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Me. JOURDAIN.

C'eft une chofe, moy, où je ne confentiray point. Les alliances avec plus grand que foy, font fujettes toûjours à de fâcheux inconveniens. Je ne veux point qu'un gendre puiffe à ma Fille reprocher fes parens, & qu'elle ait des enfans qui ayent honte de m'appeller leur Grand-Maman. S'il falloit qu'elle me vint vifiter en équipage de Grand'-Dame, & qu'elle manquât par mégarde à falûer quelqu'un du quartier, on ne manqueroit pas auffi-tôt de dire cent fottifes. Voyez-vous, diroit-on, cette Madame la Marquife qui fait tant la glorieuse? c'eft la Fille de Monfieur Jourdain, qui étoit trop heureuse, étant petite, de jouer à la Madame avec nous: Elle n'a pas toûjours été fi relevée que la voilà; & fes deux Grands-Peres vendoient du drap auprés de la porte Saint innocent. Ils ont amaffé du bien à leurs enfans, qu'ils payent maintenant, peut-être, bien cher en l'autre monde, car l'on ne devient gueres fi riches à être honnêtes gens. Je ne veux point tous ces caquets & je veux un homme en un mot qui m'ait obligation de ma Fille, & à qui je puiffe dire, mettez-vous-là, mon gendre, & dînez avec moy.

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M. JOURDAIN.

Voilà bien les fentimens d'un petit Efprit, de vouloir demeurer toûjours dans la baffefle. Ne me repliquez pas davantage, ma Fille fera Marquife en dépit de tout le monde ; & fi vous me mettez en colere, je la feray Ducheffe.

Me. JOURDAIN.

Cleonte, ne perdez point courage encore. Suivezmoy, ma Fille, & venez dire réfolument à votre Fere, que fi vous ne l'avez, vous ne voulez époufer perfonne.

SCENE XIII.

CLEONTE,

COVIELLE...

COVIELLE.

Vous avez fait de belles affaires, avec vos beaux

fentimens,

CLEON

S

CLEON TE.

Que veux-tu ? J'ay un fcrupule là-deffus, que l'exemple ne fçauroit vaincre.

COVIELLE.

Vous moquez-vous, de le prendre seriensement avec un homme comme cela? Ne voyez-vous pas qu'il eft fou & vous couftoit-il quelque chofe de vous accommoder à fes chimeres?

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Tu as raison; mais je ne croyois pas qu'il falât faire fes preuves de nobleffe, pour être gendre de Monfieur Jourdain.

Ah, ah, ah.

COVIEL L.E..

CLEON TE.

COVIELLE.

Dequoy ris-tu?

D'une penfée qui me vient pour jouer nôtre hom-me, & vous faire obtenir ce que vous fouhaitez.

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COVIELLE.

Il s'eft fait depuis peu une certaine mascarade qui vient le mieux du monde ici, & que je pretens faire entrer dans une bourde que je veux faire à nôtre ridicule. Tout cela fent un peu fa Comedie ; mais avec luy on peut hazarder toute chofe, il n'y faut point chercher tant de façons, il eft homme à y jouer fon rôle à merveille, & à donner ailément dans toutes les fariboles qu'on s'avifera de luy dire. J'ay les Acteurs, j'ay les habits tout prêts, laiffez-moy faire feulement.

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Je vais vous inftruire de tout; retirons-nous, le

voilà qui revient.

Nnn 3

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MONSIEUR JOURDAIN, LAQUAIS.

M. JOURDAIN.

Ve diable eft-ce-là! Ils n'ont rien que les grands Seigneurs à me reprocher; & moy je ne vois rien de fi beau, que de hanter les grands Seigneurs: il n'y a qu'honneur & que civilité avec eux, & je voudrois qu'il m'eût coûté deux doigts de la main, & être né Comte, ou Marquis.

LAQUA I S.

Monfieur, voici Monfieur le Comte, & une Dame qu'il mene par la main.

M. JOURDAIN.

Hé mon Dieu, j'ay quelques ordres à donner. Dyleur que je vais venir ici tout-à-l'heure.

SCENE XV.

DORIMENE, DORANTE,

LAQUAIS.

LAQUAI S.

Monfieur dit comme cela, qu'il va venir ici tout

à-l'heure.

DORANTE.

Voilà qui eft bien.

DORIMENE.

Je ne fçay pas, Dorante; je fais encore ici une étrange demarche, de me laiffer amener par vous dans une maison où je ne connois perfonne.

DORANTE.

Quel lieu voulez-vous donc, Madame, que mon amour choififfe pour vous régaler, puis que pour fuir l'éclat, vous ne voulez ny vôtre maison, ny la mienne.

DORIMENE.

Mais vous ne dites pas que je m'engage infenfiblement châque jour à recevoir de trop grands témoignages de vôtre paffion? J'ay beau me défendre des chofes, vous fatiguez ma resistance, & vous avez

une

une civile opiniâtreté qui me fait venir doucement à tout ce qu'il vous plaît. Les vifites frequentes ont commencé; & les déclarations font venues en fuite, qui apres elles ont traîné les ferenades & les cadeaux, que les prefens ont fuivi. Je me fuis oppofée à tout cela, mais vous ne vous rebutez point, & pied à pied vous gagnez mes réfolutions. Pour moy je ne puis plus répondre de rien, & je croy qu'à la fin vous me ferez venir au mariage dont je me fuis tant éloignée.

DORANTE.

Ma foy, Madame, vous y devriez déja être. Vous étes veuve, & ne dependez que de vous. Je fuis maître de moy, & vous aime plus que ma vie. A quoy tient-il que des aujourd'huy vous ne faffiez tout mon bonheur?"

DORIMENE.

Mon Dieu, Dorante, il faut des deux parts bien des qualitez pour vivre heureufement ensemble; & les deux plus raifonnables perfonnes du monde, ont fouvent peine à composer une union dont ils soient fatisfaits.

DORANT E.

Vous vous moquez, Madame, de vous y figurer tant de difficultez; & l'experience que vous avez faite, ne conclut rien pour tous les autres.

DORIMENE.

Enfin,j'en reviens toûjours-là. Les dépenfes que je vous voy faire pour moy, m'inquietent par deux raifons; l'une, qu'elles m'engagent plus que je ne voudrois; & l'autre, que je fuis feure, fans vous déplaire, que vous ne les faites point, que vous ne vous incommodiez; & je ne veux point cela.

DORANTE. Ah, Madame, ce font des bagatelles, & ce n'est pas par-là...

DORIMEN E.

Jefçay ce que je dis, & entr'autres le Diamant que vous m'avez forcée à prendre, eft d'un prix... DORANTE,

Eh, Madame, de grace, ne faites point tant valoir une chofe que mon amour trouve indigne de vous , & fouffrez... Voici le Maître du logis.

Nnn 4

SCE

SCENE XVI.

MONSIEUR JOURDAIN, DORIMENE, DORANTE, LAQUAIS.

M. JOURDAIN aprés avoir fait deux reverences, Je trouvant trop prés de Dorimene.

UN peu plus loin, Madame.

Comment?

DORIMENE.

M. JOURDAIN.

Un pas, s'il vous plaît.

Quoy donc?

DORIMENE..

M. JOURDAIN.

Reculez un peu, pour la troifiéme.
DORANT E.

Madame, Monfieur Jourdain sçait fon monde.
M. JOURDAIN.

Madame, ce n'eft une gloire bien grande, de me voir affez fortuné, pour être fi heureux, que d'avoir le bonheur, que vous ayez eu la bonté de m'accorder la grace, de me faire l'honneur,de m'honorer de la faveur de vôtre prefence: Et fi j'avois auffi le merite, pour meriter un merite comme le vôtre, & que le Ciel.... envieux de mon bien... m'cût accordé... l'avantage de me voir digne... des...

DORANT E.

Monfieur Jourdain, en voilà affez, Madame n'aime pas les grands complimens, & elle fçait que vous étes homme d'efprit. bas à Dorimene. C'est un bon Bourgeois affez ridicule, comme vous voyez dans toutes fes manieres.

DORIMENE.
Il n'eft pas malaifé de s'en appercevoir.

DORANTE.

Madame, voilà le meilleur de mes amis.
M JOURDAIN.

C'eft trop d'honneur que vous me faites.
DORAN TE.

Galent homme tout-à-fait.

DORIMENE.

J'ay beaucoup d'estime pour luy,

M.

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