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C

M. JOURDAIN.

Le Fils du grand Turc m'honore beaucoup, & je vous prie de me mener chez luy, pour luy en faire

mes remercimens.

COVIEL LE.

Comment? le voilà qui va venir ici.

M. JOURDAIN.

Ill va venir ici?

COVIELLE.

Ouy; & il amene toutes chofes pour la cérémonie de vètre Dignité.

M. JOURDAIN.

Voilà qui eft bien p
a prompt.

COVIELLE.

Son amour ne peut fouffrir aucun retardement.
M. JOURDAIN.

Tout ce qui m'embaraffe ici, c'est que ma Fille eft une opiniâtre, qui s'eft allée mettre dans la tête un certain Cléonte, & elle jure de n'époufer perfonne que celuy-là.

COVIELLE.

Elle changera de fentiment, quand elle verra le Fils du grand Turc; & puis il fe rencontre ici une avanture merveilleufe, c'eft que le Fils du grand Turc reffemble à ce Cléonte, à peu de chofe prés. Je viens de le voir, on me l'a montré; & l'amour qu'elle a pour l'un, pourra paffer aifément à l'autre, &.... Je l'entens venir, le voilà.

SCENE IV.

CLEONTE en Turc, avec trois Pages portant fa
Vefie, MONSIEUR JOURDAIN,
COVIELLE déguisé.

AMboufahim oqui buraf, Fordina, falamalequi,

COVIELLE.

C'eft-à-dire ; Monfieur Jourdain, vôtre cœur foit toute l'année comme un Rofier fleury. Ce font façons de parler obligeantes de ces Païs-là.

M. JOURDAIN.

Je fuis trés-humble ferviteur de fon Alteffe Tur

que.

CO.

COVIELLE.

Carigar cambote ouftin moraf.

CLEONT E.

Ouftin joc catamale qui basam basac alla meram,
COVIELLE.

Il dit que le Ciel vous donne la force des Lions, & la prudence des ferpens.

M. JOURDAIN.

Son Alteffe Turque m'honore trop, & je luy fou haite toutes fortes de profperitez.

COVIELLE.

Offa binanim fadec babally oraeaf ouram.

Bel men.

CLEON TE.

COVIELLE.

Il dit que vous alliez vite avec luy vous préparer pour la ceremonie, afin de voir en fuite vôtre Fille, & de conclurre le mariage.

M. JOURDAIN.

Tant de chofes en deux mots?

COVIELLE.

Ouy, la langue Turque eft comme cela, elle dit beaucoup en peu de paroles. Allez vite ou il fou haite..

SCENE V.

DORANTE, COVIELLE

COVIELL E.

HA, ha, ha. Ma foy, cela eft tout-à-fait drôle. Quelle dupe! Quand il auroit appris fon rôle parcoeur, il ne pourroit pas le mieux jouer. Ah,ah. Je vous prie, Monfieur, de nous vouloir aider céans dans une affaire qui s'y paffe.

DORANT E.

Ah, ah, Covielle, qui t'auroit reconnu? Comme te voilă ajusté !

COVIELLE.

Vous voyez. Ah, ah.

De quoy ris-tu ?

DORANTE.

CO

COVIEL L E.

D'une chofe, Monfieur, qui le mérite bicn.

Comment?

DORANT E.

COVIELLE.

Je vous le donnerois en bien des fois, Monfieur, à deviner, le ftratagéme dont nous nous fervons auprés de Monfieur Jourdain, pour porter fon efprit à donner fa Fille à mon Maitre.

DORANTE.

Je ne devine point le ftratagéme, mais je devine qu'il ne manquera pas de faire fon effet, puis que tu l'entreprens.

COVIELLE

Je (çay, Monfieur que la bête vous eft connuë.
DORANT E.

Apprens-moy ce que c'eft.

COVIELLE.

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Prenez la peine de vous tirer un peu plus loin pour faire place à ce que j'apperçois venir. Vous pourrez voir une partie de l'hiftoire, tandis que je vous conteray le refte.

La Cérémonie Turque pour annoblir le Bourgeois,fe fait en Dance & en Mufique, & compofe le quatrième Inter

méde.

1E Mufti, quatre Dervis, fix Turcs dan fant, fix Turcs Muficiens, & autres Joueurs d'inftrumens à la Turque, font les Acteurs de cette cérémonie.

Le Mufti invoque Mahomet avec les douze Turcs & les quatre Dervis; aprés on luy amene le Bourgeois vétu à la Turque, fans Turban & fans Sabre, auquel il chante ces paroles.

LE MUFTI.

Se ti fabir.
Ti refpondir
Se non fabir
Tazir, tazir.
Miftar Mufti.
Ti qui ftar ti.
Non intendir
Tazir, tazir.

Le

Le Mufti demande en même langue aux Turcs affiftans, de quelle Religion eft le Bourgeois, & ils l'affûrent qu'il eft Mahometan. Le Mufti invoque Mahomet en langue Franque, & chante les paroles qui fuivent.

LE MUFTI.
Mahametta per Giourdina.
Mi pregar fera e mattina.
Voler far un Paladina.
De Giourdina, de Giourdina
Dar Turbanta e dar foarcina
Con Galerae Brigantina

Per deffender Palestina.

Mahametta, &c.

Le Mufti demande aux Turcs file Bourgeois fera ferme dans la Religion Mahometane, & leur chante ces paroles.

LE MUFTI.

Star bon Turca, Giourdina?
LES TCR C S.

Hey valla.

LE MUFTI, dance & chante ces mots.
Hula ba, ba la chou, ba la ba, bala da.

Les Turcs repetent les mémes mots.
Le Mufti propofe de donner le Turban au Bour-
geois, & chante les paroles qui fuivent.
LE MUFTI.
Ti non ftar Furba.
LES TURC S.
No no no.

LE MUFTI.

Non ftar furfanta.

LES TURCS.

No no no.

LE MUFT 1.

Denar Turbanta, donar Turbanta.

Les Turcs repétent tout ce qu'a dit le Mufti pour donner le Turban au Bourgeois. Le Mufti & les Dervis fe coëffent avec des Turbans de cérémonie, & l'on préfente au Mufti l'Alcoran, qui fait une feconde invocation avec tout le refte des Turcs affiftans, aprés fon invocation, il donne au Bourgeois l'épée, & chante ces paroles.

LE

LE MUFTI.

Ti far nobile e non ftar fabbola.
Pigliar fchiakbola.

Les Turcs repétent les mêmes mots, mettant tous le Sabre à la main, & fix d'entre eux dancent autour du Bourgeois, auquel ils feignent de donner plufieurs coups de Sabre.

Le Mufti commande aux Turs de bâtonner le Bourgeois, & chante les paroles qui fuivent.

LE MUFTI.

Dara dara,

Baftonara baflonara.

Les Turcs repétent les mêmes paroles, & luy donnent plufieurs coups de bâton en cadence. Le Mufti aprés l'avoir fait bâtonner, luy dit en chantant.

LE MUFTI.

Non tener honta

Queftar ftar l'ultima affronta. 7

Les Turcs repétent les mémes vers.

Le Mufti recommence une invocation, & fe retire aprés la cérémonie avec tous les Turcs, en dançant & chantant avec plusieurs inftrumens à la Tur

que.

Fin du Quatriéme Acte.

ACTE CINQUIE'ME.

SCENE I.

MADAME JOURDAIN, MONSIEUR
JOURDAIN.

A

Me. JOURDAIN.

H mon Dieu mifericorde! Qu'est-ce que c'eft donc que cela? Quelle figure! Eft ce un Momon que vous allez porter; & eft-il temps d'aller en Mafque? Parlez donc qu'est-ce que c'eft que ceci? Qui vous a fagoté commecela?

M. JOUR

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