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Je te desherite.

CLEAN TE.

Tout ce que vous voudrez.

HARPAGON.

Et je te donne ma malediction.

CLEANTE.

Je n'ay que faire de vos dons.

SCENE VI.

LA FLECHE, CLEANTE

LA FLECHE, fortant du Jardin
avec une caffette.

AH, Monfieur, que je vous trouve à propos! Sui

vez-moy vite.

Qu'y a-t-il ?

CLEANT E.

LA FLECHE.

Suivez-moy, vous dy-je, nous fommes bien.

Comment ?

CLEANT E.

LA FLECHE.

Voicy vôtre affaire.

CLEANTE.

Quoy?

LA FLECHE.

CLEAN TE.

Qu'est ce que c'eft?

J'ay guetté ceci tout le jour.

LA FLECHE.

Letrefor de vôtre Pere, que j'ay attrapé.

Tome 111.

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CLE

CLEANT E.

Comment as-tu fait ?

LA FLECHE.

Vous fçaurez tout. Sauvons-nous, je l'entens

erier.

SCENE VII.

HARP AGON.

Ilcrie au voleur dés le Jardin, & vient fans chapeau.

AU voleur, au voleur, à l'affaffin, au meurtrier. Juftice, jufte Ciel. Je fuis perdu, je fuis affaffiné, on m'a coupe la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-c'être qu'eft-il devenu? où eft-il? où fe cache-t-il? que feray je pour le trouver? où courir? ou ne pas courir? n'eft-il point là? n'eft-il point ici qui eft-ce? arrefte. Ren-moy mon argent, coquin... 11 fe prend luy-même le bras. Ah, c'eft moy, Mon efprit eft troublé, & j'ignore où je fuis, qui je fuis, & ce que je fais. Helas, mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m'a privé de toy; & puis que tu m'es enlevé, j'ay perdu mon fuport, ma confolation, ma joie; tout eft fini pour moy, & je n'ay plus que faire au monde. Sans toy, il m'eft impoffible de vivre. C'en eft fait, je n'en puis plus, je me meurs, je fuis mort, je fuis enterré. N'y a-t-il perfonne qui veuille me reffufciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris? Euh? que dites-vous? ce n'eft perfonne. Il faut, qui que ce foit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de foin on ait épié l'heure; & l'on achoifi juftement le temps que je parlois à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller querir la juftice, & faire donner la queftion à toute ma maifon ; à fervantes, à valets, à fils, à fille, & à moy auffi. Que de gens affeniblez! Je ne jette mes regards fur perfonne, qui ne me donne des foupçons, & tout me femble men voleur. Eh? dequoy eft ce qu'on parle là? de celuy qui m'a dérobé! Quel bruit fait on là-haut? eft ce mon voleur qui yeft? De grace, fi l'on fçait des nouvelles de mon voleur, je fuplie que l'on m'en dife.

N'eft

N'eft-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, & le mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part, fans doute, au vol que l'on m'a fait. Allons vite, des Commiffaires, des Archers, des Prevôts, des Juges, des Gefnes, des Potences, & des Bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde; & fije ne retrouve mon argent, je me pendray moy-même aprés.

Fin du quatrieme Afte.

ACTE CINQUIE'ME.

SCENE I.

HARPAGON, LE COMMISSAIRE, SON CLERC.

L

LE COMMISSAIRE.

Aiffez-moy faire. Je fçay mon meftier, Dieu merci: Ce n'eft pas d'aujourdhuy que je me mêle de découvrir des vols; & je voudrois avoir autant de facs de mille francs que j'ay fait pendre de perfonnes.

HARPAGON.

Tous les Magiftrats font intéreffez à prendre cette affaire en main; & fi l'on ne fait retrouver mon argent, je demanderay justice de la Justice.

LE COMMISSAIRE.

Il faut faire toutes les pourfuites requifes. Vous dites qu'il y avoit dans cette caffette?

HARPAGON.

Dix mille écus hien contez.

LE COMMISSAIRE.

Dix mille écus!

HARPAGON.

Dix mille écus.

LE COMMISSAIRE.

Le vol eft confiderable.

HARPAGON.

Il n'y a point de fupplice affez grand pour l'é

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normité de ce crime, & s'il demeure impuni, les
chofes les plus facrées ne font plus en feureté.
LE COMMISSAIRE.

En quelles efpeces étoit cette fomme?
HARPAGON.

Enbons Louis d'or, & piftoles bien trébuchantes.
LE COMMISSAIRE.
Qui foupçonnez-vous de ce vol?

HARPAGON.

Tout le monde; & je veux que vous arrêtiez prifonniers la ville & les Fauxbourgs.

LE COMMISSAIRE.

Il faut, fi vous m'en croyez, n'effaroucher perfonne, & tâcher doucement d'attraper quelques preuves, afin de proceder aprés par la rigueur, au recouvrement des deniers qui vous ont été pris.

SCENE II.

M. JACQUES, HARPAGON, LE COMMISSAIRE, SON CLERC.

M. JACQUES, au bout du Theatre, en
fe retournant du côté dont il fort.

E m'en vais revenir. Qu'on me l'égorge tout à

Pheure; qu'on me luy falle griller les pieds, qu'on

me le mette dans l'eau bouillante, & qu'on me le pende au plancher.

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HARPA GO N.

Qui celuy qui m'a dérobé?

M. JACQUES.

Je parle d'un cochon de lait que vôtre Intendant me vient d'envoyer, & je veux vous l'accommoder à ma fantaisie.

HARPAGON.

Il n'eft pas queftion de cela; & voilà Monfieur, à qui il faut parler d'autre chofe.

LE COMMISSAIRE.

A vous épouvantez point. Je fuis homme à ne ous point fcandalifer; & les chofes iront dans la douceur.

M. JACQUES.

Monheureft de vôtre foupe?

LE

LE COMMISSAIRE.

Il faut ici, mon cher amy, ne rien cacher à vôtre Maitre:

M. JACQUES.

Ma foy, Monfieur, je montreray tout ce que je fçay faire; & je vous traiteray du mieux qu'il me feta poflible.

HARPAGON.

Ce n'eft pas là l'affaire.

M. JACQUES.

Si je ne vous fais pas auffi bonne chere que je voudrois, c'eft la faute de Monfieur vôtre Intendant, qui m'a rogné les aifles avec les cizeaux de fon éco

nomie.

HARPA GON.

Traître, il s'agit d'autre chofe que de fouper; & je veux que tu me difes des nouvelles de l'argent: qu'on m'a pris.

M. JACQUES.

On vous a pris de l'argent

HARPA GON.

Oui, coquin; & je m'en vais te faire pendre, fi tu ne me le rends.

LE COMMISSAIRE.

Mon Dieu,ne le maltraittez point. Je vois à fa mine qu'il eft honnête homme; & que fans fe faire mettre en prifon,il vous découvrira ce que vous voulez fçavoir. Ouï, mon amy, fi vous nous confelfez la chofe, il ne vous fera fait aucun mal, & vous ferez recompenfé comme il faut par vôtre Maître. On luy a pris aujourd'huy fon argent. & il n'eft pas que vous ne fçachiez quelques nouvelles de cette affaire.

M. JACQUES, à part.

Voici juftement ce qu'il me faut pour me vanger de notre Intendant: depuis qu'il eft entré ceans, il eft le favori, on n'écoute que fes confeils; & j'ay auffi fur le cœur les coups de bafton de tantôt.

HARP AGON.

Qu'as-tu à ruminer?

LE COMMISSAIRE.

Laiffez le faire. Il fe prepare à vous contenter; & je vous ay bien dit qu'il eft honnête homnie.

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M..

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