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comme quand je dis, en parlant de livres, il m'EN est arrivé de Hollande, c'est-à-dire, des livres me sont arrivés ; ou en parlant d'argent, j'EN ai reçu, e'est-à-dire, j'ai reçu de l'argent.

D. Par le détail que vous venez de faire, avezvous observé combien il y a de pronoms conjonctifs? R. Oui; il y en a douze, qui sont me nous, te, vous, se, lui, leur, y, le, la, les, en.

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D. Puisque nous vous et lui, sont aussi pronoms personnels, comment connoîtrez-vous quand ils seront pronoms conjonctifs?

R. Je le connoîtrai quand ils seront sans articles, qu'ils seront régimes de quelques verbes qu'on pourra les tourner de quelqu'une des manières que nous venons d'indiquer, et qu'on pourra les changer de place, sans changer le sens du discours. Ce qu'il sera aisé de reconnoître à l'égard de nous, dans cette phrase, Dieu NouS a aimés jusqu'à NOUS envoyer son propre Fils: puisqu'on peut dire, sans en changer le sens, Dieu a aimé NOUS jusqu'à envoyer A NOUS son propre Fils.

D. N'avez-vous pas dit au chapitre IV, que le, la, et les, étoient des articles?

R. Oui; ils sont articles dans certaines occasions, et pronoms conjonctifs dans d'autres.

D. Expliquez-moi quand ils sont articles, et quand ils sont pronoms conjonctifs?

R. Le, la, les, sont toujours articles, étant joints à des noms; et ils sont toujours pronoms conjonctif's, quand ils sont joints à des verbes.

OBSERVATIONS

Sur les Pronoms conjonctifs.

D. Pourquoi les pronoms conjonctifs ne peuventils pas toujours se tourner par les pronoms personnels?

R. La raison générale est qu'il y a des pronoms

personnels qui ne peuvent se dire que des personnes, et que les pronoms conjonctifs qui y répondent, ou se disent également des personnes et des choses, ou ne se disent que des choses.

D. Pour me rendre cette raison plus claire, et avant que d'en faire l'application à des exemples, dites-moi quels sont, parmi les pronoms personnels etconjonctifs,ceux qui se mettent pour les personnes, et ceux qui se mettent pour les choses?

R. 1. Parmi les pronoms personels, je, moi, et nous tu, toi et vous 9 se rapportent toujours à des personnes, ou, ce qui est égal, à des choses per

sonnifiées.

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Il, ils, elle, elles, au nominatif, se disent indifféremment des personnes et des choses. Ainsi quand on dit, il est beau elle est charmante, on peut parler d'un homme et d'une femme, ou de toute autre chose, comme d'un château, d'une maison, etc.

Lui, eux, tant au nominatif qu'aux autres cas, et

se rapportent ordinairement qu'aux personnes. Ainsi en disant, je dépends de lui, je m'en rapporterai à eux, je pensois à elle, je réponds d'elles, je parle d'hommes et de femmes.

2. Parmi les pronoms conjonctifs, me, nous, te, vous, ne doivent se rapporter qu'aux per

sonnes.

Quoique lui et leur ne se disent proprement que des personnes, il y a cependant des occasions où l'usage les admet avec rapport aux choses.

Le, la, les, se et en, se disent également des personnes et des choses.

Y ne se dit ordinairement que des choses.
On peut recourir aux exemples que nous avons

rapportés plus haut pour chacun de ces pronoms conjonctifs.

D. Que s'en suit-il de cette variété dans l'usage des pronoms personnels et conjonctifs?

R. Il s'en suit que les pronoms conjonctifs ne peuvent pas toujours se rendre par les pronoms personnels; parce que si un pronom conjonctif a rapport à une chose, le pronom personnel qui y répond, et que l'on voudroit y substituer, ne pourra se dire que des personnes. Par exemple, en parlant d'un livre, on ne peut pas dire, je connois lui, au lieu de je le connois; parce que lui ne s'emploie que pour les personnes, et que livre est une chose. Il faudroit dire, je connois ce livre.

Par la même raison, on ne peut pas toujours se servir des pronoms personnels, lorsqu'on ne veut pas répéter les noms des choses, et il est souvent nécessaire d'avoir recours aux pronoms conjonctifs. Ainsi on ne peut pas dire, en parlant d'un cheval, je me sers DE LUI, mais je m'EN sers; ni en parlant d'une montre, j'ai recours A ELLE pour savoir l'heure, mais j'y ai recours, etc.

D. Quel fruit doit-on tirer des principes que vous venez d'établir sur les pronoms personnels et conjonctifs?

R. C'est de n'en pas confondre les usages en parlant ou en écrivant, et de ne pas faire rapporter aux personnes les pronoms qui ne doivent se dire que des choses; ni aux choses, ceux qui ne doivent se dire que des personnes. On ne se trompe pas ordinairement pour les pronoms de la premiere et de la seconde personne. Ceux de la troisi me demandent plus d'attention, parce qu'il y a bien des occasions où l'usage s'écarte des regles générales.

Sans entrer dans le détail des exceptions, j'ob

serverai seulement en général que, quand on fait rapporter aux noms de choses les pronoms que nous avons dit ne convenir qu'aux personnes, il s'agit presque toujours de choses que l'on anime et que l'on personnifie en quelque sorte, en leur attribuant ce qu'il est plus ordinaire d'attribuer aux personnes.

Par exemple, dans cette phrase, Quand la vérité se montre dans tout son éclat, il faut LUI rendre les armes, et il n'est pas de cœur qui puisse tenir contre ELLE ; on emploie les pronoms lui et elle, parce que la vérité y est représentée comme une personne charmante qui n'a qu'à se montrer pour se faire aimer. Et dans cette autre phrase les torrens entraînent avec EUX tout ce qu'ils rencontrent: quelques digues qu'on LEUR oppose, rien n'est capable de les arréter; on se sert des pronoms eux et leur, parce qu'on dit des torrens, ce que l'on pourroit dire d'un homme qui emporteroit quelque chose, et qu'on ne pourroit arrêter dans

sa course.

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D. Je vous demanderai, pour finir cet article si une femme doit dire, j'ai été malade, et je la suis encore, ou je le suis encore ?

R. Il faut convenir que bien des femmes disent je la suis encore; mais celles qui se piquent de bien parler, tous les Gens de lettres, et la plupart des bons Auteurs disent et écrivent, je le suis encore. Voilà deux usages qui ont chacun leurs partisans. Le second est le plus généralement autorisé, et je me déterminerai d'autant plus volontiers à le suivre, qu'il me paroît plus conforme aux principes de la langue. J'établirai à ce sujet deux regles que je crois générales, et que j'appuyerai de quelques exemples tirés des Auteurs les plus modernes, pour confirmer davantage l'usage que j'adopte.

I. Le pronom conjonctif le est indéclinable,

c'est-à-dire, qu'il est toujours le même pour le masculin et le féminin, pour le singulier et le pluriel, toutes les fois qu'il se rapporte à un ou à plusieurs noms adjectifs, de quelque genre et en quelque nombre qu'ils soient comme on le voit dans les exemples suivants.

:

Dans la Tragédie d'Electre de M. de Crébillon cette Princesse dit, Acte I, Sc. V:

Moi son esclave! Hélas! d'où vient que je LE suis? où le se rapporte à l'adjectif esclave, qui est au féminin.

M. L. M. D. T, Dame aussi respectable par son esprit et ses vertus, que par son illustre naissance, dit, dans une de ses lettres à l'Auteur : Mon silence a pu vous donner lieu de penser que je n'étois pas aussi sensible que je LE suis au succès de vos travaux, etc. où l'on voit que le se rapporte à l'adjectif sensible.

Le P. Daniel dit, dans son histoire de France en parlant de Catherine de Médicis : Elle étoit jalouse de son autorité, et elle LE devoit étre : où le se rapporte à l'adjectif jalouse.

On lit dans une Comédie très-connue : Fut-il jamais une fille plus malheureuse et plus ridiculement traitée que je LE suis? où le se rapporte aux adjectifs malheureuse et traitée.

...

Dans une des lettres de la Marquise de.... au Comte de.. on lit: Vous m'avez trouvée aimable, je cesse de vous LE paroître; et dans un autre mais exempte de caprices, je ne LE suis où l'on voit pas soupçons le pronom de la premiere phrase se rapporte à aimable, et que celui de la seconde se rapporte à exempte de caprices.

de

que

le

De même plusieurs femmes diront incontestablement Avons-nous jamais été aussi tranquilles que nous LE sommes ? et non pas que nous LES

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