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Dieu parle, et nous voyons les trônes mis en poudre.
Les chefs aveuglés par l'erreur,

Les Soldats consternés d'horreur, Les vaisseaux submergés ou brûlés par la foudre. Lorsque les rimes sont suivies, les vers sont ordinairement du même nombre de syllabes. Ainsi, les vers qu'on appelle suivis sont ceux qui ont communément le même nombre de syllabes, et dont les rimes sont suivies.

Lorsque les rimes sont entremêlées, les vers sont quelquefois du même nombre de syllabes, mais le plus souvent ils ne le sont pas; et on appelle vers entremêlés ceux qui sont composés de divers nombres de syllabes, et dont les rimes sont entremêlées.

On ne fait guere que de quatre sortes de vers suivis, savoir :

I. Les vers de douze syllabes ou alexandrins que l'on emploie ordinairement dans les poëmes héroïques, dans les tragédies, les églogues, les élégies, les satyres, etc.

II. Les vers de dix syllabes ou communs, qui sont en usage dans les ouvrages d'un style naif et familier, tels que sont les épîtres de Marot, les épîtres et les allégories de Rousseau.

III. On fait encore des vers suivis de huit syllabes; mais l'usage en est assez rare, et on ne s'en sert guere dans des sujets sérieux.

Si l'on fait quelquefois des vers suivis de sept, de six, ou d'un moindre nombre de syllabes, ce n'est que dans des pieces badines et de caprice.

IV. Une autre sorte de verbes suivis, qui est fort belle, quoiqu'elle ne soit pas fort ordinaire, est de mettre alternativement un vers de six syllabes à la suite d'un grand vers, avec des

rimes suivies.

Le principal défaut que l'on doit éviter daus

les vers suivis, est de faire rimer deux vers masculins avec deux vers masculins, quand ils ne sont séparés que par deux vers féminins; ou deux vers féminins avec deux vers féminins, quand ils ne sont séparés que par deux vers masculins; comme on voit que, dans ces six vers, les deux premiers féminins riment avec les deux derniers qui sont aussi féminins.

Par les mêmes sermens Britanicus se lie,

La coupe dans ses mains par Narcise est remplie.
Mais ses levres à peine en ont touché les bords,
Le fer ne produit point de si puissants efforts;
Madame, la lumière à ses yeux est ravie

Il tombe sur son lit sans chaleur et sans vie.

La consonnance ou la convenance des sons dans les rimes masculines et féminines qui se suivent, produit encore un effet désagréable à l'oreille, comme dans ces quatre vers:

Et toutes les vertus dont s'éblouit la terre,

Ne sont que faux brillants, et que morceaux de verre. Un injuste guerrier, terreur de l'univers,

Qui sans sujet courant chez cent peuples divers....

Des Stances.

Les rimes entremêlées s'emploient plus ordinairement dans les stances qu'ailleurs.

On appelle Stance, ou quelquefois Strophe, un certain nombre de vers, après lesquels le sens est fini et complet.

Le nombre des vers qui peuvent composer une stance n'est pas fixe; mais il ne doit pas être moindre que de quatre, et communément il ne s'y en trouve guere plus de dix.

La mesure des vers qui entrent dans une stance n'est pas plus fixe que le nombre. Ils peuvent être tous d'une même sorte, c'est-à-dire avoir un même nombre de syllabes, comme douze, dix, huit, et sept; ou l'on peut y mêler diverses sortes

de vers, par rapport au nombre de syllabes, sans autre regle que le goût et la volonté du poëte: ce qui fait qu'en considérant les stances par le méLange des rimes, par le nombre des vers, et par le nombre des syllabes de chaque vers, on peut les varier en une infinité de sortes, dont nous ne pourrions développer les combinaisons, sans entrer dans des calculs immenses, qui ne seroient d'aucune utilité au lecteur, et ne manqueroient pas de l'ennuyer.

Une stance n'est proprement appelée stance, que quand elle est jointe à d'autres; mais si elle est seule, elle emprunte ordinairement son nom du nombre de vers dont elle est composée; en sorte qu'on l'appelle Quatrain, si elle est de quatre vers; Sixain, si elle est de six; et quelquefois, en la considérant par le sujet, ou l'appelle Epigramme ou Madrigal.

On donne souvent le nom d'Ode à une suite de stances sur un même sujet.

Quand les stances d'un même ouvrage ont un même nombre de vers, un même mélange de rimes, et que le nombre des syllabes de chaque vers s'y trouve également distribué, on les appelle stances régulieres.

Au lieu qu'elles sont appelées irrégulieres, si elles sont différentes les unes des autres, ou par le nombre des vers, par le mélange des rimes, ou par le nombre des syllabes de chaque vers.

Il est encore nécessaire, pour la perfection des stances, que celles qui sont faites sur un même sujet, commencent et finissent par les mêmes rimes; c'est-à-dire, que si la premiere stance commence par une rime féminine et finit par une rime masculine, la seconde doit aussi commencer par une rime féminine, et finir par une ri me masculine, et ainsi des autres. D'où il arrive

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que, quand une stance commence et finit par une même rime, comme par une rime féminine, celle qui est après commençant aussi par une rime féminine, il se trouve deux différentes rimes de même espece à la suite l'une de l'autre : ce qui n'est pas contraire à la regle que nous avons établie, page 484; parce que chaque stance doit être considérée, séparément, et comme détachée de celle dont elle est suivie.

Le dernier vers d'une stance ne doit jamais ri mer avec le premier de la stance suivante.

Enfin, c'est une regle indispensable, que le sens finisse avec le dernier vers de chaque stance: en quoi les stances françoises sont plus parfaites que les stances latines, où le sens est très-souvent continué de l'une à l'autre.

Les stances considérées par le nombre de vers dont elles sont formées, peuvent se diviser en stances de nombre pair, et en stances de nombre impair.

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Les stances de nombre pair sont celles qui sont composées de quatre, de six, de huit, ou de dix

vers.

Les stances de nombre impair sont celles qui sont composées de cinq, de sept, ou de neuf vers.

Comme nous avons dit que le mélange des vers, par rapport au nombre des syllabes, étoit arbitraire dans les stances, les regles que nous allons donner, pour chaque espece de stances, regarderont principalement le mélange des rimes.

REGLES POUR LES STANCES DE NOMBRE PAIR.

I. Stance de quatre vers.

Les rimes peuvent s'entremêler de deux manieres dans les stances de quatre vers ou dans les quatrains.

1. On fait rimer le premier vers avec le troisieme, et le second avec le quatriemé, comme dans celte stance:

Combien avons-nous vu d'éloges unanimes
Condamnés, démentis par un honteux etour!
Et combien de héros glorieux, magnanimes,
Ont vécu trop d'un jour!

2. On fait rimer le premier avec le quatrieme, et le second avec le troisieme, comme dans cette stance:

Insensés! notre ame se livre
A de tumultueux projets.

Nous mourons, sans avoir jamais
Pu trouver le moment de vivre.

II. Stances de six vers.

La stance de six vers, ou le sixain, n'est autre chose qu'un quatrain auquel on ajoute deux vers d'une même rime.

Ces deux vers d'une même rime, se mettent pour l'ordinaire au commencement; et alors il doit y avoir un repos à la fin du troisieme vers: c'est-à-dire que le sens y doit finir, de maniere que l'oreille puisse s'y arrêter; ce qui donne beaucoup d'harmonie aux stances de six vers.

Du reste, on y entremêle les rimes des quatre derniers vers, comme dans les quatrains: ce qu'on reconnoîtra dans les deux stances suivantes: Renonçons au stérile appui

Des grands qu'on adore aujourd'hui.
Ne fondons point sur eux une espérance folle.
Leur pompe, indigne de nos vœux,
N'est qu'un simulacre frivole,

Et les solides biens ne dépendent pas d'eux.

O Dieu, que ton pouvoir est grand et redoutable!
Qui pourra se cacher au trait inévitable

Dont tu poursuis l'impie au jour de ta fureur!
A punir les méchans ta colere fidelle

Fait marcher devant elle

La mort et la terreur.

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