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à l'Auteur des Jugements lui-même d'une grande utilité, comme il en convient, il est donc vrai qu'elle est plus propre que toute autre à mettre une liaison naturelle entre les principes et les conséquences, les objections et les réponses. J'ai' peine à croire d'ailleurs que mon Ouvrage eût été plus court, si j'en eusse retranché les demandes, et que je me fusse contenté d'exposer les préceptes, parce qu'il auroit fallu nécessairement y suppléer par des transitions et des liaisons, qui auroient été pour le moins aussi longues que les demandes, sans quoi l'Ouvrage seroit tombé dans le défaut d'être sec et décousu.

Enfin l'Auteur des Lettres sur quelques Ecrits de ce temps, tome premier, Lettre 4, page 69, dit, en parlant du même abrégé de l'Histoire de France et de l'Histoire Romaine, qu'on avoit besoin qu'il porút un abrégé d'Histoire dans la forme des demandes et des réponses. Cette méthode, continue-t-il, pourra paroître puérile et plus convenable aux enfants qu'aux jeunes gens qui sortent du Collége, et pour lesquels principalement cet Ouvrage est destiné. Cependant elle a ses avantages; elle soulage la mémoire, fixe l'esprit, et soutient l'attention; parce qu'elle tient un peu de la nature du Dialogue. Nous avons plusieurs Ouvrages estimés, auxquels on a jugé à propos de donner cette forme peu brillante, mais utile.... On a eu soin de ne faire que le moins de demandes qu'il a été possible, et on ne les a, pour ainsi dire, employées que comme des transitions.

Ma justification se trouve bien établie dans le témoignage de cet Auteur, et dans l'ouvrage dont il rend compte. Je n'ai multiplié les de

mandes que quand il s'est agi d'établir des principes, ou de donner des regles et des préceptes qui doivent être détachés et présentés dans la plus grande simplicité. L'on trouvera, au contraire, fort peu de demandes dans les endroits où je n'ai eu à faire que des observations et des énumérations, et où ces demandes m'ont paru absolument nécessaires pour servir de transitions.

J'ai encore été très-attentif à éviter un défaut qui se trouve dans quelques Grammaires, où j'ai remarqué que les matieres sont quelquefois distribuées avec si peu d'ordre, qu'on ne peut entendre les premieres que par celles qui suivent. On y suppose, par exemple, la connois-, sance des noms, en parlant des articles: celles des verbes dans le traité des pronoms. On explique la nature des temps, des verbes, et leur formation, avant que l'écolier sache, par la conjugaison, ce que c'est qu'un verbe; ce qui ne peut que confondre et embrouiller les idées des jeunes gens, ou de ceux qui commencent à étudier la Grammaire. Pour leur rendre cette étude moins rebutante, j'ai tâché d'arranger les matieres de telle sorte, qu'elles dépendent successivement les unes des autres, que chaque, Chapitre ne contienne que celles qui auront été annoncées dans le titre, et que les premieres. n'anticipent pas sur les suivantes.

Quoique je n'aie pas fait un Traité particulier de la Syntaxe, c'est-à-dire, de la construction des mots et des phrases, selon les regles de la Grammaire, je n'ai cependant pas laissé échapper les occasions d'en parler dans le corps de l'Ouvrage, persuadé que ces regles sont

mieux placées à la suite de chaque partie du discours, que dans un Traité séparé.

L'instruction des enfans destinés au Latin, étant, comme j'ai déjà dit, mon principal objet, j'ai cru que je devois encore faire trouver dans les regles de la Langue Françoise, quelques préparations particulieres à la Langue Latine. C'est pourquoi, autant que les bornes dans lesquelles je me suis renfermé ont pu me le permettre, je n'ai pas négligé de prévenir et de développer indirectement certaines difficultés latines sur lesquelles les enfants seront moins embarrassés, s'ils n'oublient pas les explications, que je donne dans cette vue. Il n'y a presque point de Chapitre où je n'aie trouvé le moyen d'en placer quelques unes. Quoique je n'en fasse pas une mention expresse aux endroits où elles se trouvent, parce qu'elles ont aussi un rapport naturel à la Langue Françoise; il sera aisé aux maîtres de les connoître, et de sentir, en même temps combien il est utile de les bien faire entendre à leurs écoliers, pour les leur rappeler dans la suite.

Pour ce qui regarde l'usage de ce Livre, il me semble qu'on pourroit le mettre entre les mains, des enfants, et le leur faire apprendre parfaitement, avant que de leur donner aucune méthode latine. Je suis persuadé que le temps qu'ils emploieroient à l'étudier ne seroit pas un temps perdu, et que les connoissances qu'ils y acquerroient, ne pouvant que leur ouvrir l'esprit et leur former le raisonnement, ils passeroient avec beaucoup plus de facilité aux principes de la Langue latine, dont ils entendroient, d'avance, toutes les regles fondamentales, D'ailleurs cette

premiere étude leur apprendroit, de bonne heure, et presque sans travail, à écrire correctement et par principes ce que l'orthographe françoise a de plus difficile, comme sont les différentes terminaisons des temps et des personnes dans les verbes. Je ne prétends pas néanmoins exclure de cette étude ceux qui, suivant l'usage pratiqué jusqu'ici, auroient commencé par le Latin.

Mais comme j'ai senti que cet Ouvrage, quelque soin que j'aie pris de le rendre clair, contient encore bien des choses qui ne sont pas à la portée de tous les jeunes gens, j'en ai fait imprimer séparément un Abrégé, où tout est simple et facile. On n'y trouvera que très-peu de définitions et de raisonnements, parce que je ne l'ai fait que pour les enfants de la premiere jeunesse, à qui il sera fort utile de le faire apprendre, dès qu'ils sauront lire, et en attendant que leur jugement se forme, pour leur donner une premiere teinture des principes et des termes de la Grammaire, et les préparer à entendre toutes les regles et les réflexions qui sont contenues dans cet Ouvrage.

Il est encore bon d'avertir les Maitres, que pour s'assurer du progrès que les jeunes gens feront dans l'étude des principes de leur langue, ils ne peuvent mieux faire que de les exercer, * mesure qu'ils avanceront, à décliner des noms ou à conjuguer des verbes les uns sur les autres, et de leur faire lire du françois pour rendre compte de chaque mot, suivant les principes ou les regles qu'ils auront apprises. Ils pourront même en faire une matiere de devoirs réglés, en leur dictant quelques phrases françoises,

dont ils rapporteroient, par écrit, une explication grammaticale et détaillée sur chaque mot. Mais je ne me suis pas tellement attaché dans mon Ouvrage à ce qui regarde le langage, que j'aie négligé ce qui pouvoit encore contribuer a former l'esprit et le cœur.

Rien n'est plus propre à former l'esprit, que les raisonnements fondés sur les idées claires, précises, et où il n'entre rien de sensible. Or la plupart des définitions contenues en cet Ouvrage, et des réflexions qui en dépendent, sont de cette nature, puisqu'elles ont pour objet les opérations de notre esprit, et que j'ai tâché, autant qu'il m'a été possible, de les prendre dans les principes les plus purs de la Logique. Peutêtre trouvera-t-on que j'ai quelquefois poussé trop loin les spéculations et les raisonnements. Mais s'ils ont quelque solidité, ils pourront être du goût de certaines personnes; et ceux à qui ils ne conviendront pas, ou qui ne voudront pas se donner la peine de s'y arrêter, pourront les passer sans inconvénient, surtout si ces raisonnements sont détachés, et n'in fluent sur aucune regle de pratique.

Le moyen qui m'a paru le plus convenable pour former le cœur en même temps que le fangage, a été de ne rien émettre que d'instructif dans les exemples qu'il m'a fallu apporter à la suite des regles de la Grammaire. J'en ai employé fort peu d'indifférents, et il n'y en a presque pas qui ne renferme un point de Religion ou de Morale, un trait d'Histoire ou de Science: ce qui pourra encore contribuer à faire mieux entendre les regles, et à en rendre l'étude moins cnnuyeuse.

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