Page images
PDF
EPUB

18

[graphic][subsumed][merged small][merged small]

M. FERRANDIZ; ses chevaux sont excellents; l'Entrée des Toredos et la Première épée de M. ZAMACOïs; le Cabaret de M. RUYPEREZ, dont les figures posent un peu trop, mais sont comme gravées au pinceau. La lecture de M. Léon EscossURA, élève de M. Gérome, procède de Meissonier. A cette école appartient aussi Mme Marie ANSELMA, qui par un ferme et plein progrès, dans la Petite fille qui porte une jatte de lait et son autre tableau, montre l'énergie vitale de son talent, voué à la représentation des types pris à la nature.

[ocr errors]

Cette propension générale et l'initiation à la nature, déterminée par Jules Breton, Jules Dupré, Blin, Rousseau, Corot, Troyon et Daubigny, ont amené cet épanouissement du paysage qui est un des heureux signes de notre temps, mais qui attend encore, à l'exemple de ces maîtres, le rayonnement et la fécondation du foyer spiritualiste. Le paysage puisera un jour à cette source de toute inspiration une expansion nouvelle, toute sa variété, toutes ses grâces, toutes ses formes, toutes ses expressions, tout son caractère, toutes ses intimités. Mais dès aujourd'hui une vaillante et robuste sincérité préside à la révélation des grands aspects extérieurs et des valeurs pittoresques. L'esprit de vérité anime et caractérise toutes les vigueurs, toutes les délicatesses de l'interprétation actuelle. Il ajoute chaque année plus de lumière, plus de coloration et plus d'intensité harmonique aux tableaux découpés dans le vêtement de la nature, la terre, l'eau et le ciel. Mais dans le cours des eaux, dans les changements du ciel, le frissonnement du feuillage, le souffle du vent, le travail de la végétation qui couvre et abrite le sol depuis sa base jusqu'aux plus solennelles hauteurs, dans le port et les caractères des animaux et dans leurs rapports entre eux, il n'y a pas seulement vie et mouvement, mais action et esprit. Il n'y a pas seulement dans les accords, les solidarités, les harmonies de la nature une magnifique orchestration, il y a toujours mélodie, chant, expressions, langages variés à l'infini et accentués à tous nos sens. Voilà ce que selon sa religieuse mission tend à pénétrer et à manifester l'œuvre du paysage. Aussi faut-il beaucoup compter avec l'âge des paysagistes, et leur rendre cette justice que chaque année concentre leurs forces dans une voie plus élevée et étend leurs horizons.

Le mouvement vers la nature se détourne-t-il de la figure humaine? L'Exposition ne donne pas en portraits et en études de tête le même nombre d'œuvres marquantes que les années précédentes. Mais celles qui font relief ont une saveur esthétique qui n'est pas ordinaire. Ainsi j'ai entendu près de moi observer très-justement que le portrait de femme en buste, de M. JALABERT, avait un parfum de Raphaël.

[ocr errors]

Ceux de M. le comte et de Mme la comtesse Mimerel, par M. JACQUAND, sont des types de réalité exacte, finement interprétés, sévèrement rendus. M. CELLIER a eu bien tort d'éclairer d'un effet de lune assez faux la grâce et la force de la vie, qu'il a d'ailleurs parfaitement exprimées, dans le portrait de Mme Delamarre de Boudeville. La mélancolie du clair de lune peut aller à l'âme de M. CELLIER, mais non au ressort de volonté et d'esprit qui avivent ces traits jeunes et fins, incisifs comme l'acier. Il leur faudrait le marbre, ne fût-ce que pour ajouter son doux éclat à la lumière qu'ils les révélerait. Le portrait de Mme R. H—, par M. FAURE, est une remarquable interprétation de caractère, mais ne faut-il pas quelque chose de plus encore à la limpidité de cette belle tête blonde et ne faudrait-il pas déroidir un peu ce cou que les habitudes pensives inclinent, chez l'original, mais en lui laissant, j'en suis bien sûr, toute sa flexibilité? Mine Alfred M. — par M. CHARLES CHAPLIN, est la grâce elle-même en pleine aurore, c'est la peinture aux doigts de roses. Les portraits de MM. BoNNEGRACE et LEHMANN sont les œuvres d'artistes austères qui se donnent pour mission de fixer et d'éclairer la vérité. Mais combien la vérité devient gracieuse et souple sous le pinceau de M. Bonnegrâce, quand c'est la femme qu'il doit exprimer! On en voudrait beaucoup d'exemples comme le charmant portrait de Me Ernestine Grisi. M. GIACOMOTTI a empreint de sa conscience, de son savoir et de son style, acquis aux grandes écoles, le portrait de Madame. Mais il y manque le souffle qui allége ces graves et essentielles qualités. Ce souffle est précisément ce qui fait une fleur incomparable du portrait de Mme H. de O., par Mme HENRIETTE BROWN. Personne qui, au moment de franchir la porte près de laquelle on l'a placé ne soit saisi dès l'abord en l'apercevant, par une force lumineusement sympathique. Mme Henriette Brown est le Corot du portrait.

Ce que son pinceau va chercher dans les contours, la forme, tout l'aspect extérieur; ce qu'il rend d'une manière juste, précise et puissamment délicate, c'est la spiritualité, et il faut convenir qu'elle choisit bien ses modèles. Aucun maître n'a peint comme elle le regard et n'a rendu ce qui, dans la vie, dans les sens, dans la forme et le mouvement, est le rayonnement de l'esprit. Don privilégié d'intuition métaphysique qui est peut-être une secrète émanation de notre temps recueillie par la noble initiée, et qui fait d'elle, mieux qu'une simple grande artiste, une prêtresse de l'art. Mais il manque toujours quelque chose à la perfection humaine et même féminine; ce qui manque à Mme Henriette Brown, elle l'acquerrait par une copie

du Titien et une copie du Dominiquin. J'abuse de ma liberté de critique en recommandant ainsi à une artiste de cette portée de copier quelque chose. Mais mon excuse est mon idée qu'il faut copier, non quand on commence, mais quand on est fort.

L'académie d'homme est généralement expressive et bien étudiée. Mais l'art bien portant aux champs, vrai, délicat et profond dans les réalités intimes de la vie populaire ou bourgeoise, éminemment intelligent des bêtes, chiens, chevaux, bœufs, moutons, n'a plus ni yeux, ni main, ni inspiration, ni chasteté devant la nudité de la femme.

Mais où est la femme- la femme nue? Rubens y faisait rayonner la vie, Raphaël l'idéal, Corrège la souplesse et la lumière, le Titien la réalité tonique et voluptueuse, le Guide la force, le Dominiquin la poésie, l'Albane la grâce et la gaieté. Ces exemples n'éclairent pas les académistes actuels. Sous quelle fatalité le foyer inspirateur s'est il éteint en eux devant la femme? Je l'ai dit plus haut, cette fatalité est la dissolution sociale qui a pour raison ce chiffre âge moyen du mariage trente-six ans et pour effets l'exploitation réciproque de l'homme et de la femme, l'absence de solidarité réciproque, le dégoût réciproque ! Cette révélation annuelle de la femme dans ses laideurs, dépourvue de sa pudeur, de ses grâces, de ses forces, de sa vitalité, constitue la plus attristante, la plus inquiétante des manifestations.

J'ai cherché les œuvres qui se sont soustraites cette année à cette déplorable loi de dissolution plastique. J'ai trouvé le Titien et son modèle, de M. KARL MULLER; le Panneau décoratif, de M. GENDRON; les Secrets de l'amour, de M. JOURDAN; une Nymphe désarmant l'amour, de M. DE POMMAYRAC; une Négresse, de M. FAURE; Daphnis et Chloe, de M. VIBERT; le Sommeil de la nymphe, de M. SAINT-PIERRE; la Putiphar, de M. SCHOPIN; le Rêve, de M. CHAPLIN; la Femme menacée par des loups, de M. CRESPELLE, d'un beau modelé sculptural; Armide et Renaud, de M. GENTY, la Libation, d'ANTONY SERRES.

Qu'est-ce que cette Cléopâtre au ventre plat, à la jambe cerclée, aux pieds sans attaches, tout entière sans articulations, sans carnation, sans vie, automate en bois des îles, ayant pour tout vêtement un collier, des bandelettes sur les seins, une ceinture, et quatre bannières de gaze flottantes, simple appareil qui découpe impudiquement les formes de la poupée, invention toute de fantaisie, faussement antique? Cléopâtre s'est fait apporter dans un tapis chez César qui ne voulait pas la voir; elle vient de se mettre debout et se soutient émue sur l'épaule de l'esclave noir qui a déroulé l'enveloppe. Son mouvement de tête vers César contient à la fois du trouble et de la décision. Son at

« PreviousContinue »