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quand ses grands yeux verts vous promettent l'amour que son cœur vous refusera.

» Je l'aime s'asseyant dans le dialogue amoureux d'une comédie de paravent. » Je l'aime gaie, le verre en main, dans un souper.

> Je l'aime triste un soir d'hiver, écoutant le vent de la côte normande qui souffle à sa fenêtre; quand, seule, elle suit par la pensée les dominos qui se croisent et s'intriguent dans les salons illuminés, et qu'une larme de regret vient à mouiller ses longs cils.

D

» Je l'aime étendue dans son hamac, rêvant à la patrie absente, un poignard à la ceinture.

Je l'aime avec ses mille caprices d'enfant gâtée.

> Je l'aimerais bien pendant une heure entière, si elle le voulait. »

Mais elle ne le veut pas. Et voilà pourquoi M. Guy de Charnacé la met dans sa galerie.

Nous avons un immortel de plus à l'Académie M. Cuvillier Fleury.
C'est le quarantième fauteuil illustré par Montmor,

-Montcrif, Roquelaure, Cuvier, Dupin.

On y vit toujours au delà de 80 ans.

Lavau, - Caumartin,

Voici le secret du vote qui est le secret de l'Académie. J'ai failli dire de la Comédie.

Pour M. Cuvillier-Fleury MM. Émile Augier, le duc et le prince de Broglie, de Carné, Doucet, Dufaure, de Falloux, Saint-Marc Girardin, Guizot, le comte de Montalembert, le duc de Noailles, l'évêque d'Orléans, de Laprade, PrevostParadol, de Pongerville, Ponsard, de Sacy, général de Ségur, Villemain, Vitet. Pour M. Henri Martin MM. Cousin, O. Feuillet, Lebrun, Legouvé, Mérimée, Mignet, Nisard, Patin, Rémusat, Sandeau, Sainte-Beuve.

Pour M. de Champagny : M. de Lamartine.

MM. Thiers et Berryer, qui devaient voter, l'un pour M. Martin, l'autre pour M. Cuvillier-Fleury, se sont dispensés de venir.

Puisque M. Henri Martin n'a pu obtenir le quarantième fauteuil, il lui reste à tenter le quarante-unième. Mais celui-là est le plus difficile.

J'étais au bord du lac, à côté d'un de mes amis, qui s'indignait de voir les femmes pêcher à la ligne les poissons de la Bourse.

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Qu'est-ce donc que la femme? me disait-il du haut de son dédain.

Il est revenu de Corinthe et n'y veut plus retourner.

- Mais l'homme! lui dis-je, qu'est-il donc ? Ouvre le dictionnaire de M. Littré. Tu verras que l'homme est un animal mammifère, et rien de plus < s'il va vers la femme. »

La disposition innée qui porte les hommes et plusieurs autres animaux à

vivre en société. La sociabilité N'EST QU'UN RÉSULTAT DE L'ORGANISATION ANIMALE, et elle n'a PAS D'AUTRE CAUSE. Vivre isolément par couples, ou en sociétés plus nombreuses, est un résultat de l'organisation DE TELLES ET TELLES ESPÈCES D'ANIMAUX, DE L'HOMME EN PARTICULIER, selon le degré et le développement de LEURS INSTINCTS ALTRUISTES. » Voilà, mon cher, l'opinion sur l'homme du plus savant des hommes: Pourquoi t'indigner contre la femme, pêche au bord du lac.

si elle

On cotillonne toujours. Louis XIV ne danserait plus aujourd'hui, et dirait, en nous voyant danser, que son règne est fini.

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Vous aimiez lord Byron, les grands vers et la danse.

Voilà ce que disait une dame à Alfred de Musset, je ne dirai pas lorsqu'il était jeune, il le fut toujours, mais lorsqu'il avait vingt ans. On pourrait appliquer ce même vers à notre siècle, plutôt à la jeunesse de notre siècle : on le dit vieux aujourd'hui. En l'an de grâce 1866, sur les trois choses qu'il aimait, il en a oublié deux. La danse a encore ses violons et ses demoiselles, mais le combat finirait bientôt, faute de combattants, s'il n'y avait toujours des filles à marier. Il y a là une grave question digne de préoccuper les économistes. Les mères de famille soutiennent que le premier mot du contrat de mariage, c'est une contredanse, et le dernier, une valse. Mais combien de danseurs et de valseurs restent sur le carreau! Mme de L... disait gravement à un homme politique : « La population diminue à Orléans depuis qu'on y danse moins. » Et l'homme politique répliqua gravement: « Je crois plutôt que c'est depuis qu'on y a élevé une statue à Jeanne d'Arc. »

Le lendemain de l'apparition de la Vie de Jésus, un écrivain très-catholique et très-éloquent, par qui j'aurais voulu voir écrire un article sur le livre de M. Renan, me répondit du ton le plus simple: « L'homme ne doit pas écrire l'histoire de Dieu. »

M. Renan est un homme de beaucoup de talent et de poésie; mais c'est sa poésie qui fait justement servir sa science au profit de ce qu'il veut combattre, ou de ce qu'il veut réduire, cu de ce qu'il veut dépouiller. A force de vouloir humaniser le Fils de l'Homme, il en fait un Dieu plus pur qu'il ne songeait.

Un immense savant du commencement du xvie siècle, un grandiose artiste de la Renaissance, Léonard de Vinci, a voulu naturaliser la Cène. Ç'a été une conquête de plus pour le dogme et pour le culte. Léonard est non-seulement un patriarche de la peinture, c'est peut-être un père de l'Église.

M. Renan, qui aujourd'hui raconte la Cène et veut photographier les Apôtres, devient malgré lui, gràce à son style à la Léonard, une nouvelle conquête pour la foi.

C'est là le piége que vous tend souvent la philosophie quand elle s'occupe trop

de la religion à force de vouloir la tourmenter, elle la rend plus belle. Le doute des hommes fait mieux resplendir la divinité. La divinité est comme cette âme de Lamartine qui brûle et qui parfume ce qu'on jette pour la tenir.

M. Renan aime les images. Voici comment il explique ses livres sur les origines du Christianisme :

Sur les époques dont nous ne savons rien, il n'y a pas d'hypothèses à faire. Essayer de reproduire tel groupe de la statuaire antique, qui a certainement existé, maisdont nous n'avons aucun débris, et sur lequel nous ne possédons aucun renseignement écrit, est une œuvre tout arbitraire. Mais tenter de recomposer les frontons du Parthenon avec ce qui en reste, en s'aidant des textes anciens, des dessins faits au XVIIe siècle, de tous les renseignements, en un mot, en s'inspirant du style de ces inimitables morceaux, en tàchant d'en saisir l'àme et la vie, quoi de plus légitime? Il ne faut pas dire après cela qu'on a retrouvé l'œuvre du sculpteur antique, mais on a fait ce qu'on pouvait pour en approcher. Un tel procédé est d'autant plus légitime en histoire que le langage permet les formes dubitatives que le marbre n'admet pas... »

Ce sont précisément les formes dubitatives que je n'aime pas. Le marbre a raison comme la foi il est fier et grand il ne permet pas à Clesinger luimême de continuer Phidias.

M. Renan est semblable à ce sculpteur qui essaye de remettre des bras à la Vénus de Milo et qui profane sa chaste et souveraine beauté.

L'historien de la Vie de Jésus veut joindre le fini à l'infini. C'est l'impossible.

madame

J'ai trop parlé. Je pourrais vous entretenir des lèvres de Cora et de ses dents de perle, des airs olympiens d'Anna et des lions amoureux. Mais je ne sais pas le français de 1866. Et d'ailleurs, ma causerie est bien longue. J'aime mieux prendre une excuse à Pascal qu'à Commerson si ma causcrie est trop longue, c'est que je n'ai pas eu le temps de la faire plus courte.

Imp. L. TOINON et Cie, à Saint-Germain.

RENÉ DE LA FERTÉ.

Le Directeur : S. DE ROUVILLE.

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