Page images
PDF
EPUB

Tente le noir deffein de fuborner ma femme;
Et non content encor de ces lâches effais,
Il m'ofe menacer de mes propres bienfaits,
Et veut, à ma ruine, ufer des avantages
Dont le viennent d'armer mes bontez trop peu fages;
Me chaffer de mes biens où je l'ai transferé,
Et me réduire au point d'où je l'ai retiré.

DORIN E

Le pauvre homme!

M. PERNELLE.

Mon fils, je ne puis du tout croire

Qu'il ait voulu commettre une action fi noire.

Comment ?

ORGON.

M. PERNELLE.

Les gens de bien font enviez toûjours.
ORGON.

Que voulez-vous donc dire avec vôtre discours,
Ma Mere?

[blocks in formation]

Que chez vous on vit d'étrange forte, Et qu'on ne fçait que trop la haine qu'on luy porte.

ORGON.

Qu'a cette haine à faire avec ce qu'on vous dit?
M. PERNELLE.

Je vous l'ay dit cent fois, quand vous étiez petit.
La vertu, dans le monde, eft toûjours pour fuivies
Les envieux mourront, mais non jamais l'envie.
ORGON.

M.

Mais que fait ce difcours aux chofes d'aujourd'hui ?
PERNELLE.
On vous aura forgé cent fots contes de lui.

ORGON.

Je vous ait dit déja, que j'ai veu tout moi-même.

[blocks in formation]

Des efprits médifans., la malice eft extrême.

ORGON.

Vous me feriez damner, ma Mere. Je vous dy,
Que j'ai veu de mes yeux un crime fi hardy.

M. PERNELLE.

Les langues out toûjours du venin à répandre;
Et rien n'eft, ici-bas, qui s'en puiffe defendre.

[blocks in formation]

ORGON.

C'eft tenir un propos de fens bien dépourveu !
Je l'ai veu, dis-je, veu, de mes propres yeux veu,
Ce qu'on appelle veu: Faut-il vous le rebattre
Aux oreilles cent fois, & crier comme quatre ?
M. PERNELLE.

Mon Dieu, le plus fouvent, l'apparence deçoit,
11 ne faut pas toujours juger fur ce qu'on voit.
ORGON.

J'enrage.

M.

PERNELLE.

Aux faux foupçons la nature eft sujette; Et c'eft fouvent à mal, que le bien s'interpréte.

ORGON.

Je dois interpréter à charitable foin,

Le defir d'embraffer ma femme?

M. PERNELLE.

Ileft befoin,

Pour accufer les gens, d'avoir de juftes causes,
Et vous deviez attendre à vous voir fûr des choses.
ORGON.

Hé diantre, le moyen de m'en affûrer mieux ?
Je devois donc, ma Mere, attendre qu'à mes yeux
Il eût... Vous me feriez dire quelque fottife.

M.

PERNELLE.

Enfin d'un trop pur zele on voit fon ame eprife,
Et je ne puis du tout me mettre dans l'esprit,
Qu'il ait voulu tenter les chofes que l'on dit.
ORGON.

Allez. Je ne fçay pas, fi vous n'étiez ma Mere,
Ce que je vous dirois, tant je fuis en colere.

DORIN E.

Jufte retour, Monfieur, des chofes d'ici-bas,
Vous ne vouliez point croire, & l'on ne vous croit

pas.

CLEANTE.

Nous perdons des momens, en bagatelles pures, Qu'il faudroit employer à prendre des mesures. Aux menaces du fourbe, on doit ne dormir point. DA MIS.

Quoy! fon effronterie iroit jufqu'à ce point?

EL MIR E.

Pour moi, je ne crois pas cette inftance poffible,

Et

Et fon ingratitude eft ici trop visible.

CLEANT E.

Ne vous y fiez pas, il aura des refforts,

Pour donner, contre vous, raifon à fes efforts;
Et fur moins que cela, le poids d'une cabale
Embaraffe les gens dans un fâcheux Dedale.
Je vous le dis encor, armé de ce qu'il a,
Vous ne deviez jamais le pouffer jufques-là.
ORGON.

Il eft vrai, mais qu'y faire? A l'orgueil de ce traître. De mes reffentimens je n'ai pas été maître.

CLEANTE.

Je voudrois de bon cœur qu'on pût entre vous

deux,

De quelque ombre de paix, racommoder les nœuds.
ELMIR E.

Si j'avois fceu qu'en main il a de telles armes;.
Je n'aurois pas donné matiere à tant d'alarmes,

Et mes...

ORGON.

Que veut cet homme? Allez-tôt le fçavoir; Je fuis bien en état que l'on me vienne voir.

[blocks in formation]

MONSIEUR LOYAL, M. PERNELLE, ORGON DAMIS, MARIANE, DORINE,

ELMIRE, CLEANTE.

M. LOY A L.

Bonjour, ma chere Sœur. Faites, je vous supplie, Que je parle à Monfieur,

DORIN E.

Il eft en compagnie,
Et je doute qu'il puiffe, à prefent, voir quelqu'un
M. LOYA L.

Je ne fuis pas pour être, en ces lieux, importun.
Mon abord n'aura rien, je croi, qui lui déplaife,
Et je viens pour un fait dont il fera bien-aife..

Votre nom?

DORIN E.

M. LOY A L.
Dites lui leulement que je vien
Kkk 3

De

De la part de Monfieur Tartuffe, pour fon bien.

DORIN E.

C'eft un homme qui vient, avec douce maniere,
De la part de Monfieur Tartuffe, pour affaire,
Dont vous ferez, dit-il, bien aife.

CLEANTE.

Il vous faut voir

Ce que c'eft que cet homme, & ce qu'il peut vouloir.
ORGON..

Pour nous racommoder, il vient ici, peut-être.
Quels fentimens aurai-je à lui faire paroitre?
CLEANT E.
Vôtre reffentiment ne doit point éclarer;
Et s'il parle d'accord, il le faut écouter.
M. LOYAL.

Salut, Monfieur. Le Ciel perde qui vous veut nuire,
Et vous foit favorable autant que je defire.

ORGO N.

Ce doux début s'accorde avec mon jugement,
Et présage déja quelque accommodement.
M. LOYA L.

Toute vôtre maison m'a toûjours été chere,
Et j'étois ferviteur de Monfieur vôtre fere.
ORGON.

Monfieur, j'ay grande honte, & demande pardon,
D'être fans vous connoître, ou fçavoir vôtre nom.
M. LOYAL.

Je m'appelle Loyal, natif de Normandie,
Et fuis Huiffier à Verge, en dépit de l'envie.
J'ai depuis quarante ans, grace au Ciel, le bonheur
D'en exercer la charge avec beaucoup d'honneur;
Et je vous vien, Monfieur, avec votre licence,
Signifier l'exploit de certaine Ordonnance.

ORGON.

Quoi! vous étes ici...

M. LOYAL.

Monfieur, fans paffion,

Ce n'eft rien feulement qu'une fommation,

Un ordre de vuider d'ici, vous, & les vôtres, Mettre vos meubles hors, & faire place à d'autres, Sans délai, ni remife, ainfi que befoin eft...

ORGON.

Moi, fortir de ceans?

M.

M. LOY A L.

Oui, Monfieur, s'il vous plaît.

La maifon à préfent, comme fçavez de refte,
Au bon Montieur Tartuffe appartient fans contefle,
De vos bien deformais il eft Maitre, & Seigneur,
En vertu d'un contrat duquel je fuis porteur.
Il eft en bonne forme, & l'on n'y peut rien dire.
DAMIS.

Certes, cette impudence eft grande, & je l'admire.
M. LOYAL

Monfieur, je ne dois point avoir affaire à vous;
C'eft à Monfieur, il eft & raifonnable, & doux,
Et d'un homme de bien il fçait trop bien l'office,
Pour le vouloir du tout oppofer à juftice.

Mais...

ORGON.

M. LOYA L.

Oui, Monfieur, je fçais que pour un million
Vous ne voudriez pas faire rebellion;
Et que vous fouffrirez en honnête perfonne,
Que j'exécute ici les ordres qu'on ne donne.
DAMIS.

Vous pourriez bien ici, fur votre noir jupon,
Monfieur l'Huiffier à verge, attirer le bâton.
M. LOYAL.

[ocr errors]

Faites que vôtre fils fe taife, ou le retire,
Monfieur, j'aurois regret d'être obligé d'écrire,
Et de vous voir.couché dans mon procés verbal.
DORINE.

Ce Monfieur Loyal porte un air bien déloyal!
M. LOYA L.

Pour tous les gens de bien,j'ay de grandes tendreffes,
Et ne me fuis voulu, Monfieur, charger des Pieces,
Que pour vous obliger, & vous faire plaifir;
Que pour oter, par là, le moyen d'en choisir,
Qui n'ayant pas pour vous le zele qui me pouffe,
Auroient pû proceder d'une façon moins douce.
ORGON..

Et que peut-on de pis, que d'ordonner aux gens
De fortir de chez eux?

M.

LOY A L.
On vous donne dn temps,
Et jufques à demain, je ferai fuifeance

A

« PreviousContinue »