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debui? « Accusez-moi", » dit Dieu dans Isaïe. « Dieu doit accomplir å ses promesses, » etc.

Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu'il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne les point induire en erreur. Or, ils seraient induits en erreur, si les faiseurs [de] miracles annonçaient une doctrine qui ne parùt pas visiblement fausse aux lumières du sens commun, et si un plus grand faiseur de miraclesá n'avait déjà averti de ne les pas croire. Ainsi, s'il y avait division dans l'Église, et que les ariens, par exemple, qui se disaient fondés en l'Écriture comme les catholiques, eussent fait des miracles, et non les catholiques, on eût été induit en erreur. Car, comme un homme qui nous annonce les secrets de Dieu n'est pas digne d'être cru sur son autorité privée; et que c'est pour cela que les impies en doutents : aussi un homme qui, pour marque de la communication qu'il a avec Dieu , ressuscite les morts, prédit l'avenir, transporte les mers', guérit les maladies, il n'y a point d'impie qui ne s'y rende, et l'incrédulité' de Pharao et des Pharisiens est l'effet d'un endurcissement surnaturel. Quand donc on voit les miracles et la doctrine non suspecte tout ensemble d'un côté, il n'y a pas de difficulté. Mais quand on voit les miracles et [la] doctrine suspecte d'un même côté, alors il faut voir quel est le plus clair'. J.-C. était suspect'o.

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« Quid debui? » Isaie, v, 4 : Quid est quod debui ultra facere vineæ meæ, et non feci ei? Qu'ai-je donc dù faire à ma vigne, que je n'aie pas fait? » Cette citation est précédée dans le manuscrit de quelques mots illisibles.

a Accusez-moi. » Isaïe, 1, 48 : El arguile me, dicit Dominus.
« Dieu doit accomplir. » Pascal résume le sens des textes de la Bible.

« Un plus grand faiseur de miracles. » Il y a des degrés dans les miracles. Ainsi les magiciens de Pharaon font des miracles, mais Moise en fait de plus grands (Erode, VII).

« Que les impies en doutent. » C'est-à-dire doutent qu'il parle véritablement au nom de Dieu.

6 « Transporte les mers. » P. R., les montagnes , d'après une faute de la Copie. Pascal fait allusion au passage de la mer Rouge (Exode, XIV, 24 ), et mêle ici les miracles de Jésus-Christ et de Moïse, comme il va mėler Pharaon et les Pharisiens. Ni Jésus-Christ ni Moise n'ont transporté les montagnes; Jésus-Christ dit seulement qu'il suffit d'avoir la foi pour les transporter ( Malth., xxi, 21).

9 « Et l'incrédulité. » Tout ce qui suit manque dans P. R.

* « De Pharao. » On sait maintenant que Pharaon n'est pas un nom propre, mais le titre commun des rois égyptiens de cette dynastie.

« Quel est le plus clair. » C'est le miracle, selon Pascal, si la doctrine ne va pas directement contre Dieu ou Jésus-Christ (voir paragr. 1).

« Jésus-Christ était suspect. » Port Royal est donc comme Jésus-Christ!

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Il y a bien de la différence entre tenter, et induire en erreur. Dieu tente, mais il n'induit pas en erreur. Tenter, est procurer les occasions, qui n'imposant points de nécessité, si on n'aime pas Dieu, on fera une certaine chose . Induire en erreur “, est mettre l'homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté.

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Il est impossible 5, par le devoir de Dicu", qu'un homme cachant sa mauvaise doctrine, et n'en faisant paraitre qu'une bonne, et se disant conforme à Dieu et à l'Église”, fasse des miracles pour couler insensiblement une doctrine fausse et subtile : cela ne se peut. Et encore moins que Dieu, qui connait les cœurs, fasse des miracles en faveur d'un tel 8.

4. Il y a bien de la différence entre n'étre pas pour Jésus-Christ, et le dire 10; ou n'être pas pour Jésus-Christ, et feindre d'en être 11. Les uns peuvent faire des miracles, non les autres; car il est clair des uns qu'ils sont contre la vérité, non des autres; et ainsi les miracles sont plus clairs 12.

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P. R.,

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Tall y a bien de la différence. » 465. P, R., ibid.

« Qui n'imposant point. v P. R. a refait cette phrase mal construite. 3 « On fera une certaine chose. » Par exemple on ne se promettra du Messie que des biens temporels : cf. xv, 7. Ou bien on croira avec facilité celui qui appelle à l'idolâtrie et au péché par de faux miracles. 4 « Induire en erreur. » Pascal avait besoin de marquer cette différence,

lui qui répète tant de fois que Dieu aveugle, que son dessein est d'aveugler (art. xx). Il atténue maintenant sa pensée, et dit seulement que Dieu tente.

« Il est impossible. » 473, même page que le 3e fragment de ce paragraphe.

ibid.

a Par le devoir de Dieu. » Voir, pour le sens de ces mots, le troisième fragment de ce paragraphe.

« A Dieu et à l'Eglise. » C'est une espèce de définition du jansénisme et de Port Royal.

« D'un tel. » Latinisme, c'est-à-dire d'un tel homme.
« Il y a bien de la différence. » 461, P. R., XXVII.
a Et le dire. » Comme les hérétiques déclarés.
« Et feindre d'en être. » Ce qui est ce qu'on impute aux jansenistes.

a Sont plus clairs. » Expliquons ces phrases elliptiques. Ceux qui disent bautement qu'ils ne sont pas pour Jésus-Christ, Dieu peut les laisser faire des miracles; car ils ne séduiront pas pour cela les vrais fidèles, l'impiété de leur doctrine étant plus claire pour détourner d'eux un chrétien que l'autorité de leurs miracles pour le gagner. Mais ceux dont la doctrine, quoique mauvaise au fond , est équivoque , s'ils faisaient des miracles, tromperaient les fidèles, car l'autorité de leurs miracles serait chose plus claire que la perversité de leurs doctrines. Dieu ne permettra donc pas qu'ils en fassent. Si donc il s'en fait chez les jansénistes, c'est qu'on a tort de les tenir pour suspects, et qu'ils sont vraiment pour Jésus-Christ.

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Les miracles discernent aux choses douteuses 2: entre les peuples juif et païen3; juif et chrétien *; catholique, hérétique; calomniés, calomniateurs ; entre les deux croix. Mais aux hérétiques' les miracles seraient inutiles', car l'Église, autorisée par les miracles qui ont préoccupé la créance', nous dit qu'ils n'ont pas la vraie foi. Il n'y a pas de doute qu'ils n'y sont pas1, puisque les premiers miracles de l'Église excluent la foi des leurs. Il y a ainsi miracle contre miracle, et premiers et plus grands du côté de l'Église.

Abel, Caïn 14. Moïse, magiciens 12. Élie, faux prophètes 13. Jérémie, Ananias". Michée, faux prophètes. JÉSUS-CHRIST, Pharisien15.

« Les miracles discernent. » 463. P. R., ibid.

2 « Aux choses douteuses. » Dans les choses douteuses, locution du temps.

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<< Juif et païen. » Avant le Christ. Alors les miracles sont du côté des Juifs.

« Juif et chrétien. » Après le Christ. Alors les miracles sont du côté des chrétiens.

5 « Calomniés, calomniateurs. » Entre Port Royal et les jésuites.

6 « Entre les deux croix. » C'est-à-dire entre la croix où mourait le Sauveur, et celle où un voleur était attaché à côté de lui. P. R. met les trois croix, parce qu'il y avait deux voleurs. Mais il n'y avait à discerner qu'entre Jésus-Christ d'une part, et ces criminels de l'autre. Ce qui a discerné, c'est le miracle qui a accompagné le dernier soupir de Jésus-Christ. Matth. XXVII, 54.

7 << Mais aux hérétiques. » Retranché dans P. R. Rétabli depuis.

8 « Seraient inutiles. » Il semble qu'il y a là une contradiction; car il vient de dire que les miracles discernent entre les catholiques et les hérétiques. Voici comment cela doit s'entendre. Au temps des anciennes hérésies, quand l'autorité de l'Eglise catholique n'était pas suffisamment établie encore, elle l'a été par les miracles; ils ont rendu incontestable ce qui était douteux. Maintenant il n'y a plus de doute, c'est l'Eglise qu'on doit croire, et rien, de la part des hérétiques déclarés, pas même les miracles, ne saurait prévaloir contre elle.

9 « Qui ont préoccupé la créance. P. R. a-t-il craint de proposer aux mondains cette espèce de jurisprudence, qui semble accorder la foi, en fait de miracles, au premier occupant?

10 « Qu'ils n'y sont pas. » Dans la vraie foi.

11 « Abel, Caïn. » 455. En titre, Contestation. P. R., ibid. C'est le développement de la première phrase du fragment qui précède. C'est-à-dire, les miracles ont discerné entre Abel et Caïn, entre Moïse et les magiciens, etc. Le miracle qui discerne entre Abel et Caïn, c'est Dieu qui parle, et qui déclare lui-même sa préférence. Genèse, IV, 4-7.

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• Moïse, magiciens. » Les magiciens de Pharaon, Exode, VII.
Elie, faux prophètes. » 11. Rois, xvIII, 38,

Des prophètes menteurs la troupe con'ondue
Et la flamme du ciel ur l'autel descendue.

14 « Jérémie, Ananias. » Jérém., xxvIII, 46–47. Le miracle ne consiste ici que dans le fait de la prophétie qui s'accomplit; c'est pour cela peut-être que P. R. retranche cet exemple. De même pour celui de Michée (111 Rois, XXII, 43–35).

15 « Jésus-Christ, Pharisien. » C'est-à-dire Jésus-Christ et le Pharisien, et non

Saint Paul, Barjésu”. Apôtres, exorcistes ?. Les chrétiens et les infidèles. Les catholiques, les hérétiques. Élie, Énoch, Antechrist. Toujours le vrai prévaut en miracles. Les deux croix“.

Jamais en la contention 5 du vrai Dieu, de la vérité de la religion, il n'est arrivé miracle du côté de l'erreur, et non de la vérité 6.

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Jean, vii, 40. Contestation entre les juifs, comme entre les chrétiens aujourd'hui. Les uns croyaient en Jésus - CHRIST, les autres ne le croyaient pas, à cause des prophéties qui disaient qu'il

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les Pharisiens, comme a mis P. R. Il s'agit de ce Pharisien chez qui soupait Jésus, et qui le voyant accepter les hommages de la femme pécheresse, dit en lui-méme : Si cet homme était un prophète, il saurait que la femme qui le touche est une femme de mauvaise vie. Le miracle est que Jésus répond à sa pensée non exprimée et sans qu'on lui ait dit qui est cette femme (Luc, vui, 39).

« Saint Paul, Barjésu. » Paul le frappe de cécité. Act. des Ap., XIII, 14.

« Apôtres, exorcistes. » Act. des Ap., xix, 13-16 : « Quelques exorcistes juifs qui parcouraient le pays essayèrent d'invoquer sur ceux qui étaient possédés des » esprits malins le nom du Seigneur Jésus, en disant : Je vous adjure par Jésus que

Paul annonce... Mais l'esprit mauvais leur répondit : Je connais Jésus, et je con» nais Paul; mais vous, qui étes-vous ? Et un homme qui avait en lui un des plus v méchants démons se jetant sur eux... les maltraita si fort, qu'ils s'enfuirent hors » de la maison nus et blessés. »

s « Elie Enoch, Antechrist. » Pascal nous transporte à la fin du monde. P. R. met : « Et c'est ce qui se verra aussi dans le combat d'Elie et d'Enoch contre l'An» techrist...» Il est parlé dans l'Apocalypse (xi) de deux témoins du Seigneur, qui prophétiseront a la fin des temps durant 1260 jours : Et dabo duobus lestibus meis, et propherabunt diebus mille ducentis seraginla amicli saccis. « Quand ils auront » achevé leur témoignage, la bête qui s'élève de l'abime leur fera la guerre, les » vaincra et les tuera. Et leurs corps seront étendus dans les places de la grande >> ville...; et les tribus, les peuples, les langues et les nations verront leurs corps » étendus trois jours et demi; mais après trois jours et demi, l'esprit de vie entra » en eux de la part de Dieu. Ils se relevèrent sur leurs pieds..., et ils montèrent » au ciel dans une nuée à la vue de leurs ennemis. A cette même heure il se fit un » grand tremblement de terre, la dixième partie de la ville tomba, et sept mille » bommes périrent...; le reste fut saisi de crainte, et donna gloire à Dieu » (traduction de Bossuet). La tradition générale des Pères est que celle hète est l'Antechrist, et que ces deux témoins sont Élie et Enoch : voir la préface do Rossuet, paragraphe 14. Ce n'est pas le lieu de développer la légende merveilleuse de ces deux saints personnages, moins fondée sur l'Ecriture que sur la tradition, et sur le liore d'Enoch, cité dans l'épitre qui porte le nom de S. Jude (verset 44), mais qui n'a pas été reçu parmi les livres saints ou canoniques, quoique cette épitre elle-même y soit admise.

* « Les deux croix. » Voir les notes sur le fragment qui précède.

5 « Jamais en la contention. w 119. P. R., ibid. La conlention, c'est-à-dire la contestation, le débat.

6 « Et non de la vérité. » C'est-à-dire, comme a mis P. R., qu'il n'en soit aussi arrivé de plus grands du côté de la vérité.

i « Contestation. » 425. P. R., ibid. P. R. retranche la première phrase, comme rappelant les querelles du jansenisme. Cette contestation enlre les chréliens d'aujourd'hui, c'est celle que souleva le miracle de la Sainte Epine.

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devait naître de Béthléem. " Ils devaient mieux prendre garde s'il n'en était pas. Car ces miracles étant convaincants, ils devaient bien s'assurer de ces prétendues contradictions de sa doctrine à l'Écriture ? ; et cette obscurité ne les excusait pas, mais les aveuglait. Ainsi ceux qui refusent: de croire les miracles d'aujourd'hui, par une prétendue contradiction chimérique, ne sont pas excusés.

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Jésus-Christ guérit l'aveugle-né 5, et fit quantité de miracles, au jour du sabbat. Par où il aveuglait les pharisiens, qui disaient qu'il fallait juger des miracles par la doctrine.

a Nous avons Moise ? : mais celui-là, nous ne savons d’où il » est. » C'est ce qui est admirable 8, que vous ne savez d'où il est , et cependant il fait de tels miracles.

JÉSUS-Curist ne parlait ni contre Dieu, ni contre Moïse'. L'Antechrist et les faux prophètes, prédits par l'un et l'autre testament, parleront ouvertement contre Dieu et contre Jésus-Christ 10. Qui serait ennemi couvert ", Dieu ne permettrait pas qu'il fit des miracles ouvertement.

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S'il y a un Dieu ??, il fallait que la foi de Dieu sùt sur la terre.

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«Qu'il devait naitre de Béthléem, v Voir le passage de Jean cité par Pascal : Numquid Scriptura dicit quia ex semine David et de Bethleem castello venil Christus ? Cf. Pascal lui-même, xx, 10.

De sa doctrine à l'Ecriture. » C'est-à-dire entre sa doctrine, qui témoignait qu'il était le Messie, et l'Ecriture, qui paraissait témoigner le contraire.

3 « Ainsi ceux qui refusent. » P. R. retranche cette fin pour la même raison que la première phrase. Ces miracles d'aujourd'hui sont ceux de Port Royal.

* « Par une prétendue contradiction. » Entre ces miracles, qui témoigneraient que Dieu est avec Port Royal, et la doctrine qu'on impule à Port Royal, laquelle serait contraire à Dieu.

5 « Jésus-Christ guérit l'aveugle-né. » 471 (à la suite de l'avant-dernier fragment du paragr. 8). P. R., ibid. Voir Jean, ix, 14.

« Par où il aveuglait. » Ibidem. Cf. Luc, xuI, 44 : « Le chef de la synagogue, » indigné que Jésus eût guéri celle femme le jour du sabbat, disait à la foule : Il y » a six jours où il est permis d'agir (operari); c'est dans ces jours-là qu'il faut vous » présenter et vous faire guérir, et non le jour du sabbat, » etc., etc. ? « Nous avons Moise. » Jean, ix, 99, à la suite de la guérison de l'aveugle-né.

a C'est ce qui est admirable. » C'est Pascal qui tout à coup les apostrophe. P. R. a supprimé ce mouvement.

« Ni contre Moïse. » Les Pharisiens l'en accusent en une foule d'endroits de l'Evangile, mais ils étaient aveuglés, comme l'étaient les jésuites quand ils accusaient Port Royal d'être contre l'Eglise. Voilà la pensée de Pascal.

« Et contre Jésus-Christ. » Il y a ici deux mots illisibles.
» Ennemi couvert. » Comme Port Royal dans la pensée des jésuites.
« S'il y a un Dieu, » 237. Avant ces mots, on lit dans le manuscrit : « Fon-

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