Ces fortes de périls ne m'ont jamais arrêté, & je hais ces cœurs pufillanimes, qui pour trop prévoir les fuites des chofes, n'ofent rien entreprendre. ZER BINETTE.
Nous aurons befoin de tes foins.
Allez, je vous irai bientôt rejoindre. Il ne fera pas dit qu'impunément on m'ait mis en état de me trahir moi-même, & de découvrir des fecrets qu'il étoit bon qu'on ne fceût pas.
SCENE II.
GERONTE, SCAPIN,
GERONTE.
E' bien, Scapin, comment va l'affaire de mon fils?
Vôtre fils, Monfieur, eft en lieu de feurcté; mais Vous courez maintenant vous, le peril le plus grand du monde, & je voudrois pour beaucoup, que vous fuffiez dans votre logis.
A l'heure que je parle, on vous cherche de tou- tes parts pour vous tuër.
Le frere de cette perfonne qu'Octave a épousée. Il croit que le deffein que vous avez de mettre vô- tre fille à la place que tient fa foeur, eft ce qui pouffe le plus fortà faire rompre leur mariage; & dans cette penfée il a refolu hautement de déchar→ ger fon defefpoir fur vous, & vous ôter la vie pour vanger fon honneur. Tous les amis, gens d'épée Ttt 6
comme lui, vous cherchent de tous les côtez, & demandent de vos nouvelles. J'ai vû même de- çà & delà, des foldats de fa Compagnie qui inter rogent ceux qu'ils trouvent, & occupent par pelo- tons toutes les avenues de vôtre maifon. De forte que vous ne fçauriez aller chez vous; vous ne fçau- riez faire un pas ni à droite, ni à gauche, que vous 'ne tombiez daus leurs mains.
GERONTE.
Que ferai-je, mon pauvre Scapin ?. SCAPI N..
Je ne fçay pas, Monfieur, & voici une étrange affire. Je tremble pour vous depuis les pie jufqu'à la tête, &... Attendez. Il se retourne> &fait femblant d'aller voir au bout du Thes tre s'il n'y a perfonne.
SCAPIN, en revenant.
Non, non, non, ce n'eft rien.
GERON TE
Ne fçaurois-tu trouver quelque moyen pour me virer de peine?
J'en imaginebien uns mais je courrois rifque moi, de me faire affommer.
Eh, Scapin, montre-toi ferviteur zelé. Ne m'abandonne pas, je te prie.
Je le veux bien. J'ai une tendreffe pour vous, qui ne fçauroit fouffrir que je vous laife fans fe
Tu en feras recompenfé, je t'aflûre; & je te pro- mets cet habit-ci, quand je l'aurai un peu ufé. SCAPIN.
Attendez. Voicy une affaire que je me fais trouvée fort à propos pour vous fauver. Il faut que vous vous mettiez dans ce fac, & que...
GERONT E croyant voir quelqu'un
Non, non, non, non, ce n'est personne. Il faut, & que dis-je, que vous vous mettiez là-dedans, vous gardiez de remuër en aucune façon. Je vous chargeray fur mon dos, comme un paquet de quel- que chofe, & je vous porterai ainfi au travers de. vos ennemis, jufques dans vôtre maison, où quand nous ferons une fois, nous pourrons nous barricader,& envoyer querir main-forte contre la violence.
GERON TE
L'invention eft bonne.
SCAPIN.
La meilleure du monde. Vous alles voir. à part, Tu me payeras l'impofture.
Je dis que vos ennemis feront bien attrapez. Mettez-vous bien jufqu'au fond, & fur tout pre nez garde de ne vous point montrer, & de ne bran- ler pas, quelque chofe qui puifle arriver.
GERONTE.
Laiffe-moi faire. Je fçaurai me tenir... SCAPIN.
Cachez-vous. Voici un fpadaffin qui vous cher- ehe. En contrefaifant fa voix. Quoi, je n'aurai pas l'abantage de tuer cé Geronte, & quelqu'un par charité né m'enfeignera pas où il eft? A Geronte, avec sa voix ordinaire. Ne branlez pas. Reprenant fon ton contrefait. Cadédis, je lé trouberay, fé ca- chât-il au centre dé la terre. A Geronte, avec fon ton naturel. Ne vous montrez pas. Tout le langage Gafcon cft fuppofé de celuy qu'il contrefait, & lerefte de luy. Ohl'homme au fac. Monfieur, jété vaille un Louis, & m'enfeigne où put être Geronte. Vous cherchez le Seigneur Geronte? Oui mordy jé lé cherche. Et pour quelle affaire, Monfieur? Pour quelle affaire? Oui. Jé beux, cadėdis, le faire mourir fous les coups de vaton. Oh, Mon- fieur, les coups de bâton ne fe donnent point à des gens comme luy, & ce n'eft pas un homme être traité de la forte. Qui, cé fat de Geronce,
cé maraut, cé velitre ? Le Seigneur Geronte,Mon- fieur, n'est ny fat, ny maraut, ny belitre, & vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon.Com- ment, tu métraittes à moi, avec cette hautur? Je defens, comme je dois, un homme d'honneur qu'on offenfe. Eft-ce que tu es des amis dé cé Gé- ronte? Oui, Monfieur, j'en fuis. Ah, cadédis,tu es de fes amis, à la vonne hure. Il donne plufieurs coups de bâton fur le fac. Tien. Boila cé qué je te vaille pour luy. Ah, ah, ah, Monsieur. Ah, ah, ah, Monfieur, tout-beau. Ah, doucement, ah, ah, ah. Ba, porte luy cela de ma part. Adiufias. Ah! Diable foit le Gafcon. Ah! en fe plaignant & remuant le dos, com- me s'il avoit receu les coups de bâten.
GERONT E, mettant la tête hors du fac.
Ah, Scapin, je n'en puis plus.
SCAPIN.
Ah, Monfieur, je fuis tout moulu, & les épau- les me fontun mal épouvantable:
Comment, c'eft fur les miennes qu'il a frappé. SCAPIN.
Nenny, Monfieur, c'étoit fur mon dos, qu'il frappoit.
Que veux-tu dire? j'ay bien fenti les coups, & les fens bien encore.
Non, vous dis-je, ce n'eft que le bout du bâton qui a été jufques fur vos épaules.
Tu devois donc te retirer un peu plus loin, pour m'épargner....
SCAPIN, lay remet la tête
Prenez garde. En voici un autre qui a la mine d'un étranger. Cet endroit eft de même que celuy da Gafcon, pour le changement de langage, & le jeu de Theatre. Party moi courir comme un Bafque, &. moi ne pouvre point troufair de tout le jour ty tia- ble de Gironte? Cachez-vous bien. Dites-moi un peu fous, Monfir l'Homme, s'il ve plaift, fous fe-
voir point où l'eft fty Gironte que moi cherchair? Non, Monfieur, je ne fçay point où eft Geronte. Dites-moi le vous frenchemente, moi ly fouloir pas grande chofe à lui. L'eft feulement pour ly don- nair un petite régale fur le dos d'un douzaine de coups de baftonne, & de trois ou quatre petites coups d'épée au trafers de fon poitrine. Je vous af- fure, Monfieur, que je ne fçai pas où il eft. Il me fembie que j'y foi remuair quelque chofe dans fty fac. Pardonnez-moi, Monfieur Ly eft affurémen- te quelque hiftoire là-tetans. Point du tout, Mon- fieur. Moi l'afoir enfie de tonner ain coup d'épée dans fty fac. Ah, Monfieur, gardez-vous en bien. Montre le moi un peu fous, ce que c'eftre-là. Tout- beau, Monfieur. Quement, tout-beau. Vous n'avez que faire de vouloir voir ce que je porte. Et moi je le fouloir foir, moi. Vous ne le verrez point. Ah! que de badinemente. Ce font hardes qui m'apartiennent. Montre-moi fous, te dy je. Je n'en ferai rien. Toi ne faire rien? Non. Moi pailler de fte baftonne deffus les épaules de toi. Je me moque de ceia. Ah! toi faire le trole. Ahi, ahi, ahi; Ah, Monfieur, ah, ah, ah, ah. Jufqu'au refoir; l'eftre-là un petit leçon pour ly apprendre à toi à. parlair infolentemente. Ah! pefte foit du Bara- gouineux. Ah!
GERONTE fortant fa tête du fac. Ah! je fuis roué.
Pourquoi diantre faut-il qu'ils frappent fur mon
SCAPIN, lay remettant fa tête dans le fac.
Prenez garde, voici une demi douzaine de fol- dats tout enfemble. Il contrefait plufieurs perfonnes femble. Allons, tâchons à trouver ce Geronte, cherchons par tout. N'épargnons point nos pas. Courons toute la ville. N'oublions aucun lieu. Vi→ fitons tout. Furetons de tous les côtez Par où irons- nous? Tournons par là. Non, paricy. A gauche. A droite. Nenny. Si fait, Cachez-vous bien. Ah,
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