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Me. JOURDAIN.

Quand il eft une fois avec luy, il ne peut le quit

ter.

DORANT E.

Je luy ay fait valoir comme il faut la richeffe de ce. Préfent, & la grandeur de vôtre amour.

M. JOURDAIN,

Ce font, Monfieur, des bontez qui m'accablent; &je fuis dans une confufion la plus grande du monde, de voir une perfonne de votre qualité s'abaiffer pour moy à ce que vous faites."

DORANT E.

Vous moquez-vous? Eft-ce qu'entre amis on s'arrête à ces fortes de fcrupules? Et ne feriez-vous pas pour moy la même chofe fi l'occafion s'en offroit à M. JOURDAIN,

Ho affûrément, & de trés-grand cœur.
Me. JOURDAIN

Que fa préfence me péfe fur les épaules!
DORANTE.

Pour moy, je ne regarde rien, quand il faut fervir un amy; & lors que vous me fites confidence de l'ardeur que vous aviez prife pour cette Marquife agréable, chez qui j'avois commerce, vous vites que, d'abord je m'offris de moy-même à fervir votre

amour.

M. JOURDA I N.

Il eft vray,

dent.

ce font des bontez qui me confon

Me. JOURDAIN.

Eft-ce qu'il ne s'en ira point?

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NICOLE

Ils fe trouvent bien ensemble.

DORANT E.

& vos

Vous avez pris le bon biais pour toucher fon cœur. Les femmes aiment fur tout les dépenfes qu'on fait pour elles; & vos fréqentes férénades bouquets continuels, ce fuperbe feu d'artifice qu'elle trouva fur l'eau, le diamant qu'elle a receu de vôtre part, & le cadeau que vous luy préparez tout cela luy parle bien mieux en faveur de vôtre. amour, que toutes les paroles que vous auriez pû luy dire vous-même.

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M. JOURDAIN.

Il n'y a point de depenfes que je ne fiffe, fi par là je pouvois trouver le chemin de (on cœur. Une femme de qualité a pour moy des charmes raviffans, & c'est un honneur que j'acheterois au prix de toutes choses.

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Me. JOURD ΑΙΝ.

Que peuvent-ils tant dire enfemble? Va-t-en un peu tout doucement prêter l'oreille.

DORANTE.

Ce fera tantôt que vous joüirez à vôtre aïfe du plaifir de fa veue, & vos yeux auront tout le temps de fe fatisfaire. M. JOURDAIN.

Pour être en pleine liberté, j'ay fait en forte que ma femme ira diner chez ma Soeur, ouelle paffera toute l'apredinée.

DORANTE.

Vous avez fait prudemment,. & vôtre femme auroit pû nous embarraffer. J'ay donné pour vous l'ordre qu'il faut au cuifinier, & à toutes les chofes qui font neceffaires pour le Ballet. Il eft de mon inventions & pourveu que l'exécution puiffe répondre à l'idée, je fuis feur qu'il fera trouvé...

M. JOURDAIN, s'apperçoit que Nicole Econte, & lui donne un soufflet.

Ouais, vous etes bien impertinente. Sortons, s'il vous plaît.

SCENE VII.

MADAME JOURDAIN, NICOLE

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NICOLE.·

MA foy, Madame, la curiofité m'a coûte quelque chofe; mais je croy qu'il y a quelque anguille fous roche, & ils parlent de quelque affaire, où ils ne veulent pas que vous foyez.

Me: JOURDAIN.

Ce n'eft pas d'aujourd'huy. Nicole, que j'ay con ceu des foupçons de mon mari. Je fuis la plus trom. pée du monde, ou il y a quelque amour en campa gne, & je travaille à découvrir ce que ce peut erre,

Mais fongeons à ma Fille. Tu fçais l'amour que
Cléonte a pour elle. C'est un homme qui me re-
vient, &je veux aider fa recherche, & luy donner-
Lucile, fi je puis.
NICOL E..

En vérité, Madame, je luis la plus ravie du monde, de vous voir dans ces fentimens; car fi le Maître vous revient, le valet ne me revient pas moins, & je fouhaiterois que nôtre mariage fe pût faire à l'ombre du leur.

Mc. JOURDAIN.

Va-t-en luy parler de ma part, & luy dire que tout à l'heure il me vienne trouver, pour faire eniemble à mon mary la demande de ma fille.

NICOLE.

J'y cours, Madame, avec joye, & je ne pouvois recevoir une commiffion plus agréable. Je vay, je penfe, bien réjouir les gens.

SCENE VIII.

CLEONTE, COVIELLE, NICOLE.

NICOLE.

AH vous voilà tous à propos. Je fuis une Ambassadrice de joye, & je viens... CLEON T E.

Retire-toy, perfide, & ne me vien point amufer avec tes traîtreffes paroles.

NICOLE.

Eft-ce ainfi que vous recevez...

CLEONTE.

Retire-toy, te dis-je, & va-t-en dire de ce pas ton infidelle Maîtreffe, qu'elle n'abufera de fa vie le trop fimple Cléonte.

NICOL E.

Quel vertigo eft-ce donc-là? Mon pauvre Coviel.le, dy moy un peu ce que cela veut dire ?

COVIELLE.

Ton pauvre Covielle, petite fçelerate? Allons vite, ôre-toy de mes yeux, vilaine, & me laiffe en repos.

NICOL E.

Quoy, tu me viens auffi....

COVIELLE.

Ote-toy de mes yeux, te dis-je, & ne me parle

de ta vie..

NICOL F..

Otais! Quelle mouche les a piquez tous deux ? Allons de cette belle hiftoire informer ma Maîtreffe.

SCENE IX.

CLEONTE, COVIELLE.

CEE ONT F.

Uoy, traiter un amant de la forte; & un amant le plus fidelle, & le plus paffionné de tous les

amans?

COVIELLE.

C'eft une chofe épouvantable, que ce qu'on nous fait à tous deux.

CLEONTE.

Je fais voir pour une perfonne toute l'ardeur, & toute la tendreffe qu'on peut imaginer; Je n'aime rien au monde qu'elle, & je n'ay qu'elle dans l'efprit Elle fait tous mes foins, tous mes defīrs, toute ma joye; je ne parle que d'elle, je ne pense qu'à elle, je ne fais des fonges que d'elle, je ne refpire que par elle, mon cœur vit tout en elle; & voilà de tant d'amitié la digne recompenfe! je fuis deux jours fans la voir, qui font pour moy deux fiécles effroyables; je la rencontre par hazard; mon cœur à cette veuë fe fent tout tranfporté, ma joye éclate fur mon vifage; je vole avec raviffement vers elle; & l'infidelle détourne de moy fes regards, & paffe brusquement comme fi de fa vie elle ne m'avoit veu !!

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COVIELLE..

Je dis les mêmes chofes que vous.

CLEONTE.

Peut-on rien voir d'égal, Covielle, à cette perfi fidie de l'ingrate Lucile ?

白糖

les

le?

COVIELLE.

Et à celle, Monfieur, de la pendarde de Nico

CLEONT E.

Aprés tant de facrifices ardens, de foûpirs, & de vœux que j'ay fait à fes charmes!

COVIELLE.:

Aprés tant d'affidus hommages, de foins,& de fervices que je luy ay rendu dans fa cuifine!

CLEON TE.

Tant de larmes que j'ay vertées à fes genoux !
COVIELLE.

Tant de feaux d'eau que j'ay tirez au puits pour

elle?

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COVIELLE.LE

Tant de chaleur que j'ay foufferte à tourner la broche à fa place!

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CLEONTE.

Elle me fuit avec mépris!

COVIE L ́LE.

Elle me tourne le dos avec effronterie!

CLEON TE.

C'est une perfidie digne des plus grands châti

mens.

COVIELLE.

C'est une trahison à mériter mille foufflets.

CLEON TE.

Ne t'avife point, jete prie, de me parler jamais. pour elle.

COVIELLE.

Moy, Monfieur? Dieu m'en garde.

.CLE ONTE.

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Non, vois-tu, tous tes difcours pour la défendre ne ferviront de rien.

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COVIEL LE

Qui fonge à cela ?

CLEON

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