l'opinion de ceux qui rejettent cette construction comme contraire aux règles de la syntaxe; car il n'y a que l'adjectif qui doive subir la loi des accidents et de la forme du sub-bre. On dira: cette femme est une nouvelle accouchée; ces (femme et mademoiselle) doit en recevoir le genre et le nomstantif, parce qu'il n'y a que le substantif qui ait

(1) Demi se traduit en latin par semi, indéclinable (semileuca, semi-hora, semi-libra; une demi-lieue, une demiheure, une demi-livre).

(2) Mais on dira: cette femme ne se tient pas droite; mademoiselle, tenez-vous droite, parce que l'adjectif droit servant ici à modifier les substantifs auxquels il se rapporte

fleurs sont fraiches cueillies.

DE L'ADJECTIF (SYNTAXE).

Raisonnons: Quel est l'objet dont la couleur frappe votre vue, appelle votre attention? Ce sont les bas, qui sont de soie ou de laine; il s'ensuit que l'adjectif ne se rapporte qu'au mot bas qui le précède; en conséquence, il faut le faire accorder avec le substantif bas seulement, et dire des bas de soie noirs; des bas de soie blancs; des bas de laine gris; des bas de laine violets; etc., etc. (1).

:

Les adjectifs possessifs: mon, ton, son (dont le féminin est ma, ta, sa) conservent leur désinence masculine devant les substantifs et les adjectifs féminins qui commencent par une voyelle ou par

humeur; mon infortunée parente; etc. On comprend fort bien que la prononciation : ma âme, ta étoile, sa humeur, ma infortunée parente, etc., of frirait un hiatus désagréable à l'oreille (2).

votre fille a l'air spirituelle, a l'air intéressante; cette jeune demoiselle a l'air dédaigneuse, etc., etc. On doit toujours faire accorder l'adjectif avec le mot air, par la raison qu'il signifie l'extérieur, la physionomie, etc.; c'est pourquoi il faut dire : cette femme a l'air bon; votre fille a l'air spirituel, a l'air intéressant; cette jeune demoiselle a l'air dédaigneux, etc., etc. Ce n'est pas aux substantifs femme, fille, demoiselle, que se rapportent les adjectifs bon, spirituel, intéressant, dédaigneux; votre jugement ne considère pas leurs qualités intérieures; autrement vous diriez cette femme est bonne ; votre fille est spirituelle; elle est intéres-h non aspiré. Exemple : mon ame; ton étoile; son sante; cette jeune demoiselle est dédaigneuse; vous n'avez en vue que leur extérieur: Ce qui prouve évidemment que bon, spirituel, intéressant, dédaigneux, ne modifient pas les substantifs femme, fille, demoiselle, c'est qu'on peut dire : cette femme a l'air bon, et elle est méchante; cette fille a l'air spirituel, et elle est stupide; elle a l'air intéressant, el elle est insignifiante; cette jeune demoiselle a l'air dédaigneux, et elle est affable. Il résulte que l'adjectif précédé du mot air doit être au masculin singulier toutes les fois qu'il peut raisonnablement qualifier ce mot; ainsi l'on dira : elle a l'air fier, elle a l'air gracieux; ils ont l'air grand; elle a l'air campagnard; ils ont l'air conquérant; elle a l'air rêveur; elles ont l'air content; elle a l'air plein de bonté; ils ont l'air ouvert; elle a l'air furibond; etc. Mais quand l'adjectif, précédé du mot uir, ne peut pas raisonnablement qualifier ce not, il faut employer un autre tour qui concilie ce qu'on doit à la pensée et à l'expression, et dire: Cette femme a l'air d'être enceinte ; cette robe semble bien faite; vos terres me paraissent ensemencées; cette pro-jambe; tu as reçu un coup de feu à ton visage, etc. position a l'air d'être sérieuse; ces fruits paraissent bons; cette demoiselle a l'air d'être bossue; etc. (1). C'est à tort que quelques Grammairiens regardent avoir l'air comme deux termes inséparables, qui équivalent à paraitre ou à sembler. Cela pourrait être vrai, si l'on ne faisait attention qu'à l'ensemble des mots; mais il s'agit d'un examen grammatical, et la Grammaire veut que l'on considère les mots un à un.

On élève souvent sur des choses très-peu importantes des difficultés très-faciles à résoudre.

Faut-il écrire, par exemple: des bas de soie noire ou des bas de soie noirs? des bas de laine grise ou des bas de laine gris?

(1) Ne serait-il pas ridicule de dire: Cette cruche a l'air lourd: cette poire a l'air mou; celte demoiselle a l'air instruit? Convenons qu'il vaut beaucoup mieux dire: Cette cruche paraît lourde; cette poire semble molle ; cette demoiselle a l'air d'être instruite; comme on dit; elle paraît être souffrante.

Les adjectifs possessifs sont inutiles, et doivent être rejetés quand ils sont suivis d'une proposition complétive qui en tient lieu. Ne dites donc pas ; j'ai tenu ma parole que j'ai donnée; tu rempliras tes obligations qui t'ont été imposées; il a envoyé sa lettre qu'il a écrite. Mais dites : j'ai tenu la parole que j'ai donnée; tu rempliras les obligations qui | t'ont été imposées ; il a envoyé la lettre qu'il a écrite. Cependant vous direz: il a envoyé sa lettre, qui parviendra avant trois jours, parce que cette proposition complétive (qui parviendra avant trois jours) ne peut pas tenir lieu de l'adjectif possessif:

sa.

On doit rejeter encore les adjectifs possessifs, quand ils forment une véritable tautologie (3) comme dans les propositions suivantes : je souffre de ma tête; vous avez mal à vos yeux ; il se cassera sa

Il faut dire je souffre de la tête; vous avez mal aux yeux; il se cassera la jambe; tu as reçu un coup de feu au visage, etc. Mais si un homme, ayant habituellement la goutte, veut faire entendre qu'elle l'a tourmenté, il devra dire: ma goutte

(1) On agitait un jour la même question devant une assemblée nombreuse. Plusieurs personnes ayant été d'avis qu'il fallait dire des bas de soie blanche, un plaisant de la société fit cette épigramme:

Messieurs, pourquoi ces longs débats?
Pourquoi des juges, des arbitres ?

Il fallait trancher net; vous avez tant de titres
Pour décider en matière de bâts!

(2) Nous avons défini ailleurs l'biatus une sorte de bâillement, une ouverture de bouche, que nécessite la rencontre de deux voyelles dont l'une finit un mot et l'autre en commence un autre, sans qu'il y ait élision, comme ta infortune, si on, si un, etc., qui a eu une mission? J'ai cherché à avoir cet emploi. En écrivant, on doit éviter l'hiatus, autant qu'il est possible.

(3) Le mot Tautologie est formé de deux mots greçs r'avre pour ro avro, le même, et loyos, discours : c'est la répétition inutile d'une même idée en termes différents,

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