Page images
PDF
EPUB

mes même, qui les ont remplis d'une maniere éclatante, ce que vous prouveront les Traits Hiftoriques fuivants (1).

TRAITS HISTORIQUES RELATIFS A LA PREMIERE MAXIME.

1er. Fille qui, par refpect pour les dernieres volontés de fa Mere, confent à en refter déshéritée.

EBUSE, Veuve du Conful Menenius Agrip

pa (2), avoit deux Filles, Petronie qu'elle aimoit tendrement & Afranie dont elle ne faifoit point de cas', quoique toutes deux, par leur mérite, fuffent dignes de la tendreffe de leur Mere. En mourant, elle inftitua Pétronie fon héritiere & ne laiffa, pour éluder la Loi, qu'une fomme modique au Fils d'Afranie. On propofa à cette Fille, injustement déshéritée, de faire déclarer par les Centumvirs qu'elle l'avoit été fans caufe, ce qui étoit facile : mais elle s'y op

(1) Il eft connu que les Jeunes-Gens dévorent ces fortes de Traits. Incapables d'une lecture fuivie, ils ne goûtent que des anecdotes, encore faut-il qu'elles aient un rapport fenfible à leur cœur : tout autre morceau de Littérature les ennuie. De 40 Jeunes-Gens au-deffous de 18 à 20 ans, à peine en trouve-t-on un, fur-tout dans ces Provinces, qui life avec plaifir le TÉLÉMAQUE de Fenelon, le CYRUS de Ramfey, les SEPT SAGES de Larrey.

(2) Agrippa, Conful Romain, vivoit dans le Vme. Siecle avant Jésus-Chrift; ce fut lui qui, par l'Apologue des Membres du Corps Humain & de l'Eftomac, appaifa le Peuple de Rome qui s'étoit révolté contre les Sénateurs de cette Ville.

C

pofa, aimant mieux honorer les dernieres volontés de fa Mere que de les avilir par une condamnation publique, toute avantageufe qu'elle lui eût été. Elle donna ainfi l'exemple du refpect pour les Parents, même lorfqu'ils ne font plus.

IId. Fils qui respecte auffi fon Pere même après fa mort. DEMETRIUS Poliorcetes, Roi de Macédoine, fut fait prifonnier dans une bataille contre Seleucus, Roi de Syrie. Bien fûr de la tendreffe de fon Fils Antigonus (1), il craignit que, pour le délivrer, il ne cédât au Vainqueur quelques parties du Royaume de Macédoine : c'eft pourquoi, il lui fit dire, par un Ami, de ne confentir à aucune ceffion, quand bien même il la lui ordonneroit par Lettres, puifque Seleucus pourroit l'avoir contraint de les écrire.... Mais Antigonus, long-temps avant de recevoir cet avis de fon Pere, avoit déjà propofé à Seleucus de lui abandonner, pour racheter Demetrius, tout ce qu'il poffédoit dans la Macédoine, &, fi cela ne fuffifoit pas, de fe livrer luimême en ôtage. Cette négociation fut infructueufe. Demetrius mourut dans fa prifon. Dès qu'Antigonus en eut reçu la fatale nouvelle, il envoya des Ambaffadeurs à Seleucus, pour lui redemander le corps de fon Pere; & ce Prince le lui accorda. Il partit alors, avec toute fa flotte, pour aller le recevoir. A quelque distance de fa Capitale, il apperçut le Vaiffeau qui contenoit ce dépôt précieux; fa vue s'y fixa; les larines coulerent de fes joues; & fa douleur fut fi profonde qu'elle excita l'admiration & le refpect de tous les Macédoniens dont il étoit accompagné. Pendant le refte du voyage, il se tint

(1) Antigonus, fecond Roi de Macédoine, après la mort d'Alexandre le Grand, vivoit environ 300 ans avant Jéfus-Chrift.

debout fur la pouppe, vêtu de deuil, fans détourner fes regards de l'urne d'or où étoient renfermées les cendres de fon Pere. Des Muficiens chantoient d'un ton lugubre les louanges du mort; le bruit fourd des rames s'accordoit avec cette trifte harmonie; & les cris douloureux des matelots, leurs fanglots précipités, y ajoutoient

encore.

IIIme. Fils qui, pour obtenir la permiffion de faire rendre les derniers honneurs à fon Pere, renonce pour jamais à une Epoufe qu'il adore.

Après avoir foutenu fa patrie contre les efforts. des Perfes, après avoir bravé mille fois la mort pour fa grandeur & pour fa gloire, Miltiade (1) fe vit accufé de trahifon pour prix de fes fervices, condamné à perdre la vie, malgré fon innocence; & à être jetté dans le Barathre, lieu terrible où l'on précipitoit à Athênes les fcélérats convaincus des plus grands crimes. Le Magiftrat s'oppofa à l'exécution d'un jugement fi inique. Toute la grace qu'on fit au libérateur au défenfeur de la patrie, fut de commuer, Ja fentence de mort en une amende de 50,000 écus. Comme il étoit hors d'état de la payer, il fut mis en prison où bientôt il mourut des bleffures qu'il avoit reçues en combattant. Ci~ mon (2), fils de l'illuftre Malheureux, pour ob

(1) Miltiade vivoit environ 500 ans avant Jésus-Christ. Ce fut lui qui, dit-on, avec 13,coo Grecs, défit 300,000 Perfes à la célebre Bataille de Marathon: action poffible, mais improbable. Il vainquit aufli les Thraces.

(2) Cimon fe fignala à la Bataille de Salamine; il battit les Thraces; il défit près de Mycale la Flotte combinée de Chypre & de Phénicie, forte de 200 vaiffeaux, & remporta, le même jour (chofe inouie jufqu'à ce Grand Homme!) une victoire fur terre dans la Pamphylie. Malgré tant d'actions héroïques, il fut envoyé en exil par les injuftes Athéniens.

tenir la permiffion d'en enfevelir le corps, confentit qu'Elphinie fa foeur & en même temps fon époufe, qu'il aimoit éperduement, fût mariée à un certain Callias, homme riche qui en idolatroit la beauté & par qui les 50,000 écus d'amende furent acquittés.

IVme. Fils qui, par respect pour fon Pere, en mafque le ridicule. Laurent Celfi ayant été élu Doge de Venife en 1361, fon pere montra, dans cette occafion, une finguliere foibleffe d'efprit. Ce Vieillard, fe croyant trop fupérieur à fon fils, pour fe découvrir en fa préfence, & ne pouvant éviter de le faire, fans manquer à ce qu'il devoit au Chef de l'Etat, prit le parti d'aller toujours tête nue. Un travers fi fingulier, de la part d'un homme d'ailleurs refpectable, ne fit aucune impreflion fur l'efprit des Nobles qui fe contenterent d'en plaifanter: mais le Doge, touché de voir fon pere fe donner en fpectacle par cette ridicule imagination, s'avifa de faire mettre une croix fur fa corne ducale. Alors, le bon Vieillard ne fit plus de difficulté de reprendre le chaperon; &, dès qu'il appercevoit fon fils, il fe découvroit, en difant: c'eft la croix que je falue & non mon fils, car, lui ayant donné la vie il doit être au-deffous de moi.

[ocr errors]
[ocr errors]

TRAITS HISTORIQUES RELATIFS A LA 2de. MAXIME.

Ier. Fils qui, pour rendre un témoignage public d'amour à fon Pere, rifque d'encourir la difgrace d'un Souverain vindicatif. APRÈS la Bataille d'Actium (1), Auguste (2), vainqueur, fit la revue des prifonniers. Metellus (3), un de fes plus cruels ennemis, étoit du nombre. Quoique la mifere & le chagrin l'euffent horriblement défiguré, fon fils, qui fervoit dans l'armée victorieufe, le reconnut & courut fe jetter dans fes bras. Se tournant les larmes aux yeux vers Augufte: Seigneur, lui dit-il, mon pere a été votre ennemi, &, comme tel, il mérite la mort mais, je vous ai fervi fidellement & je mérite une récompenfe. Pour prix de mes fervices,

(1) La Bataille Navale d'Atium, Capitale de l'Epire, en Grece, fe donna 31 ans avant Jésus-Chrift; Marc-Antoine y fut défait par Augufte.

(2) Augufte, 2d. Empereur des Romains. Pour affervir fa patrie, il fut injufte, vindicatif, cruel : mais, dès qu'il l'eut affervie, il donna l'exemple de beaucoup de vertus. Il protégea fur-tout les Sciences & les Arts.

(3) Metellus, Tribun du Peuple, avoit été auffi l'ennemi de Céfar, Prédéceffeur d'Augufte, lorfqu'il s'étoit rendu maître de Rome. Plus courageux que tous les autres Magiftrats qui fe courberent d'abord fous le joug, il lui refusa les clefs du Tréfor qui étoit dépofé dans le Temple de Saturne. César ordonna qu'on rompît les portes ; &, comme Metellus alléguoit les loix & renouvelloit fon oppofition, Céfar menaça de le tuer en difant Jeune-Homme, tu n'ignores pas qu'il me feroit plus facile de le faire que de le dire. Metellus ne réfifta plus & le retira.

« PreviousContinue »