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M. JACQUES.

Monfieur, fi vous voulez que je vous dife les chofes, je croy que c'est Monfieur vôtre cher Intendant qui a fait le coup.

HARPAGON.

Valere?

M. JACQUE S.

Oui.

HARPAGON.

fobe.

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Lui, qui me paroît fi fidelle ?

M. JACQUES.

Luy-même. Je croy que c'eft luy qui vous a dé

HARPAGON.

le crois-tu ?

M. JACQUES.

Sur quoy?

HARPAGON.

Oûi.

M. JACQUES.

Je le croy... Sur ce que je le croy.

LE COMMISSAIRE.

Mais il eft neceffaire de dire les indices que vous

avez.

HARPAGON.

L'as-tu veu roder autour du lieu, où j'avois mis mon argent?

M. JACQUES.

Oui, vrayment. Où étoit-il vôtre argent?
HARPAGON.

Dans le Jardin.

M. JACQUES.

Juftement. Je l'ay veu roder dans le Jardin. Et dans quoy eft-ce que cet argent étoit ?

HARPAGON.

Dans une caffette.

M. JACQUE S.

Voila l'affaire. Je luy ay veu une caffette.

HARPAGON.

Et cette caffette comment eft-elle faite ? Je verray bien fi c'eft la mienne.

M. JACQUES.

Comment elle eft faite ?

HAR

Oui.

HARPAGON.

M. JACQUES.

Elle eft faite... Elle eft faite comme une caffette. LE COMMISSAIRE.

Cela s'entend. Mais dépeignez la un peu pour voir.

M. JACQUES.

C'est une grande caffette.

HARPAGON.

Celle qu'on m'a volée eft petite.
M. JACQUES.

Eh. oui, elle eft petite, fi on le veut prendre par là; mais je l'appelle grande pour ce qu'elle contient.

LE COMMISSAIRE.

Et de quelle couleur eft-elle?

M. JACQUES.

De quelle couleur?

Oûi.

LE COMMISSAIRE.

M. JACQUES..

Elle eft de couleur... Là d'une certaine couleur... Ne fçauriez-vous m'aider à dire?

Euh?

N'cft-elle

HARPAGON.

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M. JACQUES. e pas rouge?

HARPAGON.

Non, grife.

M. JACQUES.

Eh, oui, gris rouge; c'eft ce que je voulois dire.

HARP AGON.

Il n'y a point de doute. C'eft elle affurément. Ecrivez, Monfieur, écrivez fa dépofition. Ciel! à qui deformais fe fier? il ne faut plus jurer de rien; & je crois aprés cela que je fuis homme à me voler moimême.

M. JACQUE S. Monfieur, le voici qui revient. Ne luy allez pas dire, au moins, que c'eft moy qui vous ay découvert cela.

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SCENE III.

VALERE, HARPAGON, LE COM-
MISSAIRE, SON CLERC,
M. JACQUES.

HARPAGON.

Approche. Vien confeffer l'action la plus noire,
P'attentat le plus horrible, qui jamais ait été

commis.

VALER E.

Que voulez-vous, Monfieur?

HARPA GON.

Comment, traître, tu ne rougis pas de ton crime !
VALER E.
De quel crime voulez-vous donc parler?

HARPAGON.

De quel crime je veux parler, infame, comme fi tu ne fçavois pas ce que je veux dire. C'eft en vain que tu prétendrois le déguifer. L'affaire eft découverte, & l'on vient de m'apprendre tout. Comment abufer ainfi de ma bonté, & s'introduire exprés chez moy pour me trahir? pour me jouer un tour de cet

te nature?

VALER E.

Monfieur, puis qu'on vous a découvert tout, je ne veux point chercher de détours, & vous nier la chofe.

M. JACQUES.

Oh, Oh. Aurois-je devine fans y penser?

VALER E.

C'étoit mon deffein de vous en parler, & je voulois attendre pour cela des conjonctures favorables, mais puis qu'il eft ainsi, je vous conjure de ne vous point fâcher, & de vouloir entendre mes raifons. HARPA GON.

Et quelles belles raifons peux-tu me donner, voleur infame?

VALER E.

Ah! Monfieur, je n'ay pas merité ces noms. Il eft vray que j'ay commis une offenfe envers vous ;. mais aprés tout ma faute eft pardonnable.

HAR

1

HARPAGON.

Comment pardonnable? Un guet-à-pend? Um affaffinat de la forte?

VALER E.

De grace, ne vous mettez point en colere. Quand vous m'aurez oüi, vous verrez que le mal n'eit pas fi grand que vous le faites.

HARPAGON.

Le mal n'eft pas fi grand que je le fais? Quoy mon fang, mes entrailles, pendart?

VALER E.

Vôtre fang, Monfieur, n'eft pas tombé dans de mauvaises mains. Je fais d'une condition à ne luy point faire de tort, & il n'y a rien en tout ceci que je ne puiffe bien reparer.

HARPAGON.

C'est bien mon intention, & que tu me reftituës ce que tu m'as ravi.

VALER E.

Vôtre honneur, Monfieur, fera pleinement satis

fait.

HARPAGON.

Il n'eft pas queftion d'honneur là-dedans. Mais dis-moy, qui t'a porté à cette action?

VALER E.

Helas!' me le demandez-vous?

HARPAGON..

Oûi, vrayment, je te le demande.

VALERE.

Un Dieu qui porte les excufes de tout ce qu'il fait: faire: l'Amour.

/ L'amour?

HARPAGON.

Oui.

VALER E.

HARPAGON.

Bel amour, bel amour, ma foy! l'amour de mes Louis d'or.

VALER E.

Non, Monfieur, ce ne font point vos richeffes qui m'ont tenté, ce n'eft pas cela qui m'a ébloui, & je protefte de ne prétendre rien à tous vos biens, pourveu que vous me laiffiez celuy que j'ay.

Ddd-s

HAR

HARPAGON.

Non feray, de par tous les diables, je ne te le laifferay pas. Mais voyez quelle infolence, de vouloir retenir le vol qu'il m'a fait ?

VALER. E...

Appellez-vous cela un vol?

HAR PAGON..

Si je l'appelle un vol? Un tréfor comme celuy-là. VALER E..

C'eft un tréfor, il eft vray, & le plus precieux que vous ayez fans doute; mais ce ne fera pas le perdre, que de me le laiffer. Je vous le demande à genoux, ce trefor plein de charmes; & pour bien faire, il faut que vous me l'accordiez.

HARPAGON.

Je n'en feray rien. Qu'est-ce à dire cela?

VALER E.

Nous nous fommes promis une foy mutuelle, & avons fait ferment de ne nous point abandonner. HARPAGON.

Le ferment eft admirable, & la promeffe plaifante! VALER E.

Oui, nous nous fommes engagez d'être l'un à l'autre à jamais.

HARP AGO N.

Je vous en empêcheray bien, je vous affûre. -
VALER E.
Rien que la mort ne nous peut feparer.

HARPAGON.

C'est être bien endiablé aprés mon argent.

VALER E..

Je vous ay déja dit, Monfieur, que ce n'étoit point l'intérêt qui m'avoit pouffé à faire ce que j'ay fait. Mon cœur n'a point agi par les refforts que vous pensez, & un motif plus noble m'a infpiré cette refolution.

HARPAGON.

Vous verrez que c'est par charité Chrêtienne qu'il vent avoir mon bien; mais j'y donneray bon ordre; & la juftice, pendart effronté, me va faire raison de

tout.

VALERE.

Vous en uferez comme vous voudrez, & me voilà

preft:

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