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Paris; mais il faut se souvenir qu'Athènes a été égale à l'Empire romain dans toutes les choses qui ne tirent pas leur prix de la force et de la puissance. Il faut encore songer que, s'il n'y a rien aujourd'hui dans le monde tel que l'ancienne Rome et qu'Auguste, cependant toute l'Europe ensemble est très supérieure à tout l'Empire romain. Il n'y avait du temps d'Auguste qu'une seule nation, et il y en a aujourd'hui plusieurs, policées, guerrières, éclairées,

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La France est le plus flarisant Roiaume de L'Europe La Ville de Paris a cte nome auec Justice sans pair, et la 1 res peuples sant belliqueur, cuils, et Courtois aux Etrangers ville du monde, soit que l'on considere fon peuple Innan principalem les dames, tres curieuse de riches habillemens brable, soit qndreise de les habitans a toutes fortes doutras lon regarde la brante de ses eglives.palais Com Roy park hire de tres Chretien et fils aine de l'Colise

LA GLOIRE DE PARIS ET LA SPLENDEUR DE SES BOURGEOIS SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XIV.
(Estampe de Jollain, 1692.)

qui possèdent des arts que les Grecs et les Romains ignorèrent; et de ces nations, il n'y en a aucune qui ait eu plus d'éclat en tout genre, depuis environ un siècle, que la nation formée en quelque sorte par Louis XIV.

Ce tableau brillant de Paris, de la France et de la bourgeoisie parisienne, qui est bien la peinture la plus exacte des mœurs du xvII° siècle, rappelle la satire de Labruyère :

« Les empereurs romains n'ont jamais triomphé à Rome si mollement, si commodément ni si sûrement même, contre le vent, la pluie, la poudre et le

soleil que le bourgeois sait à Paris se faire mener par toute la ville. Quelle distance de cet usage à la mule de leurs ancêtres! Ils ne savaient point encore se priver du nécessaire pour avoir le superflu, ni préférer le faste aux choses utiles. On ne les voyait pas s'éclairer avec des bougies et se chauffer à un petit feu. La cire était pour l'autel et pour le Louvre. Ils ne sortaient point d'un mauvais diner

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pour monter dans leur carrosse; ils se persuadaient que l'homme avait des jambes pour marcher, et ils marchaient. Ils se conservaient propres quand il faisait sec, et, dans un temps humide, ils gàtaient leurs chaussures, aussi peu embarrassés de franchir les rues et les carrefours que le chasseur de traverser un guéret ou le soldat de se mouiller dans une tranchée.

« On n'avait pas encore imaginé d'atteler deux hommes à une litière; il y avait mème plusieurs magistrats qui allaient à pied à la chambre ou aux enquêtes,

d'aussi bonne grâce qu'Auguste autrefois allait de son pied au Capitole. L'étain, dans ce temps, brillait sur les tables et sur les buffets, comme le fer et le cuivre dans les foyers; l'argent et l'or étaient dans les coffres. Les femmes se faisaient servir par des femmes; on mettait celles-ci jusqu'à la cuisine. Les beaux noms de gouverneurs et de gouvernantes n'étaient pas inconnus à nos pères : ils savaient à qui l'on confiait les enfants des rois et des plus grands princes; mais ils partageaient le service de leurs domestiques avec leurs enfants, contents de veiller eux-mêmes immédiatement à leur éducation. Ils comptaient en toutes

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choses avec eux-mêmes leur dépense était proportionnée à leur recette; leurs livrées, leurs équipages, leurs meubles, leur table, leur maison de la ville et de la campagne, tout était mesuré sur leurs rentes et sur leur condition. Il y avait entre eux des distinctions extérieures qui empêchaient qu'on ne prît la femme du praticien pour celle du magistrat, et le roturier ou le simple valet pour le gentilhomme. Moins appliqués à dissiper ou à grossir leur patrimoine qu'à le maintenir, ils le laissaient entier à leurs héritiers, et passaient ainsi d'une vie modérée à une mort tranquille. Ils ne disaient point: Le siècle est dur, la misère est grande, l'argent est rare; ils en avaient moins que nous, et en avaient assez, plus riches par leur économie et par leur modestie que de leurs revenus et de leurs domaines. Enfin l'on était alors pénétré de cette maxime, que ce qui est dans les grands

splendeur, somptuosité, magnificence, est dissipation, folie, ineptie, dans le particulier. >>

Labruyère fait des occupations des Parisiennes et des Parisiens une critique aussi sévère que de leur luxe. Il n'admire pas, comme fait Voltaire sans réserve, leurs promenades en des endroits

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réglés par la mode, leurs conversations. Ces réserves ont leur prix, de la part surtout d'un tel observateur, et les preuves qu'il en donne en ont plus encore pour l'histoire des

mœurs.

«De la ville:

« L'on se donne à Paris, sans se parler, comme un rendez-vous public, mais fort exact, tous les soirs, au Cours ou aux Tuileries, pour se regarder au visage et se désapprouver les uns les autres.

« L'on ne peut se passer de ce même monde que l'on n'aime point, et dont l'on se moque.

« L'on s'attend au passage réciproquement dans une promenade publique; l'on y passe en revue l'un devant l'autre : carrosse, chevaux, livrées, armoiries, rien n'échappe aux yeux, tout est curieusement ou malignement observé; et, selon le plus ou le moins de l'équipage, ou l'on respecte les personnes, ou on les dédaigne.

ÉCRAN EN TAPISSERIE DU XVIIE SIÈCLE. (Collection du Mobilier National. Fontainebleau).

<< Dans ces lieux d'un concours général, où les femmes se rassemblent pour montrer une belle étoffe, et pour recueillir le fruit de leur toilette, on ne se promène pas avec une compagne par la nécessité de la conversation; on se joint ensemble pour se rassurer sur le théâtre, s'apprivoiser avec le public, et se raffermir contre la critique; c'est là précisément qu'on se parle sans se rien dire, ou plutôt qu'on parle pour les passants, pour ceux mêmes en faveur de qui on

hausse la voix, l'on gesticule et l'on badine, l'on penche négligemment la tête, l'on passe et l'on repasse.»>

Et tout au long, dans le portrait de l'oisif, Labruyère décrit la série des spectacles et des distractions de Paris :

«Voilà un homme, dites-vous, que j'ai vu quelque part : de savoir où, il est

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difficile; mais son visage m'est familier. - Il l'est à bien d'autres, et je vais, s'il se peut, aider votre mémoire. Est-ce au boulevard sur un strapontin, ou aux Tuileries dans la grande allée, ou dans le balcon à la comédie? Est-ce au sermon, au bal, à Rambouillet? Où pourriez-vous ne l'avoir point vu! où n'est-il point? S'il y a dans la place une fameuse exécution ou un feu de joie, il paraît à une fenêtre de l'Hôtel de Ville; si l'on attend une magnifique entrée, il a sa place sur un échafaud; s'il se fait un carrousel, le voilà entré et placé sur l'amphi

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