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M. JOURDAIN.

Je n'ay rien fait encore, Madame, pour meriter

cette grace.

DORANTE, bas à M. Jourdain. Prenez bien garde au moins, à ne luy point parler du Diamant que vous luy avez donné.

M. JOURDAIN.

Ne pourrois-je pas feulement luy demander comment elle le trouve?

DORAN TE..

Comment? gardez-vous en bien. Cela feroit vilain à vous, & pour agir en galant homme, il faut que vous faffiez comme fi ce n'étoit pas vous qui luy euffiez fait ce prefent. Monfieur Jourdain, Madame, dit qu'il eft ravi de vous voir chez luy.. DORIME NE..

Il m'honore beaucoup.

M. JOURDAIN.

Que je vous fuis obligé, Monfieur, de luy parler ainfi pour moy!

D. OR A. N T E..

J'ay eu une peine effroyable à la faire venir içi.
M. JOURDAIN.

Je ne fçay quelles graces vous en rendre.

DORANTE.

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Il dit, Madame, qu'il vous trouve la plus belle. perfonne du monde.

DORIM EN E.

C'eft bien de la grace qu'il me fait.

M. JOURDAIN.

Madame, c'eft vous qui faites les graces, &.....

DORAN T. E...

Songeons à manger.

LAQUA I S.

Tout eft preft, Monfieur.

D. OR ANTE.

Allons donc nous mettre à table, & qu'on faffe venir les Muficiens.

Six Caifiniers,qui ont preparé le Feftin,dancent enseins ble,& font le troifiéme Intermede;aprés quoy ils apportent? une table couverte de plufieurs mets.

Fin du treifiéme Adle.

Nnns

ACTE

ACTE QUATRIE'ME.

SCENE I.

DORANTE, DORIMENE, MONSIEUR JOUR-
DAIN, DEUX MUSICIENS, UNE
MUSICIENNE, LAQUAIS.

C

DORIMENE.

Omment, Dorante, voilà un repas tout-à-
fait magnifique!

M. JOURDAIN.

Vous vous moquez, Madame, & je voudrois qu'il fût plus digne de vous être offert. Tons fe mettent à table.

DORANTE.

Monfieur Jourdain a raifon, Madame, de parler de la forte, & il m'oblige de vous faire fi bien les honneurs de chez luy. Je demeure d'accord avec luy, que le repas n'eft pas digne de vous. Comme c'eft moy qui l'ay ordonné,& que je n'ay pas fur cette matiere les lumieres de nos amis, vous n'avez pas ici un repas fort fçavant,& vous y trouverez des incongruitez de bonne chere, & des barbarifmes de bon goût. Si Damis nôtre ami s'en étoit mêlé, tout feroit dans les regles; il y auroit par tout de l'élegance & de l'érudition, & il ne manqueroit pas de vous exagerer luy-même toutes les pieces du repas qu'il vous donneroit, & de vous faire tomber d'accord de fa haute capacité dans la fcience des bons morceaux; de vous parler d'un pain de rive à bizeau doré, relevé de croûte par tout, croquant tendrement fous la dent; d'un vin à feve veloutée, armé d'un vert qui n'eft point trop commandant; d'un carré de mouton gourmandé de perfil; d'une longe de veau de riviere, longue comme cela, blanche, délicate, & qui fous les dents eft une vraye pafte d'amande; de perdrix relevées d'un fumet furprenant; & pour fon Opera, d'une foupe à bouillon perlé, foûtcnuë d'un jeune gros dindon, cantonnée de pigeonneaux, & couron

née

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née d'oignons blancs, mariez avec la chicorée. Mais pour moy, je vous avoue mon ignorance; & comme Monfieur Jourdain a fort bien dit, je voudrois que le repas fût plus digne de vous être offert.

DORIMENE.

Je ne répons à ce compliment, qu'en mangeant comme je fais.

M. JOURDAIN.

Ah que voilà de belles mains!

DORIMENE.

Les mains font mediocres, Monfieur Jourdain; mais vous voulez parler du Diamant qui eft fort beau. M. JOURDAIN.

Moy, Madame! Dieu me garde d'en vouloir parler; ce ne feroit pas agir en galant homme, & le Diamant eft fort peu de chose.

DORIMENE.

Vous étes bien dégoûté.

M. JOURDAIN.

Vous avez trop de bonté...

DORANTE, aprés avoir fait figne à M. Jourdain. Allons, qu'on donne du vin à Monfieur Jourdain, & à ces Meffieurs qui nous feront la grace de nouschanter un air à boire.

DORIMENE.

C'eft merveilleufement affaifonner la bonne chere, que d'y mêler la Mufique ; & je me vois icy admi-rablement regalée.

M. JOURDAIN.

Madame, ce n'eft pas...

DORANT E.

Monfieur Jourdain, preftons filence à ces Meffieurs; ce qu'ils nous diront vaudra mieux que tout ce que nous pourrions dire.

Les Muficiens & la Muficienne prennent des verres, chantent deux Chansons à boire, & font foûtenus de toute la Simphonie.

PREMIERE CHANSON A BOIRE.

UN petit doigt, Philis, pour commencer le tour:
Ah! qu'un verre en vos mains a d'agreables char-
mes!

Vous, & le vin, vous vous prêtez des armes,
Et je feus pour tous deux redoubler mon amour :
Entre luy, vous & moy, jurons jurons ma belle,
Une ardeur eternelle.

Qu'en monillant votre bouche il en reçoit d'attraits?”
Et que l'on voit par lay vôtre bouche embellie!
Et l'un de l'autre ils me donnent envie,

Ah de vous & de luy je m'enyvre à longs traits:
Entre luy, vous & moy, jurons, jurons ma belle,
Une ardeur eternelle.

SECONDE CHANSON A BOIRE..

BUvons, chers Amis, buvons,

Le temps qui fuit nous y convie:
Profitons de la vie,

Autant que nous pouvons:
Quand on a paffé l'onde noire,
Adieu le bon vin, nos amours ;,
Dépêchons nous de boire,

On ne boit pas toûjours.

Laiffons raisonner les fots
Sur le vray bonheur de la vie ;.
Notre Philofophie

Le met parmy les pots:
Les biens, le fçavoir, & la gloire,
N'otent point les foucis fâcheux;
Et ce n'eft qu'a bien boire
Que l'on peut être heureux.

Sus, fus du vin, par tout verfez, garçons versex,
Verfex, verfez tokjours, tant qu'on vous dife affez
DORIMENE.

Je ne croy pas qu'on puiffe mieux chanter, & cela eft tout-à-fait beau.

M. JOURDAIN.

Je vois encore ici, Madame, quelque chofe de plus beau.

DORIMENE..

Quais, Monfieur Jourdain eft galant plus que je ne penfois.

DO.

DORANTE.

Comment, Madame, pour qui prenez-vous Monfeur Jourdain?

M. JOURDAIN.

Je voudrois bien qu'elle me prit pour ce que je di

rois.

DOR FM E NE

Encore!

DORANTE.

Vous ne le connoiffez pas.

M.. JOURDAIN

Elle me connoîtra quand il luy plaira.

DORIMENE.

Oh je le quitte.

DORANT E.

Il eft homme qui a toûjours la ripofte en main. Mais vous ne voyez pas que Monfieur Jourdain, Madame, mange tous les morceaux que vous avez couchez.

DORIMENE.

Monfieur Jourdain eft un homme qui me ravit.
M. JOURDAIN.

Si je pouvois ravir vôtre cœur, je serois.....

SCENE II:

MADAME JOURDAIN, MONSIEUR JOURDAIN, DORIMENE, DORANTE,

MUSICIENS, MUSICIENNE,

LAQUAIS,

Me. JOURDAIN

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AH, ah, je trouve ici bonne compagnie, & je voy
bien qu'on ne m'y attendoit pas C'est donc pour
cette belle affaire-ci, Monfieur mon Mary,que vous
avez eu tant d' mpreffement à m'envoyer diner
chez ma Soeur? Je viens de voir un theatre là-bas
& je vois ici un banquet à faire nôces.. Voilà comme
vous dépensez vôtre bien, & c'est ainfi que vous fe
ftinez les Dames en mon abfence, & que vous leur
donnez la Mufique & la Comedie, tandis que vous
m'envoyez promener.

DO

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