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M. JOURDAIN.

Voyez l'impertinente, de parler de la forte à un Mamamouchi.

Me. JOURDAIN.

Comment donc ?

M. JOURDAIN.

Ouy, il me faut porter du refpect maintenant, & T'on vient de me faire Mamamouchi.

Me. JOURDAIN.

Que voulez-vous dire avec vôtre Mamamouchi?
M. JOURDAIN.

Mamamouchi, vous dis-je. Je suis Mamamouchi,
Me. JOURDAIN.

Quelle bête eft-ce-là?

M. JOURDAIN.

Mamamouchi, c'eft-à dire en nôtre langue, Pala din.

Me. JOURDAIN.

Baladin! Eftes- vous en âge de dancer des Ballets!
M. JOURDAIN.

Quelleignorante! Je dis Paladin; c'est une Dignite dont on vient de me faire la cérémonie.

Me. JOURDAIN.

Quelle cérémonie donc?

M. JOURDAIN.

Mahameta per Jordina.

Me. JOURDAIN.
Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. JOURDAIN.
Fordina, c'est-à-dire Jourdain.

Me. JOURDAIN

Hé bien quoy, Jourdain ?

M. JOURDAIN.
Valer far un Paladina de Jordina.
Me. JOURDAIN.

Comment?

M. JOURDAIN.
Darturbanta con galera.

Me. JOURDAIN.

Qu'est-ce à dire cela?

M. JOURDAIN
Per deffender Palestina.

Me. JOUR

Me. JOURDAIN.

Que voulez-vous donc dire?

M. JOURDAIN

Dara dara baflonnara.

Me.

JOURDAIN.

Qu'eft-ce donc que ce jargon-là?

M. JOURDAIN.

Non tener honta quefta ftar l'ultima affronta.
Me. JOURDAIN.
Qu'est-ce que c'est donc que tout cela?
M. JOURDAIN, dance & chante..
Hon la ba, ba la chou, ba laba, ba la da.
Me. JOURDAIN.

Helas! mon Dieu, mon mary eft devenu fou. '
M. JOURDAIN, fortant.

Paix, infolente, portez refpect à Monfieur le Ma

mamouchi.

Me. JOURDAIN.

Où eft ce qu'il a donc perdu l'efprit? Courons l'empêcher de fortir. Ah, ah, voici juftement le refte de nôtre écu. Je ne voy que chagrin de tous les côtez. Elle fort.

SCENE II.

DORANTE, DORIMENE.

DORANTE.

Oui, Madame, vous verrez la plus plaifante chofe qu'on puiffe voir; & je ne croy pas que dans tout le monde il foit poffible de trouver encore un homme auffi fou que celuy-là: Et puis, Madame, il faut tâcher de fervir l'amour de Cleonte, & d'appuyer toute fa mascarade. C'eft un fort galant homme, & qui mérite que l'on s'intéreffe pour luy.

DORIMENE.

J'en fais beaucoup de cas, & il eft digne d'une bonne fortune.

DORANTE.

Outre cela, nous avons ici, Madame, un ballet qui nous revient, que nous ne devons pas laiffer perdre, & il faut bien voir fi mon idée pourra rcüftir.

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DO.

DORIM EN E.

J'ay veu là des apprêts magnifiques, & ce font des chofes, Dorante, que je ne puis plus fouffrir. Oui, je veux enfin vous empêcher vos profufions ; & pour rompre le cours à toutes les dépenses que je vous vois faire pour moy, j'ay refolu de me marier promptement avec vous. C'en eft le vray secret, & toutes ces chofes finiffent avec le mariage.

DORANTE.

Ah! Madame, eft-il poffible que vous ayez pû prendre pour moy une fi douce réfolution?

DORIMENE.

Ce n'eft que pour vous empêcher de vous ruïner; & fans cela je vois bien qu'avant qu'il fût peu, vous n'auriez pas un fou.

DORANTE.

Que j'ay d'obligation, Madame, aux foins que vous avez de conferver mon bien! Il eft entierement à vous, auffi bien que mon cœur, & vous en userez de la façon qu'il vous plaira.

DORIM EN E.

J'uferay bien de tous les deux. Mais voici vôtre homme; la figure en eft admirable.

SCENE III.

MONSIEUR JOURDAIN,

DORANTE,

DORIMENE,

DORANTE.

Monfieur, nous venons rendre hommage, Mada-
me, & moy, à votre nouvelle Dignite, & nous
réjouir avec vous du mariage que vous faites de vô-
tre Fille avec le Fils du grand Turc.

M. JOURDAIN, aprés avoir fait
les reverences à la Turque.

Monfieur, je vous fouhaite la force des Serpens, & la prudence des Lions.

DORIMENE.

J'ay été bien aife d'être des premieres, Monfieur, à venir vous feliciter du haut degré de gloire où vous →etes monté.

M.

M. JOURDAIN.

Madame, je vous fouhaite toute l'année vôtre Rofier fleury; je vous fuis infiniment obligé de prendre part aux honneurs qui m'arrivent, & j'ay beaucoup de joye de vous voir revenue ici pour vous faire les trés-humbles excufes de l'extravagance de ma femme.

DORIMENE.

Cela n'eft rien, j'excufe en elle un pareil mouvement; vôtre cœur luy doit être précieux, & il n'est pas étrange que la poffeffion d'un homme comme vous puiffe infpirer quelques allarmes.

M. JOURDAIN.

La poffeffion de mon cœur eft une chose qui vous eft toute acquife.

DORAN TE.

Vous voyez, Madame, que Monfieur Jourdain n'eft pas de ces gens que les profperitez aveuglent, & qu'il fçait dans fa grandeur connoître encore fes

amis.

DORIMENE. C'est la marque d'une ame tout-à-fait genereuse.

DORANT E.

Où est donc Son Alteffe Turque? Nous voudrions bien, comme vos amis, luy rendre nos devoirs.

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M. JOURDAIN.

Le voilà qui vient, & j'ay envoyé querir ma Fille pour luy donner la main.

SCENE IV.

CLEONTE habille en Turc, COVIELLE,
MONSIEUR JOURDAIN, &c.

DORAN TE.

Monfieur, nous venons faire la reverence à Vô

tre Alteffe, comme amis de Monfieur vôtre Beau-Pere, & l'affurer avec refpect de nos trés-humbles fervices.

M. JOURDAIN.

Où eft le Truchement, pour luy dire qui vous

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étes,

étes, & luy faire entendre ce que vous dites? Vous verrez qu'il vous répondra, & il parle Turc à mer veille. Hola, où diantre eft-il allé? A Cl. Strof, firif. firof, firaf. Monsieur est un grande Segnore,grande Segnore, grande Segnore; & Madame une grands Dama, granda Dama. Ahi Monfieur, luy Mamsmonchi François, & Madame Mamamouchie Françoite. Je ne puis pas parler plus clairement. Bon, voici l'interprete. Où allez-vous donc? Nous ne fçaurious rien dire fans vous. Dites-luy un peu que Monfieur & Madame font des perfonnes de grande qualité, qui luy viennent faire la reverence, comme mes amis, & l'affurer de leurs fervices. Vous allez voir comine il va répondre.

COVIELLE.

Alabala crociam acciboram alabamen.

CLEON TE.

Catalequi tubal ourin fotor amalouchan.
M. JOURDAIN.

Voyez-vous ?

COVIELLE.

Il dit que la pluye des profperitez arrole en tout temps le jardin de vôtre famille.

M. JOURDAIN.

Je vous l'avois bien dit, qu'il parle Turc.

DORANTE.

Cela eft admirable.

SCENE V.

LUCILE, MONSIEUR JOURDAIN,DORANTE, DORIMENE, &c.

M. JOURDAIN.

Enez, ma Fille, approchez-vous, & venez donner vôtre main à Monfieur, qui vous fait l'honneur de vous demander en mariage.

LUCIL E.

Comment, mon Pere, comme vous voilà fait? Eft-ce une Comedie que vous jouez?

M. JOURDAIN.

Non, non, ce n'eft pas une Comedie, c'est une affaire fort fericufe, & la plus pleine d'honneur pour

Vous

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