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ACTEUR S.

MONSIEUR DE POURCEAUGNA C.

ORONTE.

JULIE, Fille d'Oronte.

NERINE, Femme d'intrigue, feinte Picarde.

LUCETTE, feinte Gafconne.

ERASTE, Amant de Julie.

SBRIGANI, Néapolitain, homme d'intrigue.

PREMIER MEDECIN,

SECOND MEDECIN.

L'APOTICAIRE,

UN PAYSAN.

UNE PAYSANE.

PREMIER MUSICIEN

SECOND MUSICIEN.

n

C

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L'Ouverture fe fait par Erafte, qui con

duit un grand concert de voix & d'inftruens pour une Sérénade, dont les paroles hantées par trois voix en maniére de Dialo;ue, font faites fur le fujet de la Comédie, & xpriment les fentimens de deux amans, qui tant bien ensemble, font traversez par le aprice des parens.

ERASTE, aux Muficiens.

Suivez les Ordres que je vous ai donné pour la Sérénade; pour moi je me retire, & ne veux point paroître ici.

Premiere Voix.

Répan, charmante nuit, répan fur tous les

yeux,

De tes pavots la douce violence,

Et ne laiffe veiller en ces aimables lieux Que les coeurs que l'Amour foûmet à sa puiffance.

Tes ombres & ton filence

Plus beaux que le plus beau jour, Offrent de doux momens à foûpirer d'amour.

Deuxième Voix.

Que foûpirer d'amour

Eft une douce chofe,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose!

A d'aimables penchans nôtre cœur nous difpose.

Mais on a des Tyrans à qui l'on doit le jour : Que foûpirer d'amour

Eft une douce chofe,

Quand rien à nos vœux ne s'oppose !

Tout ce qu'à nos vœux on oppofe Contre un parfait amour në gagne jama

rien.

Et pour vaincre toute chofe,
Il ne faut que s'aimer bien.

Les troix Voix ensemble.

Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle,
Les rigueurs des parens,la contrainte cruelle,
L'abfence, les travaux, la fortune rebelle,
Ne font que redoubler une amitié fidelle:
Aimons-nous donc d'une ardeur éternelle,
Quand deux cœurs s'aiment bien,
Tout le refte n'eft rien.

La Sérénade eft fuivie d'une Dance de deux Pages, pendant laquelle quatre curieux de fpectacles, ayant pris querelle ensemble,mettent l'épée à la main. Aprés un affez agréable combat, ils font féparez par deux Suiffes, qui les ayant mis d'accord dancent avec eux, au fon de tous les inftrumens.

MON

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MONSIEUR

DE

POURCEAUGNAC,

COMED I E.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

JULIE, ERASTE, NERINE

JULIE.

On Dieu,Erafte,gardons d'être furpris;je tremble qu'on ne nous voye enfemble; & tout feroit perdu, aprés la défenfe que l'on m'a faite. ERAST E.

M

Je regarde de tous côtez & je n'apperçois rien. JULIE.

Aye auffi l'œil au guet, Nérine, & pren bien garde qu'il ne vienne perfonne.

NERIN E.

Repofez-vous fur moi, & dites hardiment ce que vous avez à vous dire.

JULIE.

Avez-vous imagine pour nôtre affaire quelque chofe de favorable, & croyez-vous, Erafte,pouvoir venir à bout de detourner ce fâcheux mariage que mon Pere s'eft mis en téte?

ERAST E.

Au moins y travaillons-nous fortement; & déja nous avons prépare un bon nombre de batteries pour renverfer ce deffein ridicule.

NE

NERIN E.

Par ma foi, voilà vôtre Pere.

JULIE.

Ah! féparons-nous vite.

NERIN E.

Non, non, non, ne bougez, je m'étois trompe JULIE

Mon Dieu, Nerine, que tu és fotte, de nous do ner de ces frayeurs!

ERAST E.

Oui, belle Julie, nous avons dreffé pour ce quantité de machines, & nous ne feignons point de mettre tout en ufage, fur la permiffion que vou m'avez donnée. Ne nous demandez point tous les refforts que nous ferons jouer, vous en aurez le divertiffement; & comme aux Comédies, il eft bo de vous laiffer le plaifir de la furprife, & de ne vous avertir point de tout ce qu'on vous fera voir, c'et affez de vous dire que nous avons en main diver ftratagémes tout prêts à produire dans l'occafion, & que l'ingénieufe Nérine & l'adroit Sbrigani entre prennent l'affaire.

NERIN E.

Affûrément. Vôtre Pere fe moque-t-il, de vouloir vous anger de fon Avocat de Limoges, Monfieur de Pourceaugnac, qu'il n'a vû de fa vie, & qui vient par le coche vous enlever à nôtre barbe Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, fur la parole de vôtre Oncle, luy faffent rejetter un Amant qui vous agrée? & une perfonne comme vous, eft-elle faite pour un Limofin? S'il a envie de fe marier, que ne prend-il une Limofine, & ne laiffe-t-il en repos les Chrêtiens? Le feul nom de Monfieur de Pourceaugnac m'a mis dans une colére effroyable. J'enrage de Monfieur de Pourceaugnac. Quand il n'y auroit que ce nom là, Monfieur de Fourceaugnac, j'y brûleray mes livres, ou je rom. pray ce mariage, & vous ne ferez point Madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac ! cela fe peut-il fouffrir? Non, Pourceaugnac eft une chose que je ne fçaurois fupporter, & nous lui jouerons tant de pièces, nous lui ferons tant de niches fur niches, que nous renvoyerons à Limoges Monfieur de Pourceaugnac.

ERA

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