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47.

Il y a peu' de vrais chrétiens, je dis même pour la foi. Il y en bien qui croient, mais par superstition ?; il y en a bien qui ne croient pas, mais par libertinage : peu sont entre deux.

Je ne comprends pas en cela ceux qui sont dans la véritable piété de meurs, et tous ceux qui croient par un sentiment du cậur.

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48.

Ceux qui n'aiment pas la vérité prennent le prétexte de la contestation de la multitude de ceux qui la nient. Et ainsi leur erreur ne viento que de ce qu'ils n'aiment pas la vérité ou la charité?; et ainsi ils ne sont pas excusés.

49.

Tant s'en faut' que d'avoir ouï dire une chose soit la règle de votre créance, que vous ne devez rien croire sans vous mettre en l'état comme si jamais vous ne l'aviez ouï'. C'est le consentement de vous à vous-même, et la voix constante de votre raison, et non des autres, qui vous doit faire croire 10. Le croire est si important! Cent contradictions seraient vraies !!

. Si l'antiquité était la règle de la créance, les anciens étaient donc

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« Il y a peu. » 244. Même intention qu'au paragraphe 46.

a Par superstition. » Et alors ils croient, non-seulement ce qui est de foi, mais ce qui n'est pas de foi, comme par exemple que Jansénius et les jansépistes sont hérétiques.

3 « Par libertinage. » Et alors ils refusent de croire, non-seulement ce qui n'est pas de foi ou y est contraire, en quoi ils font bien, mais aussi ce qui est de foi, en quoi ils font mal.

« Ceux qui n'aiment pas, o 270. Même intention. La vérité, c'est la vérité janséniste.

« De la contestation, » Prennent prétexte, pour la contester, de la multitude, etc.

« Leur erreur ne vient. » En réalité, puisque l'objection prise de la multitude de ceux qui nient n'est qu'un prétexte.

? « Ou la charité. » Car la vérité dont il s'agissait entre Pascal et ses adversaires, c'était, suivant lui, la charité, le vrai amour de Dieu. Voir les Provinciales.

8 « Tant s'en faut. » 273. En titre, L'autorité. Ce fragment parait s'adresser encore aux Jésuites, et se rapporter aux querelles du temps. Mais il contient des principes généraux qui s'élèvent beaucoup au-dessus de cette polémique.

9 a L'aviez oui. » Lisons : que vous ne devez croire aucune chose sans vous mettre, etc.

« Faire croire. » Pascal parle ici comme tous les philosophes, comme tous les sages.

« Seraient vraies. v Si la règle était l'autorité. Car il y a sur toutes choses des autorités en sens contraire.

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sans règle'. Si le consentement général”; si les hommes étaient péris?

Fausse humilité, orgueil Levez le rideau. Vous avez beau faire; si faut-il ou croire, ou nier, ou douter. N'aurons-nous donc pas de règle 5 ? Nous jugeons des animaux qu'ils font bien ce qu'ils font : n'y aura-t-il point une règle pour juger des hommes ? Nier, croire, et douter bien sont à l'homme ce que le courir est au cheval'.

50.

Notre religion est sage et folle. Sage, parce qu'elle est la plus savante, et la plus fondée en miracles, prophéties, etc. Folle, parce que ce n'est point tout cela qui fait qu'on en est; cela fait bien condamner ceux qui n'en sont pas, mais non pas croire ceux qui en sont'. Ce qui les fait croire, c'est la croix, ne evacuata sit crux?0. Et ainsi saint Paul, qui est venu en sagesse et signes , dit qu'il n'est venu ni en sagesse ni en signes'', car il venait pour cun

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« Sans règle. » Belle parole. Mais ailleurs il rejetait dédaigneusement la raison naturelle, pour invoquer contre ses adversaires l'antiquité et la tradition (xxiv, 41).

? « Général. » Si le consentement général était la règle, alors qu'arriverait-il si les hommes avaient péri tous ? Il n'y aurait donc plus de règle.

« Orgueil. » Cette humilité, qui n'ose rien décider par elle-même, qui dit qu'elle ne peut que s'en rapporter à l'autorité, est fausse. C'est réellement un orgueil, qui ne veut pas se soumettre à la raison.

« Le rideau. » Le rideau que vous mettez sur la vérité, pour ne pas la voir. « De règle. » Pour déterminer quand il faut croire, quand nier, quand douter.

« Pour juger des hommes. » Pour juger s'ils font bien aussi ce qu'ils ont à faire, qui est de croire , nier et douter.

? « Au cheval. » Voir 1, 10. Nier, croire e: douter bien, c'est la logique tout entière. La logique est donc l'art essentiel de l'homme, suivant Pascal, parce que Pascal est avant tout un raisonneur , un esprit. Pascal a écrit en marge de ce fragment : « Punition de ceux qui pèchent; erreur, v Le paragraphe 48 explique cette ligne. — Il est clair que Pascal en veut à ceux qui tåchaient d'accabler le jansénisme par l'autorité et par le nombre, et qui ne trouvaient d'autre réponse aux objections que de dire : 11 n'est pas question de juger, mais de s'en rapporter à ceux qui ont jugé.

« Notre religion. » 461. 9 « Ceux qui en sont. » Voir le paragraphe 12 de cet article. 10 « Sit crux. » Voir le paragraphe 42 de l'article xxiv.

11 « Ni en signes. » 1 Cor., 1, 22 : « Les Juifs demandent des signes (des mi» racles ), et les Grecs de la sagesse. Nous, nous prêchons le Christ crucifié, scan» dale pour les Juifs, folie pour les Gentils. » Cependant le texte ajoute : « Mais v pour les élus d'entre les Juifs et les Grecs, le Christ est la vertu même de Dieu » (cette vertu divine dont les signes ne sont que la manifestation ), et la sagesse de » Dieu. » L'expression d'élre venu en sagesse est prise du verset premier du cha pitre suivant : Veni , non in sublimitate sermonis aut sapientiæ. Dans la seconde

vertir. Mais ceux qui ne viennent que pour convaincre peuvent dire qu'ils viennent en sagesse et signes 2.

51.

La loi obligeait à ce qu'elle ne donnait pas. La grâce donne ce à quoi elle oblige.

52.

Ce que les hommes, par leurs plus grandes lumières, avaient pu connaitre, cette religion l'enseignait à ses enfants.

53.

Que je hais ces sottises, de ne pas croire l'Eucharistie, etc...!

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épitre aux Corinthiens, XII, 12, Paul dit au contraire : « Les marques de mon » apostolat ont paru parmi vous, en patience à tout souffrir, en signes, en prodiges » et en vertus surnaturelles. »

« Pour convaincre. » Comme Pascal lui-même, et en général les apologistes de la religion. C'est-à-dire que l'apòtre, qui veut convertir, ne peut compter que sur la grâce, et non sur les miracles ni sur les raisons; mais le chrétien n'en a pas moins des raisons et des miracles à faire valoir, quand il ne s'agit que de confondre les incrédules.

? « Et signes. » Pascal, je crois, n'en veut ici qu'aux impies; mais à la page 237 du manuscrit, immédiatement avant le premier fragment du paragraphe xxii, 6, il a transcrit en latin ce que nous avons traduit plus haut : Judæi signa petunt et Græci sapientiam quærunt. Nos autem Jesum crucifixum. Puis sur ces derniers mots : « Nous, nous préchons Jésus crucifié, » il ajoute pour son propre compte, en latin : Sed plenum signis , sed plenum sapientia. Vos autem Christum non crucifixum , et religionem sine miraculis et sine sapientia. C'est-à-dire : « Mais Jésus » rempli de signes et de sagesse. Vous au contraire vous prêchez un Christ non » crucifié, et une religion sans miracles et sans sagesse. » On voit bien qu'en cet endroit il s'adresse à ses adversaires accoutumés Les Jésuites avaient cité, sans doute, pour infirmer la valeur du miracle de la Sainte Epine, le texte de saint Paul; de là le commentaire de Pascal. Il leur reproche de précher un Christ non crucifié, d'abord parce que, en attaquant la grâce efficace , ils détruisent suivant Jui la vertu du sang de Jésus-Christ et de la rédemption ; et aussi parce qu'ils étaient accusés de dissimuler le mystère du crucifiement dans leurs missions de la Chine et des Indes, comme étant un scandale aux peuples de ces pays : voir la cinquième Provinciale. Il leur impute une religion sans sagesse , pour les raisons indiquées aux paragraphes 50 et 49.

3 « La loi obligeait. » 409. Ce fragment s'explique par le chapitre vii de l'épitre aux Romains , ou Paul oppose ainsi la loi du judaisme à la grâce de Jésus-Christ. Voir surtout le verset 7 : « La loi est-elle donc péché ? non certes, mais je n'ai o connu le péché que par la loi. La concupiscence me restait incounue , si la loi ne » m'eût dit : Tu n'auras pas de concupiscence. » Ainsi la loi, en créant l'obligation, créait le péché ; la grâce détruit le péché, en donnant la force de remplir l'obligation.

« Ce que les hommes. » 45. 5 « Que je hais. » 402. Nul, plus que ce grand logicien, ne devait dédaigner ceux qui croient à moitié, comme les protestants.

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Si l'Évangile est vrai , si Jésus-Christ est Dieu , quelle difficulté y a-t-il là?

54. Le juste agit' par foi dans les moindres choses : quand il reprend ses serviteurs, il souhaite leur conversion par l'esprit de Dieu, et prie Dieu de les corriger, et attend autant de Dieu que de ses répréhensions, et prie Dieu de bénir ses corrections. Et ainsi aux autres actions.

... De tout ce qui est? sur la terre, il ne prend part qu'aux déplaisirs , non aux plaisirs. Il aime ses proches, mais sa charité ne se renferme pas dans ces bornes, et se répand sur ses ennemis, et puis sur ceux de Dieu.

55. Pourquoi Dieu: a établi la prière. - 1° Pour communiquer à ses créatures la dignité de la causalité“. 2° Pour nous apprendre de qui nous tenons la vertu. 3° Pour nous faire mériter les autres vertus par travail. Objection. Mais on croira qu'on tient la prière de soi. - Cela est absurde, car puisque, ayant la foi, on ne peut pas avoir les vertus, comment aurait-on la foi'? Y a-t-il pas' plus de distance de l'infidélité à la foi que de la foi à la vertu?

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a Le juste agit. » 90.
a De tout ce qui est. v 419.

Pourquoi Dieu. » 124. Il est également vrai, d'après la doctrine janséniste, premièrement, que Dieu donne sa grâce à qui la demande; secondement , qu'il ne la donne qu'à qui il lui plait, qu'aux prédestinés à qui il a résolu de toute éternité de la donner. Donc nul ne peut la demander que les prédestinés, ou en d'autres termes, que ceux qui l'ont déjà. Mais alors pourquoi faut-il qu'ils la demandent, et à quoi bon la prière? Voilà la difficulté.

a De la causalité. » Car le juste se trouve ainsi étre cause, dans une certaine mesure,

du bien qu'il fait, puisque la grâce de le faire ne lui est donnée que par suite de sa prière. Dieu l'associe à la diguité de la causalité.

5 « Les autres vertus. » Les autres que la prière , car la prière est déjà une vertu, puisqu'elle est un acte de foi, d'espérance et d'amour. Par travail. Par le travail même de la prière. Pascal, à côté de ces premières lignes, a mis en marge, après coup : « Mais pour se conserver la prière, Dieu donne la prière à qui il lui plait. » Cela va être expliqué davantage dans le fragment qui suit : Dieu ne doil, etc.

6 « Avoir les vertus. » C'est ce que les Jésuites reconnaissaient. sa Aurait-on la foi ? » Et par conséquent comment prierait-on ?

8 « Y a-t-il pas. » Racine a dit encore, contraint par la gêne du vers, il est vrai :

Vois-je pas, au travers de son saisissement,
Un coeur dans ses douleurs content de son amant!

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Dieu ne doit' que suivant ses promesses. Il a promis d'accorder la justice aux prières ? : jamais il n'a promis les prières qu'aux enfants de la promesse'.

56. M. de Roannez disait : Les raisons me viennent après, mais d'abord la chose m'agrée ou me choque sans en savoir la raison, et cependant cela me choque par cette raison que je ne découvre qu'ensuite. Mais je crois, non pas que cela choquait par ces raisons qu'on trouve après, mais qu'on ne trouve ces raisons que parce que cela choque.

57. Il n'aime plus cette personne qu'il aimait il y a dix ans. Je crois bien : elle n'est plus la même, ni lui non plus. Il était jeune et elle aussi ; elle est tout autre. Il l'aimerait peut-être encore, telle qu'elle était alors.

:

58.

Craindre la mort hors du péril, et non dans le péril, car il faut être homme.

Mort soudaine seule à craindre, et c'est pourquoi les confesseurs demeurent chez les grands.

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I a Dieu ne doit. » Même page, un peu plus bas.
? « Aux prières. » « Demandez et vous recevrez. » Matth., VII, 7.

« De la promesse. » Aux élus. Expression de saint Paul, Rom., IX, 8. Dieu a promis d'adopter les fils d'Abraham, mais non pas ses fils selon la chair. Les vrais fils d'Abrabam, ce sont ceux qui suivent Jésus-Christ. C'est à ceux-là que s'appliquait la promesse faite à Abraham, ils sont les fils de la promesse , filii promissionis. Il y a opposition entre ces deux mots, la justice, la promesse. Dieu ne doit la justice qu'à ceux à qui il a donné, par pure faveur, de la mériter. Nous sommes au plus profond des obscurités de la grâce.

• M. de Roannez. » Tiré des recueils du P. Guerrier. Cette pensée est bien sceptique. Si on eût dit à Pascal : Vous êtes janseniste, parce que cette dure doctrine flatte votre humeur; vous croyez ensuite trouver des raisons à l'appui, vous vous trompez, vous ne trouvez ces raisons que parce que la passion a pris les devants, comment Pascal eût-il répondu ?

5 « Il n'aime plus. » 427. Il faut rapprocher cette pensée de celle du paragraphe v, 17.

« Craindre la mort. » 437. Il explique dans quel sens la religion veut qu'on craigne la mort. Il faut être homme, c'est-à-dire, homme de cæur.

« Mort sondaine, » Tiré des recueils du P. Guerrier. A combien de réflexions pourrait donner lieu cette note de Pascal !

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