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Me. JOURDAIN
Oui, nous ne le fçavons que trop.
DORAN TE.

Vous m'avez genereufement prêté de l'argent en plufieurs occafions,& vous m'avez obligé de la meilleure grace du monde, affurément.

M. JOURDAIN

Monfieur, vous vous moquez.

DORANTE.

Mais je fcai rendre ce qu'on me prête, & reconnoître les plaifirs qu'on me fait.

(

M. JOURDAIN.

Je n'en doute point, Monfieur.

DORANTE.

Je veux fortir d'affaire avec vous; & je viens ici pour faire nos comptes enfemble.

M. JOURDAIN.

He bien, vous voyez votre impertinence, ma femme.

DORANTE.

Je fuis homme qui aime à m'acquiter le plûtôt que je puis.

M. JOURDAIN.

Je vous le difois bien.

DORANTE.

Voyons un peu ce que je vous doy.

M. JOURDAIN.

5. Vous voilà, avec vos foupçons ridicules.

DORANTE.

Vous fouvenez-vous bien de tout l'argent que vous m'avez prêté ?

M. JOURDAIN.

Je croy que oui. J'en ay fait un petit memoire. Le voici, Donné à vous une fois,. deux cens Louis.

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OT

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Oui. .

DORANTE. M
"!) 1:

M. JOURDAIN.

Et une autre fois, cent quarante

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DO

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DORANTE.

Vous avez raison.

M. JOURDAIN.

Ces trois articles font quatre cens foixante Louis, qui valent cinq mille foixante livres.

DORANT E.

T

Le compte eft fort bon. Cinq mille foixante li

vies.

M. JOURDAIN.

Mille huit cens trente-deux livres à vôtre Plu maffier.

Juftement.

DORANTE..

M. JOURDA I N.

Deux mille fept cens quatre-vingts livres à vôtre Tailleur.

Il eft vray

DORAN TES

M. JOURDAIN.

I

Quatre mille trois cens feptante neuf livres douze fols huit deniers à vôtre Marchand..

DORAN TE.

Fort-bien. Douze fols huit deniers; Le compte:

eft jufte.

M. JOURDAIN.

Et mille fept cens quarante-huit livres fept fols quatre deniers à vôtre Sellier.

DORAN TE..

: Tout cela eft veritable. Qu'est-ce que cela fait
M. JOURDAIN.
Somme totale, quinze mille huit cens livres
DORANTE.

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Somme totale eft jufte; Quinze mille huit cens livres Mettez encore deux cens Piftoles que vous m'allez donner, cela fera juftement dix-huit mille p francs, que je vous payerayau premier jour.. Me. JOUR DALN

Hé bien, ne l'avois je pas bien devine?
M. JOURDAINeri t

Paix

DORAN TE

Cela vous incommodera-t-il, de me donner ce que je vous dis

J

Mim m: Si

Eh non.

M. JOURDAIN.

Me. JOURDAIN.

Cet Homme là fait de vous une Vache à lait.
M. JOURDAIN.

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Si cela vous incommode, j'en iray chercher ailleurs.

M. JOURDAIN.

Non, Monfieur.

Il ne fera

Me. JOURDAIN,

pas content, qu'il ne vous ait suïné.
M JOURDAIN,

Taifez-vous, vous dis-je,

DORANTE.

Vous n'avez qu'à me dire ficelà vaus embaraffe. M. JOURDAIN.

Point, Monfieur.

3.5.

Me. JOURDAIN.

C'est un vray enjoleux.

M. JOURDAIN.

Taifez-vous donc.

Me. JOURDAIN.
Il vous fuccera jufqu'au dernier fou.
M. JOURDAIN.

Vous tairez-vous?

"

DOR ANTE.

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Pay force gens qui m'en prefteroient avec joye: mais comme vous etes mon meilleur Ami, j'ay cru que je vous ferois tort, fi j'en demandois à quelqu'autre,

2193 and M. JOURDAIN.

200

"C'eft trop d'honneur, Monfieur, que vous me fair tes. Je vay querir-vôtre affaire

Me.JOURDAIN.

Quoy, vous allez encore luy donner cela?
M. JOURDAIN.J

Que faire? Voulez-vous que je refuse un homme de cette condition-là, qui a parlé de moy ce matin dans la chambre du Roy? A я

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Me. JOURDAIN
Allez, vous étes une vraye dupe.

SCE

SCENE v.

DORANTE, MADAME JOURDAIN NICOLE.

DORANTE.

Vous me femblez route mélancolique. Qu'avezvous, Madame Jourdain?

Me. JOURDAIN.

J'ayla tête plus groffe que le poing, & fi elle n'eft pas enflée. DORANTE.

Mademoiselle vôtre Fille, où eft-elle, que je ne la voy point?

Me. JOURDAIN.

Mademoiselle ma Fille eft bien où elle eft.

DORANT E.

Comment fe porte-t-elle?

Me. JOURDAIN..

Elle fe porte fur fes deux jambes.

DORANTE.

Ne voulez-vous poiut un de ces jours venir voir avec elle, le Ballet & la Comedie que l'on fait chez le Roy?

T

Me, JOURDAIN.

Oûi vrayment, nous avons fort envie de rire," envie de rire nous avons.

DORANTE.

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Je penfe, Madame Jourdain, que vous avez eu bien des amans dans votre jeune âge, belle & d'agreable humeur comme vous étiez.

Me. JOURDA I N.

Tredame, Monfieur, eft-ce que Madame Jourdain eft decrepite, & la tête luy grouille-t-elle déja? DORANTE.

Ah ma foy, Madame Jourdain, je vous demande pardon. Je ne fongeois pas que vous étes jeune, & je rêve le plus fouvent. Je vous prie d'excufer mon impertinence.

SCENE VI.

MONSIEUR JOURDAIN, MADAME JOURDAIN, DORANTE, NICOLE.

M. JOURDAIN.

Voilà deux cens Louis bien comptez.

DORANTE.

e

Je vous affure, Monfieur Jourdain, que je fuis tout à vous, & que je brûle de vous rendre un fervice à la Cour,

M. JOURDAIN.

Je vous fuis trop obligé.

DORANTE.

Si Madame Jourdain veut voir le divertissement Royal, je luy feray donner les meilleures places de la falle.

Me. JOURDAIN..

Madame Jourdain vous baife les mains.

DORANTE, bas à Monfieur Jourdain. Nôtre belle Marquife, comme je vous ay mandé par mon billet, viendra tantôt ici pour le ballet & le repas; je l'ay fait confentir enfin au cadeau que vous luy voulez donner.

I

M. JOURDAIN..

Tirons-nous un peu plus loin, pour caufe.
DORANT E

Il y a huit jours que je ne vous ay ven, & je ne vous ay point mandé de nouvelles du diamant que vous me mîtes entre les mains, pour luy en faire. prefent de vôtre part; mais c'eft que j'ay eu toutes les peines du monde à vaincre fon ferpule, & ce n'eft que d'aujourd'huy qu'elle s'eft refolue à l'accepter.

M. JOURDAIN

Comment l'a-t-elle trouvé?

DORAN TE.

Merveilleux; & je me trompe fort, ou la beauté de ce diamant fera pour vous fur fon efprit un effet admirable.

M. JOURDAIN,

Sklat au Ciel!

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