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Me voici.

GERONTE.

SCAPI N.

Il faut qu'il foit caché en quelque endroit qu'on
ne puifle point deviner.

GERONTE.

Hola, es-tu aveugle, que tu ne me vois pas ?

SCAPI N. -

Ah, Monfieur, il n'y a pas moyen de vous ren-

contrer.

GERONTE.

Il y a une heure que je fuis devant toi. Qu'est-ce
que c'eft donc qu'il y a?

SCAPIN.

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Eft tombé dans une difgrace la plus étrange du
monde.

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Je l'ay trouvé tantôt, tout trifte, de je ne fçai
quoi que vous lui avez dit, où vous m'avez mêlé
aflez mal à propos; & cherchant à divertir cette
trifteffe, nous nous fommes allez promener fur le
port. Là, entr'autres plufieurs chofes, nous avons
arrêté nos yeux fur une galere Turque affez bien
équipée. Un jeune Turc de bonne mine, nous a
invitez d'y entrer, & nous a prefenté la main.
Nous y avons paflé, il nous a fait mille civilitez,
nous a donné la collation, où nous avons mangé
des fruits les plus excellens qui fe puiffent voir,
& beu du vin que nous avons trouvé le meilleur du
monde.

GERONT E.
Qu'y a-t-il de fi affligeant à tout cela?

Tom. III.

Ttt

SCA-

SCAPIN.

Attendez, Monfieur, nous y voici. Pendant qu
nous mangions, il a fait mettre la galere en mer, &
fe voyant éloigné du port,il m'a fait mettre dansu
efquif, & m'envoye vous dire,que fi vous ne lui en-
voyez par moi tout-à-l'heure cinq cens écus, il va
vous emmener vôtre fils en Alger.

GERONT E.

Comment, diantre, cinq cens écus ?

SCAPIN.

Oui, Monfieur ; & de plus, il ne m'a donné pour
cela que deux heures.

GERONTE.

Ah le pendard de Turc, m'aflaffiner de la fa-
çon !

SCAPIN.

C'eft à vous, Monfieur, d'aviser promptement
aux moyens de fauver des fers un fils que vous ai-
mez avec tant de tendreffe.

GERONT E.

Que diable alloit-il faire dans cette galere?

SCAPIN.
Il ne fongeoit pas à ce qui eft arrivé.

GERONTE.

Va-t-en, Scapin, va-t-en vîte dire à ce Turc, que
je vais envoyer la Justice aprés lui.

SCAPIN.

La Juftice en pleine mer ! Vous moquez-vous des

gens ?

GERONT E.

Que diable alloit-il faire dans cette galere?

SCAPIN.

Une méchante destinée conduit quelquefois les
perfonnes.

GERONTE.

Il faut, Scapin, il faut que tu faffes icy l'action
d'un ferviteur fidelle.

SCAPIN.

Quoi, Monfieur?

GERONT E.

Que tu ailles dire à ce Turc, qu'il me renvoye
mon fils, & que tu te mets à fa place, jufqu'à ce que
j'aye amaffé la fomme qu'il demande

SCA-

SCAPIN.

Eh, Monfieur, fongez-vous à ce que vous dites?
& vous figurez-vous que ce Turc ait fi peu de fens,
que d'aller recevoir un miferable comme moi, à la
place de vôtre fils?

GERONT E.

Que diable alloit-il faire dans cette galere?

SCAPIN.

Il ne devinoit pas ce malheur. Songez, Monfieur,
qu'il ne m'a donné que deux heures.

GERONTE.

Tu dis qu'il demande..

SCAPIN

Cinq cens écus.

GERONTE.

Cinq cens écus ! N'a-t-il point de conscience?

SCAPIN.

Vrayment oui, de la confcience à un Turc.

GERONTE.

Sçait-il bien ce que c'eft que cinq cens écus ?
SCAPIN.

Oui, Monfieur, il fçait que c'eft mil cinq cens
livres.

GERONTE.

Croit-il, le traître, que mil cinq cens livres fe
trouvent dans le pas d'un cheval?

SCAPIN.

Ce font des gens qui n'entendent point de rai-

fon.

GERONTE.

Mais que diable alloit-il faire à cette galere?

SCAPIN.

Il eft vrai; mais quoi? on ne prévoyoit pas les
chofes. De grace, Monfieur, dépêchéz.

GERONTE.

Tien, voila la clef de mon armoire.

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GERONTE.

Tu trouveras une groffe clef du côté gauche, qui
eft celle de mon grenier.

Oiii.

SCAPIN.

GERONTE.

Tu iras prendre toutes les hardes qui font dans
cette grande mane, &tu les vendras aux fripiers,
pour aller racheter mon fils.

SCAPIN, en luy rendant la clef.

Eh, Monfieur, rêvez-vous? Je n'aurois pas cent
francs de tout ce que vous dites: & de plus, vous
fçavez le peu de temps qu'on m'a donné.

GERONT E.

Mais que diable alloit-il faire à cette galere ?
SCAPIN

Oh que de paroles perduës! Laiflez-là cette ga-
lere, & fongez que le temps preffe, & que vous
courez rifque de perdre vôtre fils. Helas! mon
pauvre Maître, peut-être que je ne te verrai de ma
vie, & qu'à l'heure que je parle on t'emmene efcla-
we en Alger. Mais le Ciel me fera témoin que j'ai
fait pour toi tout ce que j'ay pû; & que fi tu man-
ques à être racheté, il n'en faut accufer que le peu
d'amitié d'un pere.

GERONTE.
Atten, Scapin, je m'en vai querir cette fomme.
SCAPIN.

Dépêchez donc vîte, Monfieur, je tremble que
l'heure ne fonne.

GERONTE.

N'est-ce pas quatre cens écus que tu dis?

SCAPIN.

1

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Que diable alloit-il faire à cette galere?

SCAPIN.

Vous avez raison, mais hâtez-vous.

GE-

GERONTE.

N'y avoit-il point d'autre promenade?
SCA PIN,

Cela eft vrai. Mais faites promptement.
GERONTE.

Ah maudite galere!

SCAPIN.

Cette galere luy tient au cœur.

GERONTE.

Tien, Scapin, je ne me fouvenois pas que je
viens juftement de recevoir cette fomme en or,&
je ne croyois pas qu'elle dût m'être fi-tôt ravie.
Il luy prefente fa bourfe, qu'il ne laiffe pourtant pas
aller; & dans les tranfports il fait aller fon bras de
côté & d'autre, & Scapin le fien pour avoir la bourje.
Tien. Va-t-en racheter mon fils.

Oui, Monfieur.

SCAPIN.

GERONTE.

Mais di à ce Turc que c'eft un fcelerat.

SCAPI N.

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Qu'il me tire cinq cens écus contre toute forte de

droit.

SCAPIN.

Oui.

GERONTE.

Que je ne les lui donne ni à la mort, ni à la
vie.

Fort-bien.

SCAPIN.

GERONTE.

Et que fi jamais je l'attrape, je fçaurai me van-
ger de lui.

Ttt 3

SCA-

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