Page images
PDF
EPUB

SECONDE LEÇON.

Aucun Etre ne s'eft donné l'existence.

AVA

[ocr errors]

VANT de vous enfeigner le grand art d'être heureux, je dois vous inftruire de plufieurs vérités importantes & qui ferviront de bafe à votre bonheur. Celle dont j'ai deffein de vous pénétrer aujourd'hui eft digne de toute votre attention.

Vous exiftez, n'eft-ce pas ? Vous êtes bien convaincu que d'autres exiftent auffi... Mais dites-moi, qui vous a donné l'exiftence? Mon Pere & ma Mere, allez-vous fans doute me répondre... Fort bien. Qui l'a donc donnée à votre Pere & à votre Mere ? Qui l'a donnée à vos Aïeux, à vos Bifaïeux & aux leurs ? Qui l'a enfin donnée au premier homme de votre Famille?

Il ne fe fera pas fait lui-même, ce premier homme car affurément il n'exiftoit pas avant qu'il exiftât, & cependant, pour donner l'exiftence à un Etre quelconque, il faut en jouir foi-même. Jugez-en par votre propre expérience. Ces jolis Châteaux de carte qui vous amufent, auriez vous pu les conftruire, fi vous n'euffiez pas été au monde ? Non, fans doute. Donc, le premier homme de votre Famille, n'ayant pu rien former auffi avant d'exifter, ne s'eft pas formé lui-même. (1)

(1) On ne parle pas ici du fentiment qui attribue au mouvement, fuppofé éternel, de la matiere, tantôt la formation d'un Aftre, tantôt celle d'un Animal, tantôt celle d'une Plante comme fi, même en admettant qu'il n'ait pas fallu d'intelligence pour la création de ces Etres, ils

Cette vérité bien comprife, il ne vous eft pas difficile d'en conclure qu'aucun Etre ne s'eft donné l'existence. Le Cheval tient le jour d'un Etalon & d'une Jument, formés eux-mêmes par d'autres Etalons & par d'autres Juments, & ainfi de fuite jufqu'à l'Etalon & à la Jument primitifs. Tous les Boeufs defcendent d'un premier Taureau & d'une premiere Vache, tous les Moutons d'un premier Bélier & d'une premiere Brebis, tous les Reptiles, tous les Poiffons, tous les Oifeaux, d'un premier Male & d'une premiere Femelle de leurs différentes efpeces. C'eft à des Graines primitives que remontent tous les Végétaux. L'Herbe même des Champs vient d'une premiere Herbe. Mais aucun de ces Etres primitifs, foit animal, foit graine, n'a pu être l'auteur de fon existence car l'ouvrier, ainfi que je vous l'ai déjà dit, doit exifter avant fon ouvrage, le créateur avant fa créature.

QUESTION S.

1ere. Qui vous a donné l'exifience?

2de. Qui l'a donnée à votre Pere & à votre Mere? 3me. Le premier Homme de votre Famille s'efi-il formé lui-même ?

4me. Pourquoi le premier Homme de votre Famille, non plus qu'aucun autre Etre, n'a-t-il pu fe ti

rer du néant?

auroient pu fubfifter hors de la chaîne qui les unit! Ce n'eût pas été affez que ce prétendu mouvement éternel formât un Homme, il auroit fallu qu'en même temps il produisit une Femme; il auroit fallu qu'il les produisît tous deux dans un état semblable à celui de l'âge de raison. Même combinaifon, & le hafard combine-t-il ?) quand le Lion, quand le Cheval, quand le Caftor auroient été formés... Si le Difciple objectoit, ce qui n'eft guere propable, quelque raifonnement relatif à cette Note, elle fuffira pour y répondre. Voyez de plus le Ier. Alinéa de la IVme. Leçon.

TROISIEME LEÇON.

Nul Etre, faifant partie de ce Monde, n'a jamais eu eu une existence nécessaire & éternelle.

LORSQU'UN Etre n'a point eu de commence

ment & qu'il n'aura jamais de fin, fon existence eft éternelle. Elle eft néceffaire, s'il a toujours été abfurde de fuppofer un moment où cet Etre n'ait point exifté, & s'il l'eft également de fuppofer qu'il n'exiftera plus un jour. Tout Etre néceffaire eft donc éternelle, puifqu'il n'a point eu de commencement & qu'il n'aura jamais de fin. Ainfi, pour vous donner un exemple facile, cette vérité deux & deux font quatre a une exiftence néceffaire & éternelle car il répugne au bon fens que deux & deux n'aient pas toujours fait & ne faffent pas toujours quatre.

Cela pofé, voyons d'abord fi les Etres primitifs des Animaux, des Végétaux, des Minéraux, ont eu une telle existence.

Semblables aux Hommes, aux Brutes, & aux autres Etres qui font actuellement fous nos yeux, ces Etres primitifs n'avoient dans toute la maffe de leurs corps, lorfqu'ils exiftoient, que des parties dont l'une aujourd'hui changeoit de forme & demain l'autre. De droit (1) le premier homme

(1) Les os & les autres parties folides du corps, ayant pris toute leur extenfion en longueur & en groffeur, continuent d'augmenter en folidité; les fucs nourriciers, qui y arrivent, & qui étoient auparavant employés à en augmenter le volume par le développement, ne fervent plus

[ocr errors]

devenoit courbé; fa peau, ci-devant liffe & tendue, fe ridoit; il perdoit & fes dents & fes cheveux. La premiere brute & la premiere plante de telle ou telle efpece fubiffoient d'auffi fortes dégradations. Dès-lors, il étoit vilible que les parties de matiere, dont ces Etres étoient compa fés, n'avoient pas entr'elles une union indiffoluble, puifqu'elles fe défuniffoient. On pouvoit donc dire, fans abfurdité, qu'il y avoit eu un moment où leur union s'étoit faite & que leur défunion totale fe feroit un jour.

Elle a eu lieu en effet cette défunion, puifque les Etres primitifs n'exiftent plus. Vos Aïeux. vos Bifaïeux, tous les hommes qui vivoient, il y a 200 ans, il y a 2,000 ans, font defcendus au tombeau; &, bien long-temps avant eux, le premier homme, de qui ils tenoient originairement leur existence, avoit été réduit en pouffiere. De toutes les brutes qui fubfiftoient pendant la vie de ce premier homme, il n'en fubfifte pas une feule à cette heure (1). La plus ancienne plante n'a peut-être pas 500 ans.

qu'à l'augmentation de la maffe, en fe fixant dans l'intérieur de ces parties; les membranes deviennent cartilagineufes, les cartilages deviennent offeux, les os deviennent plus folides, toutes les fibres plus dures, la peau fe deffeche, les rides fe forment peu à peu, les cheveux blanchiffent, les dents tombent, le vifage fe déforme, le corps fe courbe &c. Les premieres nuances de cet état fe font appercevoir avant 40 ans; elles augmentent par degrés affez lents jufqu'à 60, par degrés plus rapides jufqu'à 70; la caducité commence à cet âge de 70 ans, elle va toujours en augmentant; la décrépitude fuit & la mort termine ordinairement, avant l'âge de 90 ou roo ans, la vieilleffe & la vie. DE BUFFON. Hift. Nat. Tom. IV. Pag. 338. de l'Edit. in-12. de l'Imprim. Royale 1752.

(1) Les poiffons, dont les os ne fe durciffent prefque pas & qui vivent à l'abri des injures de l'air, comme le dit Mr. DE BUFFON. Hift. Nat. Tom. III, Pag. 457 & 458, font

1

Un pareil raifonnement démontrera que nul des Etres, qui compofent ou ont compofé ce Monde, n'a jamais eu une existence néceffaire & éternelle car il n'en eft & n'en a jamais été un feul dont les parties ne tendent ou n'aient tendu à la deftruction, dont les parties ne s'alterent ou ne fe foient altérées. Les eaux s'évapo rent. Les montagnes croulent. Les pierres fe minent. Les métaux fe rongent. Tous les corps font la proie infaillible du temps,

QUESTIONS.

Iere, Qu'est-ce qu'un Etre néceffaire 2'de. Qu'efi-ce qu'un Etre éternel ?

3me. L'éternité d'un Etre néceffaire réfulte-elle de fa néceffité ?

4me. A quoi pouvoit on reconnoître, dans les Etres primitifs, qu'ils n'étoient pas avantagés d'une exifience néceffaire & éternelle ?

5me. Eft-ce par la même raison que cette exiftence n'a jamais été attribuable à aucun des Etres qui compofent ou ont compofé ce Monde.

de tous les animaux ceux qui vivent le plus long-temps; il y avoit en France, au rapport du même Auteur, l'an 1752, dans les foffés du Château de Pontchartrain, des carpes de plus de 150 ans avérés.

Le Cerf, âgé de 1,000 ans, qui, dit-on, fut pris dans la forêt de Senlis par Charles VI, Roi de France, ne portoit fur fon coilier aucune preuve de ce grand age.

Tout ce qu'on débite fur la longue durée de la vie des corbeaux eft une fable.

En général, les animaux, après avoir pris leur croiffance, vivent environ 3 fois autant d'années qu'ils en ont mifes à la prendre : l'homme, dont le développement n'eft guere achevé qu'à 30 ans, remplit tout au plus fon fiecle; le chien croît environ 3 ans & demi & en vit 12. Il y a des exceptions à cette regle, témoins H. Jenkins, Anglois qui vécut 169 ans, Parrk, aufli Anglois, qui en vécut près de 153 la Comteffe de Demonde & Tekleftone, tous deux Irlandois, qui pafferent l'un & l'autre 140 ans.

t

« PreviousContinue »