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de ces principes généraux et particuliers, en les appliquant à la Langue que l'on sait déjà par habitude; et je n'ai formé le projet de cet Ôuvrage que pour entrer dans les vues du même Auteur qui, en parlant de la Langue Françoise, dit qu'il seroit à souhaiter que l'on composát exprès, pour les jeunes gens, une Grammaire abrégée, qui ne renfermắt que les regles et les réflexions les plus nécessaires.

et

En effet, dès qu'un jeune homme, ou toute autre personne, possede par raisonnement ce que les Langues ont de commun entr'elles, sait expliquer, dans la sienne, par des définitions précises, tous les termes et toutes les difficultés grammaticales; que lui reste-t-il à faire, pour passer à une Langue étrangère, sinon de substituer de nouvelles expressions à celles dont il connoît déjà la valeur et la nature? Ce ne sera plus alors qu'un jeu de mémoire. Le jugement et la réflexion auront fait leurs plus grands efforts, et il ne sera plus besoin que d'une légere attention pour observer en quoi les deux Langues, celle que l'on sait, celle que l'on apprend, se ressemblent, ou different l'une de l'autre.

Il s'en faut bien que les jeunes gens trouvent cette facilité dans la méthode qu'on leur fait suivre ordinairement. A peine savent-ils lire, que, sans leur avoir donné aucune notion de leur Langue naturelle, on les met tout d'un coup dans les principes d'une Langue qui leur est absolument étrangere, et dont ils ne parviennent à entendre les regles, qu'après bien des années de peines et de travaux. Au lieu que si on leur apprenoit ces mêmes regles, en ne les

appliquant qu'à une Langue qui leur est familiere, il seroit beaucoup plus aisé de les leur faire concevoir, parce qu'ils ne trouveroient rien, dans les explications qu'on leur en donneroit, ni dans les exemples dont on se serviroit pour leur en faciliter l'intelligence, qui ne fût à leur portée.

D'ailleurs quels livres leur met-on entre les mains pour étudier les principes de la Langue Latine? Des Rudimens qui, pour la plupart, sont si peu méthodiques, et où les définitions des termes sont si peu exactes et mal expliquées, que tout le fruit qu'ils en remportent pour l'ordinaire, se réduit à une routine de mots où la mémoire a beaucoup plus de part que le jugement. L'expérience ne confirme que trop cette vérité, et l'on voit souvent des écoliers de Rhétorique qui se trouvent embarrassés, dès qu'on leur fait quelques questions sur les premiers principes de la Grammaire; et cela, sans doute, parce qu'ils n'en ont jamais fait une étude méthodique. Il est encore plus ordinaire d'en trouver qui n'ont aucune connoissance des regles de la Langue Françoise, et qui, en écrivant, pèchent contre l'orthographe dans les points les plus essentiels; en sorte que, s'il leur arrive quelquefois de parler ou de composer correctement dans l'une et dans l'autre Langue, on peut dire que c'est souvent plutôt un effet du hasard et de l'habitude, que de la connoissance des principes.

C'est donc dans le dessein de prévenir ces inconvénients, que j'ai entrepris cet Ouvrage, que l'on ne doit pas mettre au nombre de ces méthodes systématiques, et de ces plans singu

liers, tels qu'on en voit quelquefois paroftre, qui n'aboutissent, pour la plupart, qu'à faire connoître à leurs auteurs que ce qui paroît · beau et aisé dans la spéculation, ne l'est pas toujours dans la pratique. Le raisonnement seul ne suffit pas pour l'étude d'une Langue. Il faut encore que la mémoire se charge et se remplisse d'un grand nombre de mots et de combinaisons différentes, dont la connoissance ne s'acquiert que par un exercice continué, et no peut être du ressort d'aucune mécanique. Je conviens néanmoins qu'on peut abréger cette étude. Mais j'en fais consister tout le secret dans l'arrangement et dans l'explication raisonnée des principes, parce qu'il est certain que les choses ne s'apprennent qu'autant qu'on les conçoit avec netteté.

C'est sur ce seul plan que j'ai travaillé. J'ai mis dans les principes et dans les regles, l'or dre qui m'a paru le plus simple et le plus naturel. Tous les termes sont définis et expliqués. Dans les définitions que j'en ai données, je me suis attaché à y mettre toute la justesse et toute la précision qu'il m'a été possible: et la crainte de donner des notions fausses ou peu exactes. m'a quelquefois obligé d'avoir recours à des expressions un peu abstraites et philosophiques. Mais j'ai eu soin de les éclaircir par des explications simples et familieres, appliquées à des exemples sensibles et capables de satisfaire l'esprit. Et comme je me suis proposé de tout expliquer par raisonnement, c'est pour cela que j'ai choisi le style de Dialogue en demandes et réponses, dont la simplicité doi faire le caractere; et qui est plus propre que

tout autre à mettre une liaison naturelle entre les principes et les conséquences, les objectious et les réponses.

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Il y a quelques personnes qui ont critiqué cette forme, et entr'autres l'Auteur des Jugements sur quelques ouvrages nouveaux, qui, en parlant de ma Grammaire à la page 77 du tome 9 a dit Cet que ou rage par demandes et par réponses, comme un Cathéchisme, sentiroit peut-être un peu moins les petites écoles, et seroit d'ailleurs plus court, sil'Auteur se fut contenté d'exposer ses préceptes, sans employer l'insipide interrogation qui n'est bonne à rien, si ce n'est peut-être pour la première enfance à qui l'on veut faire apprendre des regles par cœur : encore cette forme est-elle pour cet áge d'un médiore secours.

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Je n'opposerai à cette critique que l'autorité même de celui qui l'a faite, et celle de l'Auteur d'un autre ouvrage périodique.

L'auteur des Jugements avoit dit auparavant," tome 2, page 97, en parlant de l'Histoire de France, que pour en faciliter l'étude et soulager la mémoire, on l'a réduite plus d'une fois en une espece de dialogue, par la méthode utile des demandes et des réponses: que c'est ainsi que l'histoire de France, par le Pere Daniel, a été exposée en abrégé, dans un petit ouvrage dédié à M. le Prince de Conti, et imprimé chez le Gras, au Palais.

Il avoit encore dit, à la page 47 du tome 6, en parlant du même Abrégé, dédié à M. le Prince de Conti, que les abrégés de notre Histoire sont secs, décousus, et n'apprennent que des

mots: qu'il faut néanmoins en excepter cet Abrégé.. Il est, continue-t-il, par demandes et par réponses, et m'est à moi-même d'une grande utilité, pour trouver, sur-le-champ, l'époque des faits de notre Histoire.Jem'en sers presque tous les jours. Ensuite après avoir observé que l'Auteur dont il examine l'ouvrage, se déclare, dans sa Préface contre ces sortes d'abrégés par dialogue, il ajoute que ses raisons sont combattues par l'expérience.

On ne peut s'empêcher de reconnoître, à la vue de ces différents passages, que l'Auteur des Jugements s'est contredit lui-même, en s'élevant contre la forme de mon Ouvrage, et que ses raisons sont combattues par sa propre expérience. Si la méthode des demandes et des réponses est utile pour faciliter l'étude de l'histoire, et pour soulager la mémoire, pourquoi le seroitelle moins pour faciliter l'étude de la Grammaire? A-t-on jamais reproché au grand Catéchisme de Montpellier, et à quelques autres Ouvrages importants qui, quoique par demandes et par réponses, sont au dessus de la portée des enfans, qu'ils sentissent les petites écoles ? A-t-on trouvé que l'interrogation dans ces livres fût insipide et ne fût bonne à rien?

Il faut donc convenir que la forme des demandes et des réponses, quand elle est bien traitée, est préférable à toute autre dans un Ouvrage élémentaire tel que celui-ci, et qu'elle peut être d'un grand secours pour faciliter aux personnes de tout âge l'étude de la Religion, de. l'Histoire, et même de toutes sortes de Sciences, et pour soulager la mémoire de ceux qui veulent s'y appliquer. Si cette forme a été

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