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Tous errent d'autant plus dangereusement qu'ils suivent chacun une vérité. Leur faute n'est pas de suivre une fausseté", mais de ne pas suivre une autre vérité.

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La gråce sera toujours ? dans le monde (et aussi la nature), de sorte qu'elle est en quelque sorte naturelle. Et ainsi il y aura toujours des pélagiens, et toujours des catholiques', et toujours combat

Parce que la première naissance fait les uns, et la grâce de la seconde naissance fait les autres.

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Ce sera

une des confusions des damnés, de voir qu'ils seront condamnés par leur propre raison, par laquelle ils ont prétendu condamner la religion chrétienne.

13.

Il y a cela de commun entre la vie ordinaire des hommes et celle

6 des saints, qu'ils aspirent tous à la félicité; et ils ne diffèrent qu'en l'objet où ils la placent. Les uns et les autres appellent leurs ennemis ? ceux qui les empêchent d'y arriver.

Il faut juger de ce qui est bon ou mauvais & par la volonté de Dieu , qui ne peut être ni injuste, ni aveugle; et non pas par la nôtre propre, qui est toujours pleine de malice et d'erreur.

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» ont mieux fait profession des deux. » Je pense qu'il s'agit encore de la grâce. Les jésuites ont tort, en insistant sur le libre arbitre, de dissimuler la puissance de la grâce; les jansenistes ont tort, en relevant la gráce , de dissimuler le libre arbitre ; et Pascal pense que ses amis pechent plus encore ici que ces adversaires. — P. R. s'arrete ici.

1 « De suivre une fausseté. » C'est pourtant suivre le faux que de croire le contraire du vrai; croire par exemple que le pain de l’Eucharistie est vraiment pain, c'est être dans le faux suivant l'Eglise. Voilà peut-être pourquoi P. R. a retranché ces dernières lignes.

? « La gråce sera toujours, » 423. P. R., XXVII.

3 « Des catholiques. » Des catholiques sous l'inspiration de la grâce, des pélagiens sous celle de la nature.

• « Et toujours combat. » P. R. a supprimé du moins ces mots, en conservant un fragment qui est tout à l'honneur de la gráce.

5 « Ce sera. » 277. P. R., XXVIII.

6 « Il y a cela. » P. R., XXVIII. P. R. nc donne que le second alinéa. Ce fragment ne se trouve ni dans le manuscrit, ni dans les copies contemporaines.

« Leurs ennemis. » Voir xv, 7, pour l'explication de cette pensée.
« Bon ou mauvais. » Et par conséquent de ce qui est ami ou ennemi.

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14.

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Quand saint Pierre ? et les apôtres déiibèrent d'abolir la circoncision, où il s'agissait ? d'agir contre la loi de Dieu, ils ne consultent point les prophètes, mais siinplement la réception du Saint-Esprit en la personne des incirconcis 4. Ils jugent plus sûr que Dieu approuve ceux qu'il remplit de son Esprit, que non pas qu'il faille observer la loi; ils savaient que la fin de la loi n'était que le SaintEsprit; et qu'ainsi, puisqu'on l'avait bien sans circoncision, elle n'était pas nécessaire 6.

15. Deux lois suffisent pour régler toute la république chrétienne, mieux que toutes les lois politiques ?.

La religion est proportionnée à toutes sortes d'esprits. Les premiers s'arrêtent au seul établissement °; et cette religion est telle, que son seul établissement est suffisant pour en prouver la vérité. Les autres vont jusqu'aux apôtres. Les plus instruits vont jusqu'au

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« Quand saint Pierre. » 197. En titre: Point formaliste, c'est-à-dire sans doute qu'il ne faut point être formaliste. Cf. 40. P. R., XXVIII. Voir les Actes des Apôtres, xv. Ce premier concile du christianisme, après de grands débats, dispensa en effet de la circoncision les Gentils convertis au christianisme, tout en maintenant la prescription mosaïque de s'abstenir du sang des bètes et de la chair des animaux morts sans avoir été saignés (verset 29).

« Où il s'agissait. » C'est-à-dire, chose où il s'agissait.
« Contre la loi de Dieu. » Genèse, xvn, 40; Lévitique, xii, 3.

« Des incirconcis. » Pierre se levant leur dit : « Frères, vous savez qu'il y a o longtemps déjà que Dieu m'a choisi d'entre nous , pour que les Gentils enten» dissent de ma bouche la parole de l'Evangile, et qu'ils crussent. Et Dieu, qui » connait les cæurs, leur a rendu témoignage, leur donnant son Esprit saint aussi » bien qu'à nous Et il n'a point fait de différence entre eux et nous, purifiant leur » caur par la foi. » Ibid., 7-9.

« Pas nécessaire. » Où en voulait venir Pascal, en parlant ainsi pour l'esprit contre la lettre? Il est difficile de marquer précisément son intention, mais en général les sectaires persécutés aiment à se prévaloir de l'inspiration contre la loi. 6 a Deux lois suffisent. » 419. P. R., XXVIII.

« Politiques. » P. R. ajoute : l'amour de Dieu et celui du prochain. « Un » docteur de la loi , d'entre les Pharisiens, voulant tenter Jésus, lui demanda : » Maitre, quels sont les grands préceptes de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras » le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée. » Voilà le plus grand et le premier des préceptes. Le second, semblable au premier, » est celui-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Ces deux préceptes com» prennent toute la loi et les prophètes. » Matth., XXII, 35.

« La religion. » 447. P. R., XXVIII.

« Etablissement. • P. R. met, à l'état el à l'établissement où elle est. C'est bien le sens. Les premiers, c'est-à-dire les moins élevés.

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commencement du monde". Les anges la voient encore mieux, et de plus loin ?

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Dieu , pour se réserver : à lui seul le droit de nous instruire, et pour nous rendre la difficulté de notre être inintelligible, nous en a caché le næud - si baut, ou, pour mieux dire, si bas, que nous étions incapables d'y arriver : de sorte que ce n'est pas par les agitations de notre raison, mais par la simple soumission de la raison, que nous pouvons véritablement nous connaitre.

16.

Les impies ', qui font profession de suivre la raison, doivent etre étrangement forts en raison. Que disent-ils done? Ne voyons-nous pas, disent-ils, mourir et vivre les bêtes comme les hommes, et les Turcs comme les chrétiens 6 ? Ils ont leurs cérémonies, leurs prophètes, leurs docteurs, leurs saints, leurs religieux, comme nous, etc. - Cela est-il contraire à l'Écriture ? ne dit-elle pas tout cela ?? Si vous ne vous souciez guère de savoir la vérité, en voilà assez pour vous laisser en repos 8. Mais si vous désirez de tout votre caur de la connaitre, ce n'est pas assez; regardez au détail. C'en serait assez pour une question de philosophie; mais ici où il va de tout... Et cependant, après une réflexion légère de cette sorte, on s'amusera, etc. Qu'on s'informe de cette religion mème si elle ne

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« Du monde. » Cf. xi, 5, second fragment, et la seconde partie du Discours sur l'histoire unirerselle de Bossuet.

? « Et de plus loin. » Ils la voient dans la chute du mauvais ange, première cause de la chute de l'homme. L'histoire de la rébellion des anges coupables n'est pas dans les livres de l'Ancien Testament, mais elle est consa ree par la tradition chrétienne, et par les épitres canoniques qui portent les nom de Pierre et de Jude (Pierre, II, 11, 4; Jude, 6. Cf. Apoc., XII, 7).

« Dieu , pour se réserver, » M. Faugère n'a retrouvé ce fragment ni dans le manuscrit, ni dans la Copie contemporaine. P. R., XXVII.

« Le næud. » Sur cette expression, cf. le premier fragment du paragraphe 1 de l'article viii, à la fin, p. 422.

a Les impics. » 25. P. R., XXVIII.
« Comme les chrétiens. » Sur ceite antithèse, cf. vi, 19.— Ils ont. Les Turcs.

« Tout cela. » Que les bêtes vivent et meurent comme les hommes, Ecclés., UI, 48-22. Que le Christ sera méconnu, Jean, XVI, 9, etc.; qu'il y aura des faux prophètes, Malth., VII, 15, etc. ; que l'ivraie sera confondue avec le bon grain jusqu'au dernier jour, Malih., XIII, 30; etc.,

« En repos. » C'est-à-dire, Voilà, je l'avoue, contre la religion, une fin de nonrecevoir qui semble suflisante, qui vous permet de ne pas vous tourmenter à l'approfondir.

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etc.

rend pas raison de cette obscurité; peut-être qu'elle nous l'apprendra.

C'est une chose horrible 2 de sentir s'écouler tout ce qu'on possède :.

Il faut vivre 4 autrement dans le monde selon ces diverses suppositions : 1° Si l'on pouvait y être toujours; 2° s'il est sûr qu'on n'y sera pas longtemps, et incertain si on y sera une heure. Cette dernière supposition est la nôtre..

17. Par les partis ', vous devez vous mettre en peine de rechercher la vérité : car si vous mourez sans adorer le vrai principe, vous êtes. perdu. Mais, dites-vous , s'il avait voulu que je l'adorasse, il m'aurait laissé des signes de sa volonté. Aussi a-t-il fait; mais vous les négligez. Cherchez-les donc; cela le vaut bien.

Je trouve bon ? qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic : mais ceci...Il importe à toute la vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle.

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1 « Qu'elle nous l'apprendra. » En nous révélant que Dieu a voulu aveugler les réprouvés : voir l'article xx, et ci-après le paragraphe 46.

« C'est une chose horrible. » 229. En titre, Ecoulement. P. R., XXVIII. Voir 33. « Tout ce qu'on possède. »

Durum! sed levius fit patientia

Quidquid corrigere est nesas. (Nole de Voltaire.) Ces vers sont d'Horace, Od., I, 24 : « Dure condition ! mais la résignation allége ce » qu'il n'est pas permis de changer. »

i « Il faut vivre. » 63. En titre, Partis. Sur les partis, cf. x, 1, p. 149. Port Royal, xxvi.

« Est la nôtre. » Quelle façon neuve et saisissante de présenter une moralité banale!

« Par les partis. » 65. P. R., XXVII. Voir ci-dessus, note 4. 7 « Je trouve bou, » 27. P. R., XXVII. P. R. rattache ce fragment à celui qui forme le paragraphe 98.

« De Copernic. » On s'étonne que ce soit un Pascal qui parle de Copernic avec cette indifférence. On pourrait croire d'abord que ce n'est là qu'un mouvement de zèle religieux, et que s'il trouve cette question peu importante, c'est seulement par comparaison à celle du salut. Mais on ne peut plus en juger ainsi quand on voit qu'il semble admettre ailleurs positivement que c'est le ciel qui tourne autour de la terre (1,4, p. 2). L'opinion nouvelle avait deux torts ; elle choquait à la fois les âmes pieuses et les esprits sceptiques, également portés à tenir pour suspect tout effort de la raison. C'est douze ans après la mort de Pascal, que Malebranche écrivait, dans la Recherche de la vérité (IV, 12): « Il y a bien des gens qui croient, mais » d'une foi constante et opiniâtre, que la terre est immobile au centre du monde..., » et une infinité de semblables opinions fausses ou incertaines, parce qu'ils se sont » imaginé que ce serait aller contre la foi que de le nier. Ils sont effrayés par les ex

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18.

Les prophéties, les miracles mêmes et les preuves de notre re

» pressions de l'Ecriture sainte, qui parle pour se faire entendre, et qui par conséquent se sert des manières ordinaires de parler, sans dessein de nous instruire » de la physique... Ils ne voient pas que Josué, par exemple, parle devant ses > soldats comme Copernic même, Galilée et Descartes parleraient au commun des > hommes, et que quand même il aurait été dans le sentiment de ces derniers phi»losophes, il n'aurait point commandé à la terre qu'elle s'arrêtât, puisqu'il n'aurait point fait voir à son armée, par des paroles que l'on n'eût point entendues, le » miracle que Dieu faisait pour son peuple... Cependant les paroles de ce grand ca» pitaine, Arrête-toi, Soleil, auprès de Gabaon, et ce qui est dit ensuite, que le soleil s'arrêta selon son commandement, persuadent bien des gens que l'opinion >> du mouvement de la terre est une opinion non-seulement dangereuse, mais même >> absolument hérétique et insoutenable. Ils ont ouï dire que quelques personnes » de piété, pour lesquelles il est juste d'avoir beaucoup de respect et de déférence, >> condamnaient ce sentiment; ils savent confusément quelque chose de ce qui est arrivé « pour ce sujet à un savant astronome de notre siècle; et cela leur semble suffisant » pour croire opiniâtrément que la foi s'étend jusqu'à cette opinion. Un certain sen»timent confus, excité et entretenu par un mouvement de crainte, duquel même ils » ne s'aperçoivent presque pas, les font entrer en défiance contre ceux qui suivent » la raison dans ces choses, qui sont du ressort de la raison. Ils les regardent » comme des hérétiques; ce n'est qu'avec inquiétude et quelque peine d'esprit » qu'ils les écoutent; et leurs appréhensions secrètes font naître dans leurs esprits >> les mêmes respects et les mêmes soumissions pour ces opinions et pour beaucoup » d'autres de pure philosophie, que pour les vérités qui sont l'objet de la foi. » On sait en effet ce qui était arrivé à Galilée en 1633. Cette condamnation avait profondément découragé les esprits novateurs. Descartes répète plusieurs fois au P. Mersenne que cette disgrâce de la science le fait renoncer à publier sa Philosophie (22 juillet 4633, 40 janvier et 45 mars 4634). Il lui écrivait encore la même chose sept ans après (décembre 1640). Et on voit que Malebranche, si pleinement cartésien, n'ose cependant encore articuler formellement que l'opinion dont il prend la défense soit la vérité. D'un autre côté, les gens du monde, les indifférents, les douteurs, qui n'étaient ni assez savants pour suivre la démonstration du nouveau système, ni assez zélés pour s'engager dans des contestations et dans des querelles, traitaient légèrement ces nouveautés. Montaigne disait (Apol., p. 264): « Le ciel et les estoiles ont branslé trois mille ans, tout le monde l'avoit ainsi creu, iusques » à ce que... Nicetas Syracusien [lisez Hicetas. Cic. Acad., II, 39] s'advisa de » maintenir que c'estoit la terre qui se mouvoit... ; et de nostre temps Copernicus » a si bien fondé cette doctrine... etc. Que prendrons-nous de là, sinon qu'il ne » nous doibt chaloir lequel ce soit des deux? et qui sçait qu'une tierce opinion, d'icy » à mille ans, ne renverse les deux precedentes?» Le chevalier de Méré, dans sa lettre à Pascal, disait aussi : « Nous ignorons plusieurs choses dont nous ne devons parler que douteusement, comme nous en connaissons beaucoup d'autres que ▷ nous pouvons décider... Doutons si la lune cause le flux et le reflux de l'Océan, » si c'est le ciel ou la terre qui tourne, et si les plantes qu'on nomme sensitives ont » du sentiment. Mais assurons que la neige nons éblouit, que le soleil nous éclaire >> et nous échauffe, et que l'esprit et l'honnêteté sont au-dessus de tout. » Il n'est peut-être pas sans intérêt d'ajouter que plus de cent ans après Galilée, un autre sceptique, le grand Frédéric, au moment même où Voltaire, en publiant sa Philosophie de Newton, assurait le triomphe des idées nouvelles, osait lui écrire encore : «Les Malabares ont calculé les révolutions des globes célestes sur le principe que » le soleil tournait autour d'une haute montagne de leur pays, et ils ont calculé » juste. Après cela qu'on nous vante les prodigieux efforts de la raison humaine, et « Les prophéties. » 113. Manque dans P. R.

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