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DE M. LÉON RENIER,

SECRÉTAIRE TRésorier de la bibliothèque de L'UNIVERSITÉ,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE,
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT Archéologique dE ROME.

Tome Vingt et Unième.

PARIS,

FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,

IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'INSTITUT DE FRANCE,

AUB JACOB, 56.

M DCCC LX.

MODERNE,

OU

DICTIONNAIRE ABRÉGÉ

DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS.

MINERALOGIE. Considérée comme l'étude plus ou moins approfondie des corps bruts qui composent l'écorce de la terre, ou qui subissent plusieurs modifications à sa surface, la minéralogie remonte à l'origine des sociétés humaines. Le premier qui sut distinguer l'or du cuivre, et le plomb de l'argent, fut minéralogiste. Les plus anciens écrits, tels que les livres de Moïse et les antiques monuments égyptiens, nous prouvent à quelle date reculée il faudrait remonter pour trouver l'origine de cette science, dont l'histoire primitive se perd dans la nuit des temps.

ARISTOTE, qui vivait trois cents ans avant notre ère, paraît être le premier auteur qui ait introduit quelque méthode dans l'étude de la minéralogie. Il établit d'abord deux grandes classes: les minéraux divisibles sous le marteau, et les minéraux malléables. Il appela les premiers fossiles (ópvxτá), et les seconds métalliques (petalλeutixά ). Son disciple THEOPHRASTE s'écarta de cette division pour classer les minéraux en fossiles, qu'il subdivisa en pierres et en terres, et en métaux, qu'il classa suivant leur valeur et leur utilité. Dios. CORIDE, soixante-quinze ans avant notre ère, adoptant une classification moins exacte que celle de Théophraste, partagea les substances minérales en minéraux marins et en minéraux terrestres. PLINE, qui, malgré les erreurs populaires qu'il nous a transmises sans examen, s'est assis au premier rang parmi les naturalistes des temps anciens, adopta le système de Théophraste. A ce génie supérieur, qui sur les flancs du Vésuve tenta de ravir à la nature ses impénétrables secrets, on vit se succéder le Grec ZoZIME, et plus tard l'Arabe GEBER, qui ne virent dans l'étude des minéraux que l'art mensonger par lequel les ENCYCL. MOD. T. XXI.

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métaux les plus ordinaires pouvaient prendre les caractères et les propriétés de l'or.

Ces recherches infructueuses n'avaient été d'aucune utilité à la science, lorsque, vers le commencement du onzième siècle, AVICENNE parut. Il essaya de répandre un peu de clarté dans l'étude de la minéralogie; il ajouta aux pierres et aux métaux les sels et les substances sulfureuses, et rangea les minéraux en quatre classes les pierres, les métaux, les soufres et les sels. Il démontra le premier l'utilité de l'analyse pour distinguer ces différents corps; et sa nomenclature eut la gloire de rester en usage dans certaines écoles jusqu'au siècle dernier. ALBERT LE GRAND parut deux siècles plus tard la seule modification qu'il apporta dans le système d'Avicenne fut de comprendre sous la dénomination de mineralia media les sels et les substances combustibles. VALENTIN, vers la même époque, faisait connaître l'antimoine, et l'alchimiste ISAAC introduisait des procédés méthodiques dans l'analyse des métaux.

La science, pendant plusieurs siècles dans un état stationnaire, ne fit quelques pas vers la perfection que par l'impulsion que lui donna GEORGES ACRICOLA,' vers l'an 1546. Celui-ci s'empara des idées de Théophraste, et bientôt une nouvelle ère commença pour la minéralogie. Ce fut lui qui découvrit le bismuth, et qui inventa, pour l'exploitation des mines et le traitement des minerais, de nouvelles méthodes, qui subirent même peu de changements jusqu'au dix-huitième siècle. Contemporain d'Agricola, PARACELSE, livré tout entier aux travaux hermétiques, fut conduit par eux à la connaissance du zinc, tandis que BERNARD PALISSY donnait par ses recherches un nouvel intérêt à la science minéralogique. Enfin, le

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goût des collections naquit: on étudia le gisement des minéraux; on sentit le besoin d'une classification fondée sur des principes stables, et les ouvrages se multiplièrent. BéCHER, en 1664, fit revivre la méthode de Théophraste et d'Avicenne, et se livra à des recherches relatives aux effets que produit le feu sur les minéraux. En Angleterre, le physicien BOYLE observait, en 1673, la propriété électrique de quelques-uns de ceux-ci; BRANDT, en 1723, découvrit l'arsenic et le cobalt; vers la même époque, BROMEL proposait un nouveau système de classification; WOOD faisait la découverte du platine; CRAMER, HENCKEL et WOLTERSDORFF tentaient chacun leur mé. thode: l'un se montrait partisan d'une nomenclature fondée sur l'analyse chimique; celui-ci ne voulait classer les minéraux que d'après les caractères extérieurs; celui-là proposait d'adopter une méthode mixte. Tel fut le dernier parti que prit le Suédois WALLERIUS, en 1747. L'analyse chimique lui servit à tracer de grandes divisions qui se subdivisèrent d'après les caractères extérieurs. Sa nomenclature est plus régulière que celle d'aucun de ses devanciers; la description des espèces et des variétés y est plus exacte qu'on ne l'avait faite jusqu'alors. CRONSTEDT, son compatriote et son contemporain, contribua aux progrès de la science, en publiant, en 1758, une classification dans laquelle les classes, les ordres, les genres et les espèces sont établis d'après des considérations chimiques, quoiqu'il n'exclut point les caractères extérieurs et les propriétés faciles à reconnaître par des expériences fort simples. C'est à ce minéralogiste que l'on doit la découverte du nickel et l'utile emploi du chalumeau. A la même épo⚫ que, GELLERT et CARTHEUSER essayaient aussi de classer les minéraux ; LEHMANN enrichissait la science d'observations nouvelles, tandis que l'étude de la chimie reconnaissait l'existence de trois terres simples: la chaux, la silice et l'alumine.

Ce fut alors que la minéralogie devint en France le sujet d'études profondes. VALMONT DE BOMARE, s'attachant à combiner ensemble les systèmes de Cartheuser, de Wallerius, de Lehmann et de quelques autres minéralogistes, et cherchant à éviter l'inconvénient de divisions trop nombreuses, tomba dans un excès contraire par l'établissement de dix classes seule. ment. Mais si sa classification vicieuse est totalement oubliée aujourd'hui, il a rendu les plus grands services à la science, par ses cours publics, ce que l'on n'avait point vu depuis Bernard Palissy, et en faisant avec quelques disciples des excursions dans les environs de Paris; tandis que Buffon, par la profondeur de son génie, la grâce et la vigueur de son style, répandait tant de charmes sur l'étude de l'his

toire naturelle, rendait plus intéressantes les mœurs des animaux, et dans ses époques de la nature se montrait comme un être supérieur qui aurait assisté aux commotions primitives de notre planète.

Vers l'année 1772, SAGE, à qui l'on doit l'é. tablissement de l'école des mines, avança par ses travaux la docimasie, ou l'art d'essayer les minerais. Dans sa Minéralogie docimastique, il divise les minéraux en trois classes: dans la première sont les sels, les acides, les soufres, les bitumes et les combustibles; la seconde renferme les terres, les pierres simples, les roches et les laves; les substances métalliques composent la troisième classe: chacune se divise en un certain nombre d'ordres. CAPELLER avait reconnu, peu de temps auparavant, une certaine analogie de formes dans les divers cristaux d'une même substance. ROMÉ DE L'ISLE, l'ami et le disciple de Sage, se livra à des recherches assez étendues relativement à la cristallographie. Il ne fit point de changements à la nomenclature de son maître, mais il sut comparer un grand nombre de cristaux; il rechercha, dans les plus compliqués par leurs formes, les formes plus simples qui leur avaient donné naissance; enfin il fit sentir l'importance de la cristallisation dans la détermination des espèces minérales.

L'impulsion était donnée; la science ne pouvait plus ralentir sa marche. DELLNYARD venait de découvrir le tungstène, GRÉGOR le titane, MULLER le tellure, HIELM le molybdène; et ces découvertes se firent de 1781 à 1782. Pendant que de BORN, en Allemagne, établissait un système analogue à celui de Cronstedt; que BERGMANN Suivait à peu près la même marche, avec cette seule différence qu'il portait à cinq, par suite de la découverte de la magnésie et de la baryte, le nombre d'ordres des substances minérales, fixé avant lui à trois; que le chimiste écossais KIRWAN adoptait la même division, en rangeant toutefois le diamant parmi les graphites; WERNER, donnant une nouvelle direction à l'emploi qu'on avait fait avant lui des caractères physiques des minéraux, sans toutefois renoncer à ceux qu'offre la chimie, faisait prévaloir un système qui compte encore beaucoup de partisans. Dans sa nomenclature, les minéraux simples forment quatre classes: la première comprend les terres et les pierres; la deuxième les matières salines (sapides et solubles); la troisième, les matières combustibles; la quatrième, les métaux. C'était à peu près la marche qu'avait suivie Lehmann; mais Werner partage la première classe en huit genres, dont le premier ne comprend qu'une seule espèce, le diamant, parce que, fidèle à ses idées sur l'importance des caractères extérieurs, il lui semblait que la dureté de ce corps devait le placer en tête des

substances pierreuses; les sept autres genres sont ce que l'on appelait alors les terres sim. ples, c'est-à-dire la zircone, la silice, l'argile, la magnésie, la chaux, la baryte et la strontiane. Les autres classes se composent d'autant de genres qu'il y a de sortes de sels, de combustibles et de métaux. Chacun des genres contient un certain nombre d'espèces, suivant le principe admis par cet illustre savant, que les minéraux qui diffèrent essentiellement des autres par leur composition chimique doivent former des espèces différentes.

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En France, DAUBENTON contribuait puissamment à l'avancement de la minéralogie par un travail publié en 1784, et qui est vraiment remarquable pour cette époque. Peu satisfait des résultats de l'analyse chimique, il divisa tous les minéraux connus alors en quatre ordres le premier comprenant les sables, les pierres et les terres, et en appendice les agrégats; le deuxième, les sels solubles dans l'eau; le troisième, les corps inflammables; le quatrième, les métaux, qui sont suivis des produits volcaniques en appendice. Ces ordres, dans cette nomenclature, se subdivisent en genres, sortes et variétés, parce qu'elle n'admet point d'espèces.

Dans un écrit publié en 1801 par DOLOMIEU, ce savant géologue démontra la nécessité d'établir en minéralogie des bases fixes pour déterminer les espèces. Ce fut vers le même temps que l'abbé HAÜY, élève de Daubenton, fit une application nouvelle des formes cristallines à la détermination, de l'espèce minéralogique. Cependant la chimie étendait le domaine de la minéralogie, et les chimistes français rivalisaient de zèle avec les chimistes étrangers. VAUQUELIN, en 1797, avait découvert le chrome; HATCHETT découvrit le tantale, WOLLASTON, le palladium et le rhodium; DESCOTIS, en 1803, l'iridium; TENNANT, l'osmium; et BERZÉLIUS, en 1804, fit la découverte du cérium.

La classification d'Haüy, rectifiée dans la dernière édition de son Traité de Minéralogie, comprend, dans une première classe, les acides libres, qui sont divisés en deux espèces; dans la deuxième, les métaux privés de l'éclat métallique, qu'il appelle hétéropsides, et qu'il divise en huit genres: la chaux, la baryte, la strontiane, la magnésie, l'alumine, la potasse, la soude et l'ammoniaque ; cette classe est suivie d'un appendice comprenant la silice comme ordre unique, subdivisée selon ses combinaisons avec diverses substances et for. mant un grand nombre d'espèces. La troisième classe, formée des métaux jouissant de l'éclat métallique, et qu'il appelle autopsides, comprend trois ordres : le premier, formé des métaux non oxydables immédiatement, si ce n'est à un feu très-violent, et réductibles

immédiatement, se compose de quatre genres: le platine, l'iridium, l'or et l'argent. Le second ordre, celui des métaux oxydables et réductibles immédiatement, est formé d'un seul genre le mercure. Le troisième ordre, celui des métaux oxydables, mais non réductibles immédiatement, est formé de dix-huit genres: le plomb, le nickel, le cuivre, le fer, l'étain, le zinc, le bismuth, le cobalt, l'arsenic, le manganèse, l'antimoine, l'urane, le molybdène, le titane, le schéelin, le tellure, le tantale et le cérium. La quatrième classe, composée des substances combustibles non métalliques, comprend quatre espèces : le soufre, le diamant, l'anthracite et le mellite. Un appendice à cette classe renferme les substances phitogènes, comprenant également quatre espèces : le bitume, la houille, le jayet et le succin. Un appendice général aux quatre classes renferine les substances dont la nature n'était pas assez connue pour qu'Haüy pût leur assigner une place précise dans sa méthode. Enfin, son traité comprend aussi un tableau des roches, divisé en classes, en ordres et en genres.

En 1802 et en 1807, deux minéralogistes distingués publièrent chacun un traité élémentaire de minéralogie. L'ouvrage de M. BROCHANT est rédigé d'après les principes de Werner : ce que nous avons dit de ce célèbre minéralogiste allemand suffit pour donner une idée de ce travail, qui eut une heureuse influence sur la science. Le travail de M. BRONGNIART fut fait d'après d'autres principes; il partagea les minéraux en cinq classes: 1° ceile des oxygénés non métalliques; 2° celle des sels non métalliques; 3° celle de pierres ; 4o celle des combustibles; 5° celle des métaux. Chacune de ces classes se divise en ordres. La première en comprend deux, l'ordre des oxygénés non acides et l'ordre des oxygénés acides. La deuxième classe comprend l'ordre de sels alcalins et l'ordre des sels terreux. Dans la troisième classe se trouvent l'ordre des pierres dures, l'ordre des pierres onctueuses et l'ordre des pierres argiloïdes. La quatrième renferme l'ordre des com. bustibles composés et l'ordre des combustibles simples. Enfin, dans la cinquième sont compris : l'ordre des métaux fragiles et l'ordre des métaux ductiles. Depuis, M. Brongniart a proposé une autre classification des substances minérales, que nous ferons connaître plus loin; il a publié en 1827 une classification des roches, qu'il comprend dans deux grandes classes: les roches homogènes ou simples, divisées en deux ordres: les phanérogènes et les adélogènes; les roches hétérogènes on composées, divisées également en deux ordres : les roches de cristallisation et les roches d'agrégation.

Les importantes découvertes du célèbre chi

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