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vous avez fait une fottife la plus grande du monde. Ma maifon m'eft effroyable maintenant, & je n'y rentre point fans y trouver quelque chagrin.

SCENE II.

GEORGE DANDIN, LUBIN

GEORGE DANDIN.

Voyant fortir Lubin de chez luy.

Ue diantre ce drôle-là vient-il faire chez moyi
LUBIN.

QVe

Voilà un homme qui me regarde.

GEORGE DANDIN.

Il ne me connoît pas.

LUBIN.

Il fe doute de quelque chofe.

GEORGE DANDIN,

Ouais! il a grand' peine à faluer.

LUBIN.

J'ai peur qu'il n'aille dire qu'il m'a vû fortir de là

dedans.

GEORGE DANDIN.

Bonjour.

Serviteur.

LUBIN.

GEORGE DANDIN.

Vous n'êtes pas d'ici que je croi?

LUBIN.

Non, je n'y fuis venu que pour voir la fête de demain.

GEORGE DANDIN.

Hé dites-moi un peu, s'il vous plaît, vous venez de là-dedans.

LUBIN.

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LUBIN.

Motus, il ne faut pas dire que vous m'ayez vù for

tir de là.

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Doucement. J'ay peur qu'on ne nous écoute.
GEORGE DANDIN.

Point, point.

LUBIN.

C'eft que je viens de parler à la Maîtreffe du logis de la part d'un certain Monfieur qui lui fait les doux yeux, & il ne faut pas qu'on fçache cela. Entendez

vous?

Oui.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Voilà la raifon. On m'a enchargé de prendre garde que perfonne ne me vit, & je vous prie au moins de ne pas dire que vous m'ayez vû.

GEORGE DANDIN.

Je n'ay garde.

LUBIN.

Je fuis bien aife de faire les chofes fecrettement comme on m'a recommandé.

GEORGE DANDIN.

C'est bien fait.

LUBIN.

Le mari, à ce qu'ils difent, eft un jaloux qui ne veut pas qu'on faffe l'amour à fa femme, & il feroit le diable à quatre fi cela venoit à fes oreilles. Vous comprenez bien ?

Fort bien.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Il ne faut pas qu'il fçache rien de tout ceci.

GEORGE DANDIN.

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LUBIN.

On le veut tromper tout doucement. Vous entendez bien.

GEORGE DANDIN.

Le mieux du monde.

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LUBIN.

Si vous alliez dire que vous m'avez vû fortir de chez luy, vous gâteriez toute l'affaire. Vous comprenez bien.

GEORGE DANDIN.

Affurément.

Hé comment nommez-vous celui

qui vous a envoyé là-dedans?

LUBIN.

C'eft le Seigneur de notre païs, Monfieur le Vicomte de chofe... foin je ne me fouviens jamais comment diantre ils baragouinent ce nom-là, Monfieur Cli... Clitandre.

GEORGE DANDIN.

Eft-ce ce jeune Courtifan qui demeure...

LUBIN.

Oui, auprés de ces arbres.

à part.

GEORGE DANDIN.

C'est pour cela que depuis peu ce Damoifeau poli s'eft venu loger contre moi; j'avois bon nez fans doute, & fon voisinage déja m'avoit donné quelque Loupçon.

LUBIN.

Teftigué, c'eft le plus honnête-homme que vous ayez jamais vû. Il m'a donné trois pieces d'or pour aller dire feulement à la femme qu'il eft amoureux d'elle, & qu'il fouhaite fort l'honneur de pouvoir lui parler. Voyez s'il y a là une grande fatigue pour me payer fi bien, & ce qu'est au prix de cela une journée de travail où je ne gagne que dix fols.

GEORGE DANDIN.
Hé bien, avez-vous fait vôtre meffage!
LUBIN.

Oui, j'ay trouvé là-dedans une certaine Claudine, qui tout du premier coup a compris ce que je voulois, & qui m'a fait parler à fa Maîtreffe.

GEORGE DANDIN, à part, ·

Ah coquine de fervante!

LU

LUBIN.

Morguéne cette Claudine-là eft tout à fait jolie, elle a gagné mon amitié, & il ne tiendra qu'à elle que nous ne foyons mariez enfemble.

GEORGE DANDIN.

Mais quelle reponse a fait la Maîtreffe à ce Monfieur le Courtisan?

LUBIN.

Elle m'a dit de luy dire... attendez, je ne fçai fi je me fouviendrai bien de tout cela. Qu'elle lui eft tout à fait obligée de l'affection qu'il a pour elle, & qu'à caufe de fon mari qui eft fantafque, il garde d'en rien faire paroître, & qu'il faudra fonger à chercher quelque invention pour le pouvoir entretenir

tous deux.

à part.

GEORGE DANDIN.

Ah! pendarde de femme!

LUBIN.

Teftiguienne cela fera drôle, car le mari ne fe doutera point de la manigance, voilà ce qui eft de bon. Et il aura un pied de nez avec fa jaloufie. Eftce pas ?

GEORGE DANDIN.

Cela eft vrai.

LUBIN.

>

Adieu. Bouche confue au moins. Gardez bien le fecret, afin que le mari ne le fçache pas.

Oui, oùi.

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Pour moi je vais faire femblant de rien, je fuis un fin matois, & l'on ne diroit pas que j'y touche.

SCENE III.

GEORGE DANDI N.

HE bien, George Dandin, vous voyez de quel air vôtre femme vous traitte. Voila ce que c'eft d'avoir voulu époufer une Demoiselle, l'on vous accommode de toutes pieces, fans que vous puiffiez vous vanger, & la Gentilhommeric vous tient les

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bras

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bras liez. L'égalite de condition laiffe du moins à l'honneur d'un mari liberté de reffentiment, & fi c'étoit une Paifanne, vous auriez maintenant tou tes vos coudées franches à vous en faire la justice à bons coups de bâton. Mais vous avez voulu tâter de la Nobleffe, & il vous ennuyoit d'être maître chez vous. Ah! j'enrage de tout mon cœur, & je me donnerois volontiers des foufflets. Quoi éccuter impudemment l'amour d'un Damoifcau, & y promettre en même temps de la correfpondance! Morbleu, je ne veux point laiffer paffer une occafion de la forte. Il me faut de ce pas aller faire mes plaintes au pere & à la mere, & les rendre témoins à telle fin que de raifon, des fujets de chagrin & de refientiment que leur fille me donne. Mais les voici l'un & l'autre fort à propos.

SCENE

IV.

MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

Mr. DE SOTENVILLE.

Qu'eft-ce, mon gendre? vous me parciffez tout

troublé.

GEORGE DANDIN.

Auffi en ay- je du fujet, &...

Me. DE SOTENVILLE.

Mon Dieu, nôtre gendre, que vous avez peu de civilité de ne pas faluer les gens quand vous les approchez.

GEORGE DANDIN.

Ma foy, ma belle-mere, c'eft que j'ay d'autres chofes en tête, &...

Me. DE SOTENVILLE.

Encor eft-il poffible, nôtre gendre, que vous fçachiez fi peu vôtre monde, & qu'il n'y ait pas moyen de vous inftruire de la maniere qu'il faut vivre parmi les perfonnes de qualité?

GEORGE DANDIN.

Comment?

Me. DE SOTENVILLE.

Ne vous déferez-vous jamais avec moi de la fami

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