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SBRIGANI.

Qu'est-ce que tout cela veut dire ?

M. DE POURCEAUGNAC.

Cela veut dire que cet homme-là, avec fes gràndes embṛaflades, eft un fourbe qui m'a mis dans une maison pour se moquer de moy, & me faire une piece.

SBRIGANI.

Cela cft-il poffible?

M. DE POURCEAUGNAC.

Sans doute, ils étoient une douzaine de Poffedez aprés mes chauffes; & j'ay eu toutes les peines du monde à m'échapper de leurs pates.

SBRIGANI.

Voyez un peu, les mines font bien trompeufes! Je l'aurois crû le plus affectionné de vos amis. Voilà un de mes étonnemens, comme il eft poffible qu'il y ait des fourbes comme cela dans le monde. M. DE POURCEAUGNAC.

Nefens-je point le lavement?voyez,je vous prie.
SBRIGANI.

Eh, il y a quelque petite chofe qui approche de cela.

M. DE POURCEAUGNAC.

J'ay l'odorat & l'imagination toute remplie de cela, & il me femble toûjours que je voy une douzaine de lavéméns qui me couchent en joue. SBRIGAN I.

Voilà une méchanceté bien grande! & les hommes font bien traîtres & fcelerats!

M. DE POURCEAUGNAC. Enfeignez-moy, de grace, le logis de Monfieur Oronte; je fuis bien-aife d'y aller tout à l'heure. S BRIGAN I.

Ah, ah, vous étes donc de complexion amoureufe, & vous avez ouï parler que ce Monfieur Oronte aune fille....

M. DE POURCEAUGNAC.

Ouy, je viens l'époufer.

SBRIGAN I.

L'é.... l'époufer?

M. DE POURCEAUGNAC.

Ouy.

Q99 3

SBRI

SBRIGANI.

En mariage?

M. DE POURCEAUGNAC. De quelle façon donc ?

SBRIGANI.

Ah c'est une autre chofe, & je vous demande pardon.

.

M. DE POURCEAUGNAC.

Qu'eft-ce que cela veut dire ?

Rien.

SBRIGANI.

M. DE POURCEAUGNAC. Mais encore?

SBRIGANI.

Rien, vous dis-je, j'ay un peu parlé trop vîte.
M. DE POURCEAUGNAC.
Je vous prie de me dire ce qu'il y a là-deffous.
SBRIGA NI.
Non, cela n'eft pas neceffaire.

M. DE POURCEAUGNAC.

De grace.

SBRIGANI.
Point, je vous prie de m'en dispenser.
M. DE POURCEAUGNAC.
Eft-ce que vous n'étes pas de mes amis ?
SBRIGAN I.

Si fait, on ne peut pas l'être davantage.
M. DE POURCEAUGNAC.
Vous devez donc ne me rien cacher.

SBRIGAN I.

C'est une chofe où il y va de l'interêt du prochain. M. DE POURCEAUGNAC.

Afin de vous obliger à m'ouvrir vôtre cœur,voiLà une petite bague que je vous prie de garder pour l'amour de moi.

SBRIGAN I.

Laiffez-moi confulter un peu fi je le puis faire en confcience. C'eft un homme qui cherche fon bien, qui tâche de pourvoir fa fille le plus avantageufement qu'il eft poffible; & il ne faut nuire à perfonnc. Ce font des chofes qui font connues à la verité, mais j'iray les découvrir à un homme qui les ignore, & il eft defendu de fcandalifer fon prochain:

Cela

Cela eft vrai; Mais d'autre part voilà un étranger qu'on veut furprendre, & qui de bonne foi vient fe marier avec une fille qu'il ne connoît pas, & qu'il n'a jamais veue; un Gentilhomme plein de franchife, pour qui je me fens de l'inclination, qui me fait l'honneur de me tenir pour fon ami, prend confiance en moi, & me donne une bague à garder pour l'amour de lui. Ouy, je trouve que je puis vous dire les chofes fans bleffer ma confcience: mais tâchons de vous les dire le plus doucement qu'il nous fera poffible, & d'épargner les gens le plus que nous pourrons. De vous dire que cette fille-là mene une vie deshonnête, cela feroit un peu trop fort; cherchons pour nous expliquer, quelques termes plus doux. Le mot de galante auffi n'est pas affez; celuy de coquette achevée, me femble propre à ce que nous voulons, & je m'en puis fervir, pour vous dire honnêtement ce qu'elle eft.

M. DE POURCEAUGNAC.

L'on me veut donc prendre pour dupe?
SBRIGAN I.

Peut-être dans le fond n'y a t'il pas tant de mal que tout le monde croit;& puis il y a des gens,aprés tout,qui fe mettent au deffus de ces fortes de chofes, & qui ne croyent pas que leur honneur depende.... M. DE POURCEAUGNAC.

Je fuis vôtre ferviteur, je ne me veux point mettre fur la tête un chapeau comme celui-là, & l'on aime à aller le front levé dans la famille des Pourceaugnacs.

Voilà le Pere.

SBRIGANI.

M. DE POURCEAUGNAC.
Ce vieillard-là ?

SBRIGAN I.

Ouy, je me retire.

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ORONTE, M. DE POUR.

CEAUGNAC.

M. DE POURCEAUGNAC.

Bonjour, Monfieur, bon jour.

Q994

ORON

ORONT E.

Serviteur, Monfieur, ferviteur,

M. DE POURCEAUGNAC. Vous étes Monfieur Oronte, n'est-ce pas ORONT E.

Quy.

M. DE POURCEAUGNAC. Et moi, Monfieur de Pourceaugnac.

ORONTE.

A la bonne heure.

M. DE POURCEAUGNAC. Croyez-vous, Monfieur Oronte, que les Limofins foient des fots?

ORONTE.

Croyez-vous, Monfieur de Pourceaugnac, que les Parifiens foient des bêtes?

M. DE POURCEAUGNAC.

Vous imaginez-vous, Monfieur Oronte, qu'un homme comme moi feit fi affamé de temme? ORONT E.

Vous imaginez-vous, Monfieur de Pourceaugnac, qu'une fille comme la mienne foit fi affamée de mari?

SCENE VI.

JULIE, ORONTE, M. DE
POURCEAUGNAC.

O

JULIE.

N vient de me dire, mon Pere, que Monfieur de Pourceaugnac eft arrivé. Ah! le voilà fans doute, & mon cœur me le dit. Qu'il eft bien fait! qu'il a bonair! & que je fuis contente d'avoir un tel époux! Souffrez que je l'embraffe, & que je lui témoigne....

ORONT E.

Doucement, ma Fille, doucement.

M. DE POURCEAUGNAC, Tu-dieu, quelle galante! comme elle prend feu d'abord!

ORONT E.

Je voudrois bien fçavoir, Monfieur de Pourceaugnac, par quelle raifon vous venez....

JU.

JULIE.

Julie s'approche de M. de P. le regarde d'un air languiffant, & luy veut prendre la main. Que je fuis aife de vous voir! & que je brûle d'impatience....

ORONT E.

Ah, ma Fille, ôtez-vous de là, vous dis-je.
M. DE POURCEAUGNAC.

Ho, ho, quelle égrillarde!

ORONT E.

Je voudrois bien, dis-je, fçavoir par quelle raifon, s'il vous plaît, vous avez la hardieffe.... M. DE POURCEAUGNAC.

Vertu de ma vie !

OR ONTE, à Julie.

Encor, qu'eft-ce à dire célá?

JULIE.

Ne voulez-vous pas que je careffe l'époux que

vous m'avez choifi?

ORONT E.

Non, rentrez là dedans.

JULIE.

Laiffez-moy le regarder

ORONTE.

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Je ne veux pas, moi; & fi tu ne rentres tout à l'heure, je....

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Ma fille eft une fotte, qui ne fçait pas les chofes,
M. DE POURCEAUGNAC.
Comme nous luy plaifons!

ORONT E.

Tn ne veux pas te retirer?

JULIE.

Quand eft-ce donc que vous me marierez avec

Monfieur ?

ORONT E.

-Jamais; & n'es pas pour lui.

Q995

JU

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