à gagner de dire si que pour de sorte que, ou de manière de moi, au lieu de que; de dire, je moi ou de pour quant à moi; sais que c'est qu'un mal, plutôt que je sais ce que c'est qu'un mal, soit par l'analogie latine, soit par l'avantage qu'il y a souvent à avoir un mot de moins à placer dans l'oraison. L'usage a préféré par conséquent à par conséquence, et en conséquence à en conséquent; façons de faire à manières de faire, et manière d'agir à façons d'agir.... dans les verbes, travailler à ouvrer, être accoutumé à souloir, convenir à duire, faire du bruit à bruire, injurier à vilainer, piquer à poindre, faire ressouvenir à ramentevoir... et dans les noms, pensées à pensers, un si beau mot, et dont le vers se trouvoit si bien; grandes actions à prouesses, louanges à loz, méchanceté à mauvaistié, porte à huis, navire à nef, armée à ost, monastère à monstier, prairies à prées... tous mots qui pouvoient durer ensemble d'une égale beauté, et rendre une langue plus abondante. L'usage a, par l'addition, la suppression, le changement ou le dérangement de quelques lettres, fait frelater de fralater, prouver de preuver, profit de proufit, froment de froument, profil de pourfil, provision de pourveoir, prome ner de pourmener, et promenade de pourmenade. Le même usage fait, selon l'occasion, d'habile, d'utile, de facile, de docile, de mobile, et de fertile, sans y rien changer, des genres différents. au contraire de vil, vile, subtil, subtile, selon leur terminaison, masculins ou féminins. Il a altéré les terminaisons anciennes de scel il a fait sceau; de mantel, manteau; de capel, chapeau ; de coutel, couteau; de hamel, hameau ; de damoisel, damoiseau; de jouvencel, jouvenceau ; et cela sans que l'on voie guère ce que la langue françoise gagne à ces différences et à ces changements. Est-ce donc faire pour le progrès d'une langue que de déférer à l'usage? Seroit-il mieux de secouer le joug de son empire si despotique? Faudroit-il, dans une langue vivante, écouter la seule raison qui prévient les équivoques, suit la racine des mots, et le rapport qu'ils ont avec les langues originaires dont ils sont sortis, si la raison d'ailleurs veut qu'on suive l'usage? Si nos ancêtres ont mieux écrit que nous, ou si nous l'emportons sur eux par le choix des mots, par le tour et l'expression, par la clarté et la brièveté du discours, c'est une question souvent agitée, toujours indécise: on ne la termi nera point en comparant, comme l'on fait quelquefois, un froid écrivain de l'autre siècle aux plus célèbres de celui-ci, ou les vers de Laurent, payé pour ne plus écrire, à ceux de Marot et de Desportes. Il faudroit, pour prononcer juste sur cette matière, opposer siècle à siècle, et excellent ouvrage à excellent ouvrage; par exemple, les meilleurs rondeaux de Benserade ou de Voiture à ces deux-ci qu'une tradition nous a conservés sans nous en marquer le temps ni l'auteur: Bien à propos s'en vint Ogier en France Or quand il eut tout mis en assurance, Puis par cette eau son corps tout décrépite En jeune gars, frais, gracieux, et droit. Grand dommage est que cecy soit sornettes; A qui cette eau de Jouvance viendroit Bien à propos. De cettuy preux maints grands clercs ont escrit Qu'oncques dangier n'estonna son courage: Abusé fut par le malin esprit, Qu'il espousa sous féminin visage. Si piteux cas à la fin descouvrit Sans un seul brin de peur ni de dommage; Bientost après fille de roi s'esprit Donc s'il vaut mieux ou diable ou femme avoir, FIN DU DEUXIÈME VOLUME. |