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- PENSÉES. de la religion n'y seront pas inutiles pour les autres. Nous en ferons le premier argument, qu'il y a quelque chose de surnaturel"; car un aveuglement de cette sorte n'est pas une chose naturelle ? ; et si leur folie les rend si contraires à leur propre bien, elle servira à en garantir les autres par l'horreur d'un exemple si déplorable et d'une folie si digne de compassion.

9.

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Le seul qui connait : la nature ne la connaitra-t-il que pour être misérable? le seul qui la connait sera-t-il le seul malheureux ?

... Il ne faut pas qu'il ne voie rien du tout ; il ne faut pas aussi qu'il en voie assez pour croire qu'il le possède ; mais qu'il en voie assez pour connaitre qu'il l'a perdu ? : car, pour connaitre qu'on a

7 perdu , il faut voir et ne voir pas; et c'est précisément l'état où est la nature S.

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Il faudrait' que la vraie religion enseignât la grandeur, la misère, portàt à l'estime et au mépris de soi , à l'amour et à la haine. I

10.

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La religion 1° est une chose si grande, qu'il est juste que ceux qui ne voudraient pas prendre la peine de la chercher si elle est obscure, en soient privés. De quoi se plaint-on donc, si elle est telle qu'on la puisse trouver en la cherchant ?

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1 « De surnaturel. » Le premier argument pour réfuter les impies, c'est de leur prouver qu'il y a quelque chose de surnaturel. Ensuite on leur prouvera que ce quelque chose, c'est Jésus-Christ et sa religion.

« N'est pas une chose naturelle. » Voir l'article ix.

« Le seul qui connait. » Dans la Copie. Manque dans P. R. Cet être qui seul connait la nature, c'est l'homme.

« Le seul malheureux. » Car les animaux ne le sont pas, selon Pascal. Cf. 1, 4.

« Qu'il ne voie rien du tout. » Voici le raisonnement complet : Puisque l'homme a l'idée et l'instinct du bonheur, du bien absolu, il ne faut pas qu'en regardant il ne voie rien qui réponde à cette idée qu'il a en lui. Il ne faut pas qu'il soit réduit à ne croire qu'au mal et à entrer en désespoir.

6 « Qu'il le possède. » Le bien. C'est ce qui arriverait s'il voyait clairement Dieu, si la religion était évidente. Car Dieu, c'est le bien , et qui tient Dieu est en possession du bien. Or cette possession ne peut être donnée à l'homme dans le péché.

« Qu'il l'a perdu. » Par le péché originel, et par ceux qui en sont la suite. « Où est la nature. » Cf. tout l'article xx.

« Il faudrait. » Dans la Copie. Manque dans P. R. 10 « La religion.

o Tiré du Recueil du P. Guerrier. Manque dans P. R.

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L'orgueil contre-pèse et emporte toutes les misères. Voilà un étrange monstre, et un égarement bien visible. Le voilà tombé 2 de sa place, il la cherche avec inquiétude. C'est ce que tous les hommes font. Voyons qui l'aura trouvée.

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Après la corruption, dire : Il est juste que ceux qui sont en cet état le connaissent; et ceux qui s'y plaisent, et ceux qui s'y déplaisent. Mais il n'est pas juste que tous voient la rédemption“.

Quand on dit 5 que Jésus-CHRIST n'est pas mort pour tous, vous abusez d'un vice des hommes qui s'appliquent incontinent cette exception, ce qui est favoriser le désespoir; au lieu de les en détourner pour favoriser l'espérance. Car on s'accoutume ainsi aux vertus intérieures par ces habitudes extérieures o.

11.

La dignité de l'homme 'consistait, dans son innocence, à user et dominer sur les créatures, mais aujourd'hui à s'en séparer et s'y assujettir

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« L'orgueil contre-pèse. » Dans la copie. Manque dans P. R. Cf. 11, 2.

« Le voilà tombé. » Ce monstre étrange, lequel n'est autre chose que l'homme. 3 a Après la corruption. » 442. En titre, Ordre. Manque dans P. R. Pascal se trace ici un ordre pour développer ses idées. Après avoir montré la corruption de l'homme, il dira, etc.

« Que tous voient la rédemption. » Voir le premier fragment de ce paragraphe. Ceux-là seuls méritent de connaitre la rédemption, qui se déplaisent dans la corruption.

s « Quand on dit. » Dans la Copie. Manque dans P. R.

6 « Extérieures. » Ce fragment est obscur. On accusait les jansénistes de croire que Jésus-Christ n'était pas mort pour tous, mais seulement pour ceux qu'il avait prédestinés à être sauvés par sa mort. C'était une des cinq propositions condamnées par le pape comme étant dans Jansenius, et que les partisans de Jansenius désavouaient en son nom. Il est clair cependant que la doctrine janséniste allait là, et les plus ardents, les moins politiques ne devaient pas reculer. Il semble que c'est à ces esprits extrêmes que s'adresse ici Pascal, et qu'avec les ménagements qu'on doit à des amis, il ne leur reproche pas tant de croire une chose fausse que de dire une chose dangereuse. Quand vous parlez ainsi , dit-il, vous favorisez le désespoir des hommes, tandis qu'en parlant autrement vous favoriseriez l'espérance. Or l'espérance est une des trois vertus theologales, et on s'accoutume peu à peu à cette vertu intérieure par l'habitude extérieure de professer de bouche que Jésus-Christ est mort pour tous.

i « La dignité de l'homme. » 225. P. R., XXVIII.

8 « Et s'y assujettir. » Ces mots sont opposés deux à deux. L'homme avant la chute usail noblement des créatures en tirant d'elles toutes les jouissances ; aujour

12.

L'Église a toujours à été combattue par des erreurs contraires, mais peut-être jamais en même temps, conime à présent ?. Et si elle en souffre plus, à cause de la multiplicité d'erreurs, elle en reçoit cet avantage qu'elles se détruisent.

Elle se plaint des deux, mais bien plus des calvinistes, à cause du schisme.

Il est certain que plusieurs des deux contraires sont trompés, il faut les désabuser.

La foi embrasse plusieurs vérités qui semblent se contredire Temps de rire, de pleurer 5, etc. Responde. Ne respondeas, etc.

La source en est l'union des deux natures en JÉSUS-CHRIST?.
Et aussi les deux mondes 8. La création d'un nouveau ciel et

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sens

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d'hui sa noblesse est de s'en séparer, c'est-à-dire de s'abstenir des plaisirs des

L'homme avant la chute dominait les créatures en ce qu'elles ne pouvaient lui causer aucun mal, aujourd'hui sa dignité est de s'assujellir à la douleur et de savoir souffrir. Pascal parle en stvicien aussi bien qu'en chrétien : Abstine et sustine. Cl. XII, 1, p. 174, à la fin.

a L'Eglise a toujours. » 276. La première partie de ce fragment est restée inédite jusqu'à notre temps.

« Comme à présent. » Ces erreurs contraires qui amigent l'Église en même temps sont d'une part le calvinisme, et de l'autre le pélagianisme, que Pascal impule aux jésuites. Les calvini-les exagèrent la grace jusqu'à nier tout libre arbitre et tout mérite des autres de l'homme; les jésuites, suivant Pascal, pour relever le libre arbitre, sacrifient la grâce, dont les jansénistes sont les défenseurs. Il est généreux encore au champion de Port Royal de reconnaitre que ce qu'il appelle l'Eglise se plaint plus des calvinistes que des jésuites.

3. Sant trompés. » C'est-à-dire, il y a des calvinistes sincères qui nient de bonne foi le libre arbitre et le mérite , parce qu'ils voient la toute-puissance de la grâce clairement établie dans l'Ecriture; et de même il y a des péləgiens de bonne foi.

« Se contredire. » Les jésuites pouvaient se défendre par le même principe , car ils ne niaient pas la grace, ils avaient seulement leur manière de la comprendre et de l'accorder avec la liberté.

« De pleurer. » Ecclés., III, 1-8 : « Toutes choses ont leur temps, et tout passe » sous le ciel à son heure. Il y a temps de naitre , et temps de mourir; temps de » planter, et temps d arracher ce qui est planté ; temps de tuer, el temps de guérir; » temps d'abattre, et temps de bàir; temps de pleurer, el temps de rire; temps de » faire de- lamentations, t temps de danser; temps de jeter les pierres, et temps v de les ramasser ; lemps d'embrasser, et temps de s'éloigner des embrassements; » temps d'acquérir, et temps de perdre; temps de conserver, et temps de rejeter ; » lemps de dechirer, et temps de recoudre; temps de se taire, et temps de parler; » temps pour l'affection, et temps pour la haine ; temps pour la guerre, et temps » pour la paix. »

« Ne respondeas. » Pror., xxvi, 4-5 : « Ne réponds pas au fou comme le méwrite sa folie, de peur de devenir semblable à lui. Réponds au lou comme le mérite » sa folie, de peur qu'il ne s'imagine ètre sage. »

« En Jésus-Christ. » C'est ce qui va être expliqué plus loin.
a Les deux mondes. » Le monde de la nature, et le monde de la grâce.

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nouvelle terre; nouvelle vie, nouvelle mort"; toutes choses doublement, et les mêmes noms demeurant.

Et enfin les deux hommes qui sont dans les justes ?, car ils sont les deux mondes, et un membre et image de Jésus-Christ'. Et ainsi tous les noms leur conviennent, de justes, pécheurs; mort, vivant; vivant, mort"; élu, réprouvé', etc.

Il y a donc un grand nombre de vérités, et de foi, et de morale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable.

La source de toutes les hérésies est l'exclusion de quelquesunes de ces vérités; et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l'ignorance de quelques-unes de ces vérités.

Et d'ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées, et croyant que l'aveu de l'une enferme l'exclusion de l'autre, ils s'attachent à l'une, ils excluent l'autre, et pensent que nous, au contraire'. Or l'exclusion est la cause de leur hérésie; et l'ignorance que nous tenons l'autre cause leurs objections.

1er exemple : Jésus-Christ est Dieu et homme. Les ariens.', ne

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« Nouvelle mort, » Dans le monde de la nature, la vie et la mort sont ce qu'on appelle ainsi d'ordinaire. Dans le monde de la gráce, la vie est l'état de grâce, la mort est l'état de péché. ? « Dans les justes. » Tout le monde sait les vers de Racine :

Je trouve deux hommes en moi, etc. D'après saint Paul, Rom., vii, 15-25.

3 « Et image de Jésus-Christ » Il y a donc en chaque juste une espèce d'incarnation, un Dieu dans un homme.

« « Mort, vivant; vivant, mort. » Il ne faut pas croire que ce soit deux fois la même chose. D'une part le juste est mort au monde, détache des choses de la vie, mais vivant de la grâce. De l'autre il est vivant de la vie extérieure, mais il est mort spirituellement par le péché originel qu'il porte en lui.

5 « Elu, réprouvé. » Elu comme juste, réprouvé comme homme; réprouvé en vertu du péché originel, mais élu en vertu de la grâce.

o « Il y a donc. » P. R., XXVII. P. R. commence seulement ici, parce que ce qui précède aurait réveillé les débats sur la grâce.

i « L'ignorance de quelques-unes. » Il faut entendre , d'après ce qui va suivre, l'ignorance où ils sont que certaines vérités (celles qu'ils reconnaissent) sont reconnues par nous.*

: « Et pensent que nous, au contraire. » P. R. supprime ces mots et la phrase suivante ; il semble que c'est faute d'avoir compris les expressions expliquées dans la note précédente.

9 « Les ariens. » P. R. substitue à l'exemple des ariens l'exemple de deux hérésies oposées l'une à l'autre, celle des nestoriens et des eutychéens (cf. xvii, 4, troisième fragment). C'est sans doute parce que les ariens ne disaient pas précisément que Jésus-Christ ne fût qu'un homme, quoiqu'on pût pousser leur doctrine à celte conséquence.

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pouvant allier ces choses, qu'ils croient incompatibles, disent qu'il est homme; en cela ils sont catholiques. Mais ils nient qu'il soit Dieu : en cela ils sont hérétiques. Ils prétendent que nous nions son humanité; en cela ils sont ignorants.

2° exemple, sur le sujet du Saint-Sacrement : Nous croyons que la substance du pain étant changée, et consubstantiellement en celle du corps de notre Seigneur, Jésus-Christ y est présent réellement. Voilà une vérité. Une autre est que ce sacrement est aussi une des figures de la croix ? et de la gloire , et une commémoration des deux. Voilà la foi catholique, qui comprend ces deux vérités qui semblent opposées.

L'hérésie d'aujourd'hui“, ne concevant pas que ce sacrement contient tout ensemble et la présence de Jésus-Christ, et sa figure, et qu'il soit sacrifice et commémoration de sacrifice, croit qu'on ne peut admettre l'une de ces vérités sans exclure l'autre par cette raison 5.

Ils s'attachent à ce point seul, que ce sacrement est figuratif; et en cela ils ne sont pas hérétiques. Ils pensent que nous excluons cette vérité; et de là vient qu'ils nous font tant d'objections sur les passages des Pères qui le disento. Enfin ils nient la présence; et en cela ils sont hérétiques.

3e exemple : les indulgences ?.

C'est pourquoi le plus court moyen pour empêcher les hérésies est d'instruire de toutes les vérités; et le plus sûr moyen de les réfuter est de les déclarer toutes . Car que diront les hérétiques ?

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1 « Et consubstantiellement. » P. R. supprime ces mots , qui en effet ne s'expliquent pas bien ainsi placés.

a De la croix. » D'après les paroles sacrées : « Ceci est mon corps , qui est sa» crifié pour vous : faites cela en mémoire de moi, » etc. Luc, XXII, 49, et ailleurs.

a Et de la gloire. » Cf. xvi, 14, et la note.
* « L'hérésie d'aujourd'hui. » Celle des calvinistes.

« Par cette raison. » Par le fait même.
a Qui le disent. » Que l'Eucharistie est figure.

« 3o exemple : les indulgences. » Supprimé dans P. R. Pascal voulait dire, je pense : Les protestants ont raison de croire que les indulgences ne peuvent sauver du péché, et remettre l'homme dans l'état de grâce d'où il est sorti; mais ils ont tort de nier que les indulgences remettent à celui qui est sorti du péché les peines qu'il a encore à subir après le péché remis.

8 « De les déclarer toutes. » Un autre fragment (p. 225) doit servir à expliquer ce que Pascal veut dire : « S'il y a jamais un temps auquel on doive faire profession » des deux contraires, c'est quand on reproche qu'on en omet un. Donc les jésuites v et les jansenistes ont tort en les celant, mais les jansenistes plus, car les jésuites

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