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l'ordre naturel et indispensable, en prose, seroit, le sort voulut vous y amener l'une et l'autre, etc. que je ne saurois lui tenir ma parole.

III. En mettant un nom au génitif avant celui dont il dépend, comme dans ces vers,

Celui qui met un frein à la fureur des flots,

Sait aussi des méchants arrêter les complots.

au lieu de dire, sait aussi arrêter les complots des méchants.

IV. En mettant le régime relatif au datif ou à l'ablatif, avant le verbe auquel il a rapport, comme dans ces vers:

Quelfequi mes ont pour vous des yeux infortunés,
S'éteot

leurs éternels vous avez condamnés?

2s dire, que vous avez condamnés à des

dsernels.

on,

passen ma faveur est trop inquiétée : Orron plus importants je l'ai crue agitée.

au s un de dire, je l'ai crue agitée de soins plus impo ans.

V. En mettant entre le verbe auxiliaire et le participe, des mots qui ne s'y souffriroient pas en prose, comme dans ces vers:

Aujourd'hui même encore une voix trop fidelle
M'a d'un triste désastre apporté la nouvelle.

au lieu qu'il faudroit dire en prose, m'a apporté la nouvelle d'un triste désastre.

Le Ciel enfin, pour nous devenu plus propice,

A de mes ennemis confondu la malice.

au lieu de dire, a confondu la malice de mes

ennemis.

VI. Enfin, en mettant avant le verbe tout ce qui peut en dépendre, et ce qui devroit naturellement être mis après. Ce sont le plus communément les prépositions avec leurs régimes, comme on le reconnoîtra sans peine dans les vers sui

vants:

A ce dicours, ces rivaux irrités,
L'un sur l'autre à la fois se sont précipités.

Pour

Pour la veuve d'Hector ses feux ont éclaté,
Contre mon ennemi laisse-moi m'assurer.

Si la foi, dans son cœur, retrouvoit quelque place,
Par de stériles your pensez-vous m'honorer?

Peuple ingrat! Quoi! toujours les plus grandes merveilles, Sans ébranler ton cœur, frapperont tes oreilles !

Mots à éviter dans les vers.

Comme un des principaux objets de la poésie est de flatter agréablement l'oreille, on doit en bannir tous les mots qui pourroient la choquer ou parce qu'ils seroient trop rudes, ou parce qu'ils auroient quelque conformité de son avec d'autres mots déjà employés dans le même vers, ou parce que la répétition n'en seroit ni nécessaire, ni agréable, ou enfin parce qu'ils seroient trop bas, et qu'ils sentiroient trop la prose.

Il est un heureux choix de mots harmonieux; Fuyez des mauvais' sons le concours odieux: Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée Ne peut plaire à l'esprit, quand l'oreille est blessée. Le goût et le discernement, appuyés d'une lec ture réfléchie des meilleurs Poëtes, contribueront à faire éviter ces défauts, mieux que toutes les regles que l'on pourroit donner.

Nous nous contenterons d'indiquer ici quelquesuns des mots qui appartiennent à la prose, et que l'on ne doit faire entrer que très-rarement dans les vers, sur-tout dans ceux qui ont un peu de noblesse.

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Ce sont les conjonctions, c'est pourquoi, parce que, pouvu que, puis, ainsi, car, en effet, de sorte que, d'autant que, outre que, d'ailleurs etc. celui et celle, quand ils sont relatifs à quelques noms précédents; lequel, laquelle, lesquels, etc.

De la Césure.

La césure est un repos qui coupe le vers en deux parties, dont chacune s'appelle hémistiche, c'est

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à-dire demi-vers; et ce repos bien ménagé contribue beaucoup à la cadence et à l'harmonie des vers françois.

Les regles que l'on peut donner sur la césure sont renfermées dans ces trois vers de M. Despréaux :

Ayez pour la cadence une oreille sévere :

Que toujours dans vos vers, le sens coupant les mots, Suspende l'hémistiche, en marque le repos.

Il n'y a que les vers de douze syllabes, et ceux

de dix, qui aient une césure; les autres, c'est-àdire, ceux de 8, de 7, et de 6 syllabes n'en ont point.

La césure des vers de douze syllabes, ou des vers Alexandrins, est à la sixieme syllabe, en sorte qu'elle partage le vers en deux parties égales, comme dans ceux-ci :

Justes, ne craignez point-le vain pouvoir des hommes: Quelque élevés qu'ils soient, -ils sont ce que nous sommes.

La césure des vers de dix syllabes ou des vers communs, est à la quatrieme syllabe, et elle coupe les vers en deux parties inégales, dont la la première est de quatre syllabes, et la derniere de six, comme dans ceux-ci :

L'esclave craint-le tyran qui l'outrage:

Mais des enfants-l'amour est le partage.

Quand on dit que la césure des vers alexandrins est à la sixieme syllabe, et que la césure des vers communs est à la quatrieme on entend qu'après l'une ou l'autre de ces syllabes, il doit y avoir un repos naturel qui mette un intervalle entre le premier et le second hémistiche; en sorte qu'on puisse les distinguer en récitant les vers, sans forcer et sans obscurcir le sens de la phrase. Ainsi la césure est vicieuse, quand le mot qui la forme, et qui termine le premier hémistiche,

ne peut être séparé du mot suivant dans la prononciation.

Il n'est pas nécessaire, pour la régularité de la césure, que le sens finisse absolument après la sixieme ou la quatrieme syllabe, et qu'il n'y ait rien dans un hémistiche qui soit régime ou qui dépende de ce qui est dans l'autre. Il suffit que ce régime, ou cette dépendance, n'empêche pas le repos, et n'oblige pas à lier, en prononçant, la derniere syllabe d'un hémistiche avec la premiere de l'autre. Ainsi, quoiqu'en ce vers,

Tant de fiel entré-t-il-dans l'ame des dévots ?

dans l'ame des dévots soit le régime du verbe entre-t-il, la césure en est réguliere, parce que, sans forcer le sens de la phrase, on peut faire naturellement, après entre-t-il, une pause qui distingue les deux hémistiches.

Il en est de même de ces deux vers,

Que de ton bras-la force les renverse;

Que de ton nom-la terreur les disperse.

où l'on peut se reposer après de ton bras, et de ton nom quoique ces deux génitifs soient régis par les noms suivants, la force et la terreur.

Nous nous contenterons d'observer ici les principales circonstances qui peuvent rendre la césure défectueuse.

I. Le repos étant, comme nous avons dit, essentiel à la césure, elle ne peut être formée que c'est-à-dire, par une syllabe qui finit un mot

que la sixieme ou la quatrieme syllabe d'un vers de douze ou de dix syllabes doit toujours être la derniere d'un mot, afin que l'on puisse s'y reposer. Ainsi cette phrase, quoique de douze syllabes,

Que peuvent tous les foi-bles humains devant Dieu ? ne seroit pas un vers, parce que la sixieme syllabe est la premiere du mot foibles, et que

l'on ne

peut pas s'y reposer au lieu qu'en changeant l'ordre des mots, et en disant,

Que peuvent devant Dieu-tous les foibles humains? on a un vers parfait, dont le repos tombe sur la sixieme syllabe formée par le mot Dieu.

II. L'e muet, ou féminin, seul ou suivi des lettres s ou nt, n'ayant qu'un son sourd et imparfait, ne peut jamais terminer la syllabe du

repos.

Mais lorsqu'un mot, terminé par un e muet seul, est suivi d'un mot qui commence par une voyelle avec laquelle l'e muet se mange, alors la césure peut tomber sur la syllabe qui précede l'e muet, et qui, par l'élision de cet e, devient la derniere du mot. Par exemple, funeste, qui a trois syllabes, quand il est suivi d'un mot qui commence par une consonne, comme quand on dit, funeste passion, n'en a plus que deux quand il est suivi d'un mot qui commence par une voyelle, comme dans funeste ambition; et c'est sur la seconde que peut tomber la césure, quand la derniere se mange avec le mot suivant. Ainsi dans ces deux

vers,

Et qui seul, sans minis-tre, à l'exemple des Dieux,

Soutiens tout par toi-mê-me, et vois tout par tes yeux. la césure tombe sur la seconde syllabe de ministre, et sur la premiere de méme, les dernieres syllabes de ces deux mots se mangeant avec les voyelles suivantes.

III. Les articles, quels qu'ils soient, étant inséparables des noms, ne peuvent jamais former la césure d'un vers, et celui-ci ne vaudroit rien,

Vous devez vaincre le-penchant qui vous entraîne.

IV. La césure ne peut pas tomber sur un nom substantif suivi de son adjectif, comme dans ces

vers,

Sais-tu qu'on n'acquiert rien-de bon à me fàcher?
Mais j'aurois un regret-mortel, si j'étois cause
Qu'il fût à mon cher maître arrivé quelque chose,

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