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du fang royal, mais né dans la Hongrie alors barbare. Il révolta les Napolitains par fes mœurs groffières, par fon ivrognerie & par fa crapule. Le bon roi Robert fut obligé de contredire l'ufage immémorial, & de déclarer Jeanne feule reine par fon teftament approuvé

de la nation.

On ne voit dans le Nord aucune femme régner de fon chef jufqu'à Marguerite de Valdemar, qui gouverna quelques mois en fon propre nom vers l'an 1377.

L'Espagne n'eut aucune reine de fon chef jufqu'à l'habile Ifabelle en 1461.

En Angleterre, la cruelle & fuperftitieufe Marie, fille de Henri VIII, est la première qui hérita du trône, de même que la faible & coupable Marie Stuart en Ecoffe au feizième siècle.

Le vafte pays de la Ruffie n'eut jamais de fouveraine jusqu'à la veuve de Pierre le grand.

Toute l'Europe; que dis-je, toute la terre était gouvernée par des guerriers au temps où Philippe de Valois foutint fon droit contre Edouard III. Ce droit d'un mâle qui fuccédait à un mâle semblait la loi de toutes les nations. Vous êtes petit-fils de Philippe le bel par votre mère, difait Valois à fon compétiteur; mais comme je l'emporterais fur la mère, je l'emporte à plus forte raifon fur le fils. Votre mère n'a pu vous tranfmettre un droit qu'elle n'avait pas.

Il fut donc reconnu en France que le prince du fang le plus éloigné ferait l'héritier de la couronne au préjudice de la fille du roi. C'eft une loi fur laquelle perfonne ne difpute aujourd'hui. Les autres nations ont adjugé depuis le trône à des princeffes. La France

a confervé l'ancien ufage. Le temps a donné à cet ufage la force de la loi la plus fainte. En quel temps que la loi falique ait été ou faite, ou interprétée, il n'importe; elle exifte, elle eft refpectable, elle est utile; & fon utilité l'a rendue facrée.

Examen fi les filles dans tous les cas font privées de toute hérédité par cette loi falique.

J'AI déjà donné l'empire à une fille malgré la bulle d'or. Je n'aurai pas de peine à gratifier une fille du royaume de France. Je fuis plus en droit de difpofer de cet Etat que le pape Jules II qui en dépouilla Louis XII, & le transféra de fon autorité privée à l'empereur Maximilien. Je fuis plus autorifé à parler en faveur des filles de la maifon de France que le pape Grégoire XIII, & le cordelier Sixte-Quint ne l'étaient à exclure du trône nos princes du fang, fous prétexte, difaient ces bons prêtres, que Henri IV & les princes de Condé étaient race bâtarde & déteflable de Bourbon; belles & faintes paroles, dont il faut fe fouvenir à jamais, pour être convaincu de ce qu'on doit aux évêques de Rome. Je puis donner ma voix dans les états-généraux; & aucun pape n'y peut avoir de fuffrage. Je donne donc ma voix fans difficulté dans trois ou quatre cents ans, à une fille de France, qui refterait seule defcendante en droite ligne de Hugues Capet. Je la fais reine pourvu qu'elle foit bien élevée, qu'elle ait l'efprit jufte, & qu'elle ne foit point bigotte. J'interprète en fa faveur cette loi qui dit que fille ne doit mie fuccéder. J'entends qu'elle n'héritera mie tant

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qu'il y aura mâle. Mais dès que mâles défaillent, je prouve que le royaume eft à elle, par nature qui l'ordonne, & pour le bien de la nation.

J'invite tous les bons français à montrer le même respect pour le fang de tant de rois. Je crois que c'eft l'unique moyen de prévenir les faclions qui démembreraient l'Etat. Je propofe qu'elle règne de fon chef & qu'on la marie à quelque bon prince, qui prendra le nom & les armes, & qui par lui-même pourra poffeder quelque canton, lequel fera annexé à la France; ainfi qu'on a conjoint Marie-Thérèse de Hongrie & François duc de Lorraine, le meilleur prince du monde.

Quel eft le welche qui refufera de la reconnaître, à moins qu'on ne déterre quelque autre belle princeffe iffue de Charlemagne, dont la famille fut chaffée par Hugues Capet malgré la loi falique; ou bien qu'on ne trouve quelque princeffe plus belle encore, qui defcende évidemment de Clovis, dont la famille fut précédemment chaffée par fon domeftique Pepin, & toujours en dépit de la loi falique?

Je n'aurai certainement nul befoin d'intrigues, pour faire facrer ma princeffe dans Rheims, ou dans Chartres, ou dans la chapelle du louvre; car tout cela eft égal; ou même pour ne la point faire facrer du tout; car on règne tout auffi bien non facré que facré. Les rois, les reines d'Efpagne n'obfervent point cette

cérémonie.

Parmi toutes les familles des fecrétaires du roi, il ne fe trouve perfonne qui difpute le trône à cette princeffe capétienne. Les plus illuftres maifons font

fi jaloufes l'une de l'autre, qu'elles aiment bien mieux obéir à la fille des rois qu'à un de leurs égaux.

Reconnue aisément de toute la France, elle reçoit l'hommage de tous fes fujets avec une grâce majeftueufe qui la fait aimer autant que révérer; & tous les poëtes font des vers en l'honneur de ma princeffe. (*)

LOI S.

SECTION PREMIERE.

IL eft difficile qu'il y ait une feule nation qui vive

fous de bonnes lois. Ce n'eft pas feulement parce qu'elles font l'ouvrage des hommes, car ils ont fait de très-bonnes chofes ; & ceux qui ont inventé & perfectionné les arts pouvaient imaginer un corps de jurifprudence tolérable. Mais les lois ont été établies dans prefque tous les Etats par l'intérêt du légiflateur, par le befoin du moment, par l'ignorance, par la fuperftition. On les a faites à mefure au hafard irrégulièrement, comme on bâtiffait les villes. Voyez à Paris le quartier des Halles, de St Pierre-aux-bœufs, la rue Brise-miche, celle du Pet-au-diable, contrafter avec le louvre & les tuileries; voilà l'image de nos lois.

Londres n'eft devenue digne d'être habitée que depuis qu'elle fut réduite en cendre. Les rues, depuis cette époque, furent élargies & alignées; Londres fut une ville pour avoir été brûlée. Voulez-vous avoir de bonnes lois? brûlez les vôtres & faites-en de nouvelles.

(*) Voyez le Commentaire fur l'efprit des lois, tome I de Politique & Légiflation.

Les Romains furent trois cents années fans lois fixes. Ils furent obligés d'en aller demander aux Athéniens, qui leur en donnèrent de fi mauvaifes que bientôt elles furent prefque toutes abrogées. Comment Athènes elle-même aurait-elle eu une bonne légiflation? on fut obligé d'abolir celle de Dracon; & celle de Solon périt bientôt.

Votre coutume de Paris eft interprétée différemment par vingt-quatre commentaires; donc il eft prouvé vingt-quatre fois qu'elle eft mal conçue. Elle contredit cent quarante autres coutumes, ayant toutes force de loi chez la même nation, & toutes fe contredifant entr'elles. Il est donc dans une feule province de l'Europe, entre les Alpes & les Pyrenées, plus de quarante petits peuples qui s'appellent compatriotes, & qui font réellement étrangers les uns pour les autres, comme le Tunquin l'eft pour la Cochinchine.

Il en eft de même dans toutes les provinces de l'Espagne. C'eft bien pis dans la Germanie, perfonne n'y fait quels font les droits du chef, ni des membres. L'habitant des bords de l'Elbe ne tient au cultivateur de la Suabe que parce qu'ils parlent à peu près la même langue, laquelle est un peu rude.

La nation anglaise a plus d'uniformité ; mais n'étant fortie de la barbarie & de la fervitude que par intervalles & par fecouffes, & ayant dans fa liberté confervé plufieurs lois promulguées autrefois par de grands tyrans qui difputaient le trône, ou par de petits tyrans qui envahissaient des prélatures, il s'en eft formé un corps affez robufte, fur lequel on aperçoit encore beaucoup de bleffures couvertes d'emplâtres.

L'efprit

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