camarades, voici fon valet Allons, coquin, il fa que tu nous enfeignes où eft ton Maître. Eh, Me- heurs, ne me maltraittez point. Allons, di nos où il eft? Parke. Hâte-toi. Expedions. Dépêcia vite. Tôt. Eh, Meffieurs, doucement. Gerente m doucement la tête hors du fac, & apperçoit la fourbe rie de Scapin. Si tu ne nous fais trouver ton Mairs tout-à-l'heure, nous allons faire pleuvoir fur toi ur ondée de coups de bâton.J'aime mieux fouffrirt te chofe, que de vous découvrir mon Maître.No allons t'affommer. Faites tout ce qu'il vous plain Tu as envie d'être battu. Je ne trahirai point mo Maître. Ah tu en veux tâter? Voilà... Oh! Comme il eft prêt de frapper Geronte fort du fac,& Scapin s'enfuit.
Ah infame! ah traître! ah fcelerat! C'eft ains que tu m'aflaffines.
SCENE III.
ZERBINETTE, GERONTE.
ZERBINETTE.
ah, je veux prendre un peu l'air. GERONTE.
Tu me le payeras, je te jure.
ZERBINETTE.
Ah, ah, ah, ah, la plaifante hiftoire, & la bonne dupe que ce vieillard!
Il n'y a rien de plaifant à cela, & vous n'avez que faire d'en rire.
ZER BINETTE.
Quoi? que voulez-vous dire, Monsieur ?
Je veux dire que vous ne devez pas vous moquer de moi.
Comment? Qui fonge à fe moquer de vous ? GERONTE.
Pourquoi venez-vous ici me rire au nez ? ZERBINETTE.
Cela ne vous regarde point, & je ris toute feule d'un conte qu'on vient de me faire, le plus plai- fant qu'on puiffe entendre. Je ne fçai pas fi c'est parce que je fuis intereffée dans la chofe; mais je n'ai jamais trouvé rien de fi drôle qu'un tour qui vient d'être joué par un fils à fon pere, pour en attraper de l'argent.
GERONT E. Par un fils à fon pere,pour en attraper de l'argent? ZERBINETTE.
Oui. Pour peu que vous me prefficz, vous me trouverez affez difpofée à vous dire l'affaire, & j'ay une démangeaifon naturelle à faire part des contes que je fçai.
GERONTE. Je vous prie de me dire cette hiftoire..
ZERBINETTE..
Jele veux bien. Je ne rifquerai pas grand' chofe à vous la dire, & c'eft une avanture qui n'eft pas pour être long-temps fecrette. La Destinée a vou- lu que je me trouvafle parmi une bande de ces perfonnes, qu'on appelle Egyptiens, & qui ro- dant de Province en Province, fe mêlent de dire la bonne fortune, & quelquefois de beaucoup d'autres chofes. En arrivant dans cette ville, un jeune homme me vit, & conceût pour moi de l'amour. Dés ce moment il s'attache à mes pas, & le voilà d'abord, comme tous les jeunes gens, qui croyent qu'il n'y a qu'à parler, & qu'au moin- dre mot qu'ils nous difent, leurs affaires font fai- tes mais il trouva une fierté qui luy fit un peu corriger les premieres penfées. 11 fit connoître fa paffion aux gens qui me tenoient, & il les trouva difpofez à me laifler à luy, moyennant quelque fomme. Mais le mal de l'affaire étoit, que mon amant fe trouvoit dans l'état où l'on voit trés- fouvent la plupart des fils de famille, c'eft-à-dire qu'il étoit un peu dénué d'argent ; & il a un
pere, qui, quoi que riche, est un avaricieux fief- fé, le plus vilain homme du monde. Attendez.Ne me fçaurois-je fouvenir de fon nom? Haye. Ai- dez-moi un peu. Ne pouvez-vous me nommer quelqu'un de cette ville qui foit connu pour être avare au dernier point?
Il y a à fon nom du ron... ronte. Or...Oron- te. Non. Ge... Geronte; oui Geronte justement; voilà mon vilain, je l'ai trouvé, c'eft ce ladre-là que je dis. Pour venir à nôtre conte, nos gens ont vou- Ju aujourd'huy partir de cette ville; & mon amant m'alloit perdre faute d'argent, fi pour en tirer de fon pere, il n'avoit trouvé du fecours dans l'indu- frie d'un ferviteur qu'ila. Pour le nom du fervi teur, je le fçais à merveille. Il s'appelle Scapin; c'eft un homme incomparable, & il merite toutes les louanges qu'on peut donner.
GERONTE.
Ah, coquin que tu es !
ZERBINETTE.
Voici le ftratagême dont il s'eft fervy pour at traper fa dupe, Ah, ah, ah, ah. Je ne Tçaurois m'en fouvenir, que je ne rie de tout mon cœur, Ah, ah, ah. Il est allé trouver ce chien d'avare, Ah, ah, ah; & lui a dit, qu'en fe promenant fur le port, avec fon fils, hi, hi, ils avoient vû une galere Turque où on les avoit invitez d'entrer. Qu'un jeune Turc leur y avoit donné la collation. Ah.Que tandis qu'ils mangeoient, on avoit mis la galere en mer; & que le Turc l'avoit renvoyé luy feul à terre dans un efquif, avec ordre de dire au pere de fon Maître, qu'il emmenoit fon fils en Alger, s'il ne luy envoyoit tout-à-l'heure cinq cens écus, Ah, ah, ah. Voilà mon ladre, mon vilain, dans de furieufes angoiffès; & la tendreffe qu'il a pour fon fils, fait un combat étrange avec fon avarice. Cinq cens écus qu'on luy demande, font jufte- ment cinq cens coups de poignard qu'on luy don ne, Ah, ah, ah. Il ne peut fe refoudre à tirer cet- te fomme de fes entrailles ; & la peine qu'il fouf-
fre, luy fait trouver cent moyens ridicules pour ra- voir fon fils, Ah, ah, ah. Il veut envoyer la Juftice en mer aprés la galere du Turc, ah, ah. Il fol- licite fon valet de s'aller offrir à tenir la place de fon fils, jufqu'à ce qu'il ait amaflé l'argent qu'il n'a pas envie de donner, Ah, ah, ah. Ilabandonne, pour faire les cinq cens écus, quatre ou cinq vieux habits, qui n'en valent pas trente, Ah, ah, ah. Le valet lui fait comprendre à tous coups l'impertinence de les propofitions, & chaque reflexion eft douloureufe- ment accompagnée d'un, Mais que diable alloit-il faire à cette galere? Ah maudite galere! Traître de Turc! Enfin aprés plufieurs détours, aprés a- voir long-temps gemi & foûpiré.... Mais il me femble que vous ne riez point de mon conte. Qu'en dites-vous?
Je dis que le jeune homme eft un pendard, un infolent, qui fera puni par fon pere, du tour qu'il lui a fait. Que l'Egyptienne eft une mal-avisée,une impertinente, de dire des injures à un homme d'honneur qui fçaura luy apprendre à venir ici dé- baucher les enfans de famille; Et que le valet eft un fcelerat, qui fera par Geronte envoyé au gibet a- vant qu'il foit demain.
SCENE IV.
SILVESTRE, ZERBINETTE.
SILVESTRE.
U eft-ce donc que vous vous échappez? Sça-
Je viens de m'en douter, & je me fuis adreffée à lui-même fans y penfer, pour luy conter fon hi- ftoire.
SILVESTRE..
Comment, fon hiftoire?
ZERBINETTE.
Oui, j'étois toute remplie du conte, & je brûlois de le redire. Mais qu'importe ? tant-pis pour lui.
Je ne vois pas que les chofes pour nous en puiflent
Vous aviez grande envie de babiller; & c'eft a voir bien de la langue, que de ne pouvoir se taire de fes propres affaires.
N'auroit-il pas appris cela de quelqu'autre?
SCENE V.
ARGANTE, SILVESTRE.
Rentrez dans la maison. Voila mon Maître qui m'appelle.
Vous vous étes donc accordez, Coquin; vous Vous étes accordez, Scapin, vous, & mon fils, pour me fourber, & vous croyez que je l'endure. SILVESTRE.
Ma foi, Monfieur, fi Scapin vous fourbe, je m'en lave les mains, & vous affûre que je n'y trempe en aucune façon.
Nous verrons cette affaire, Pendard, nous ver- rons cette affaire, & je ne prétens pas qu'on me faffe pafler la plume par le bec.
SCENE VI.
GERONTE, ARGANTE,
H, Seigneur Argante, vous me voyez acca. blé de difgrace.
Vous me voyez auffi dans un accablement hor- rible.
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