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A prix de faux clins d'yeux, & d'élans affectez.
Ces gens, dis-je, qu'on voit d'une ardeur non com→

mune,

Par le chemin du Ciel courir à leur fortune;

Qui brûlans, & prians, demandent chaque jour,
Et prêchent la retraite au milieu de la Cour:
Qui fçavent ajufter leur zele avec leurs vices,
Sont prompts, vindicatifs, fans foi, pleins d'artifices,
Et pour perdre quelqu'un, couvrent infolemment,
De l'interêt du Ciel, leur fier reffentiment';
D'autant plus dangereux dans leur âpre colere,
Qu'ils prennent contre nous des armes qu'on re-
vere,

Et que leur paffion dont on leur fçait bon gré,
Veut nous affaffiner avec un fer facré.

De ce faux caractere, on en voit trop paroître :
Mais les devots de coeur font aifez à connoître :
Nôtre fiecle, mon frere, en expofe à nos yeux,
Qui peuvent nous fervir d'exemples glorieux.
Regardez Arifton, regardez Periandre,
Oronte, Alcidamas, Polidore, Clitandre:
Ce titre par aucun ne leur eft débatu,
Ce ne font point du tout fanfarons de vertu,
On ne voit point en eux ce fafte infuportable,
Et leur devotion eft humaine, eft traitable.
Ils ne cenferent point toutes nos actions,
Ils trouvent trop d'orgueil dans ces corrections,
Et laiffant la fierté des paroles aux autres,
C'eft par leurs actions, qu'ils reprennent les nôtres.
L'apparence du mal a chez eux peu d'appui :
Et leur ame eft portée à juger bien d'autrui ;
Point de cabale en eux, point d'intrigues à fuivre,
On les voit pour tous foins, fe mêler de bien vivre.
Jamais contre un Pécheur ils n'ont d'acharnement:
Its attachent leur haine au peché feulement,
Et ne veulent point prendre, avec un zele extrême,
Les interêts du Ciel, plus qu'il ne veut lui-même.
Voilà mes gens, voilà comme il en faut ufer,
Voilà l'exemple enfin qu'il fe faut propofer
Vôtre homme, à dire vrai, n'eft pas de ce modele,
C'eft de fort bonne foi que vous vantez fon zele,
Mais par un faux éclat je vous crois ébloui.

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ORGON.

Monfieur mon cher beau frere, avez-vous tout dit?

CLEANTE.

ORGON.

Je fuis votre valet.

Il veut s'en aller.

Oùi.

CLEANTE.

De grace, un mot, mon frere. Laiffons-là ce difcours. Vous fçavez que Valere, Pour être vôtre Gendre, a parole de vous.

Oui.

ORGON.

CLEANTE.

Vous aviez pris jour pour un lien fi doux.
ORGON.

11 eft vrai.

Je ne fçai.

Peut-être.

CLEANTE.

Pourquoi donc en differer la fête ?
ORGON.

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Je ne dis pas cela.

Nul obftacle, je croi,

Ne vous peut empêcher d'accomplir vos promeffes.

Selon.

ORGON.

CLEANTE.

Pour dire un mot, faut-il tant de fineffes?

Valere, fur ce point, me fait vous vifiter.

ORGON.

Le Ciel en foit loué.

CLEANTE.
Mais que luy raporter?
ORGON.

Tout ce qu'il vous plaira.

CLEAN

CLEAN T E.

Mais il eft neceffaire

De fçavoir vos deffeins. Quels font-ils douc?

ORGON.

De faire

Ce que le Ciel voudra.

CLEANTE.

Mais parlons tout de bon.

Valere a vôtre foi. La tiendrez-vous, ou non?

Adieu.

ORGON.

CLEANT E.

Pour fon amour, je crains une disgrace,

Et je dois l'avertir de tout ce qui fe passe.

Fin du Premier Afte.

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ORGON.

Il regarde dans un petit Cabinet.

Je voi

Si quelqu'un n'eft point là, qui pourroit nous entendre;

Car ce petit endroit eft propre pour furprendre.
Or fus, nous voilà bien. J'ay, Mariane, en vous,
Reconnu, de tout temps, un efprit affez doux;
Et de tout temps auffi vous m'avez été chere.

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MARIANE.

Je fuis fort redevable à cet amour de Pere.

ORGON.

C'eft fort bien dit, ma fille; & pour le meriter,
Vous devez n'avoir foin que de me contenter.
MARIANE.

C'eft où je mets auffi ma gloire la plus haute.
ORGON.

Fort bien. Que dites-vous de Tartuffe nôtre hôte?

Qui, moi?

MARIAN E.

ORGON.

Vous. Voyez bien comme vous répondrez.

MARIAN E.

Helas! j'en dirai, moi, tout ce que vous voudrez. ORGON.

C'eft parler fagement. Dites-moi donc, ma fille, Qu'en toute fa perfonne un haut merite brille, Qu'il touche votre cœur, & qu'il vous feroit doux De le voir, par mon choix, devenir vôtre époux.

Eh?

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MARIANE.

Qui voulez-vous, mon Perey que je dife, Qui me touche le cœur, & qu'il me feroit doux De voir, par vôtre choix, devenir mon époux ? ORGON.

Tartuffe.

MARIANE.

Il n'en eft rien, mon Pere, je vous jure. Fourquoi me faire dire une telle impofture?

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OR

ORGON.

Mais je veux que cela foit une verité;

Et c'eft affez pour vous, que je l'aye arrêté.
MARIANE.

Quoi vous voulez, mon Pere...

OR GO N.

Oui, je prétens, ma Fille,

Unir, par votre hymen, Tartuffe à ma famille.
Il fera vôtre époux, j'ay refolu cela;

Et comme fur vos vœux je...

SCENE II.

DORINE, ORGON, MARIANE.

ORGON.

Que faites-vous là.

La curiofité qui vous preffe, eft bien forte,
Mamie, à nous venir écouter de la forte.

DORIN E.

Vrayment, je ne fçay pas fi c'est un bruit qui part
De quelque conjecture, ou d'un coup de hazard;
Mais de ce mariage on m'a dit la nouvelle,
Et j'ai traité cela de pure bagatelle.

ORGON.

Quoi donc, la chofe eft-elle incroyable?

DORIN E.

A tel point,

Que vous même, Monfieur, je ne vous en crois point.

ORGON.

Je fçay bien le moyen de vous le faire croire.

DORIN E.

Oui, oùi, vous nous contez une plaifante Hiftoire. ORGON.

Je conte juftement ce qu'on verra dans peu.

Chanfons.

DORIN E.

ORGON.

Ce que je dis, ma fille, n'eft point jeu..

DORIN E.

Allez, he croyez point à Monsieur vôtre Pere,›

11 raille.

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