Page images
PDF
EPUB

rien auprés de moi, ny par prieres ny par menaces. Tant mieux, cela rendra fes affaires encore plus mauvaifes,& le pere & la mere qui vont venir en verront mieux fon crime. Ah ah! la porte s'eft fermée. Hola ho quelqu'un. Qu'on m'ouvre promptement. ANGELIQUE.

A la fenêtre avec Claudine.

Comment c'eft toy? d'où viens-tu bon pendard? eft-il heure de revenir chez foi, quand le jour eft prêt de paroître, & cette maniere de vie eft-elle celle que doit fuivre un honnête mari?

CLAUDINE.

Cela eft-il beau d'aller yvrogner toute la nuit ? & de laiffer ainfi toute feule une pauvre jeune femme dans la maifon?

GEORGE DANDIN.

Comment vous avez...

ANGELIQUE.

Va va, traître, je fuis laffe de tes déportemens, & je m'en veux plaindre fans plus tarder à mon pere &

à ma mere.

GEEORGE DANDIN,

Quoi c'eft ainfi que vous ofez...

SCENE VII.

Mr. ET Me. DE SOTENVILLE, COLIN, CLAUDINE, ANGELIQUE;. GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

Mr. & Me. de Sotenville font en des habits de nuit & conduits par Colin. qui porte une lanterne.

Approchez de grace, & venez me faire raifon de l'infolence la plus grande du monde, d'un mary à qui le vin & la jaloufie ont troublé de telle forte la cervelle, qu'il ne fçait plus ni ce qu'il dit, ni ce qu'il fait, & vous a luy-même envoyé querir pour vous faire temoins de l'extravagance la plus étrange dont on ait jamais oui parler. Le voilà qui revient comme vous voyez, aprés s'être fait attendre toute la nuit, & fi vous voulez l'écouter, il vous dira qu'il a les plus grandes plaintes du monde à vous faire de

moi; que durant qu'il dormoit, je me fuis dérobée d'auprés de lui pour m'en aller courir, & cent autres contes de même nature qu'il eft alle rêver.

GEORGE DANDIN.

Voilà une méchante carogne.

CLAUDINE.

&

Quy, il nous a voulu faire accroire qu'il étoit dans la maison, & que nous en étions dehors, c'eft une folie qu'il n'y a pas moyen de luy ôter de la tête.

Mr. DE SOTENVILLE.

Comment, qu'eft-ce à dire cela?

Me. DE SOTENVILLE.

Voilà une furieufe impudence que de nous envoyer

querir.

Jamais...

GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

Non, mon pere, je ne puis plus fouffrir un mari de la forte. Ma patience eft pouffée à bout, & il vient de me dire cent paroles injurieufes.

Mr. DE SOTENVILLE.

Corbleu vous étes un mal- honnête homme.
CLAUDINE.

C'est une confcience de voir une pauvre jeune femme traittée de la façon, & cela crie vengeance au Ciel.

Peut-on...

GEORGE DANDIN.

Me. DE SOTENVILLE. Allez, vous devriez mourir de honte. GEORGE DANDIN.

Laiffez-moi vous dire deux mots.

ANGELIQUE.

Vous n'avez qu'à l'écouter, il va vous en conter

de belles.

GEORGE DANDIN.

Je défefpere.

CLAUDINE.

Il a tant beu, que je ne pense pas qu'on puiffe durer contre lui, & l'odeur du vin qu'il fouffle eft montée jufqu'à nous.

Geor

GEORGE DANDIN.

Monfieur mon beau-pere, je vous conjure...
Mr. DE SOTENVILLE.

Retirez-vous. Vous puez le vin à pleine bouche.
GEORGE DANDIN.

Madame, je vous prie...

Me. DE SOTENVILLE.

Fy ne m'approchez pas. Vôtre haleine eft eme pestée.

GEORGE DANDIN.

Souffrez que je vous...

Mr. DE SOTENVILLE.

Retirez-vous, vous dis-je. On ne peut vous fouf

frir.

GEORGE DANDIN.

Permettez de grace que...

Me. DE SOTENVILLE.

Pouas, vous m'engloutiffez le cœur. Parlez de loin, fi vous voulez.

GEORGE DANDIN.

Hé bien ouy, je parle de loin. Je vous jure que je n'ay bougé de chez moi, & que c'est elle qui eft fortie.

ANGELIQUE.

Ne voilà pas ce que je vous ay dit?

CLAUDINE.

Vous voyez quelle apparence Ilya.

Mr. DE SOTENVILLE.

Allez. Vous vous moquez des gens. Defcendez ma fille, & venez icy.

GEORGE DANDIN. J'attefte le Ciel, que j'étois dans la maison, &

que...

Me. DE SOTENVILLE.

Taifez-vous, c'eft une extravagance qui n'eft pas fupportable.

GEORGE DANDIN.

Que la foudre m'écrafe tout à l'heure, fi...

Mr. DE SOTENVILLE.

Ne nous rompez pas davantage la tête, & fongez à demander pardon à vôtre femme.

GEORGE DANDIN

Moi demander pardon?

Mr.

Mr. DE SOTENVILLE.

Oui pardon, & fur le champ.
GEORGE DANDIN.

Quoi je...

Mr. DE SOTENVILLE. Corbleu fi vous me repliquez, je vous apprendrai ce que c'eft que de vous jouer à nous.

GEORGE DANDIN.

Ah George Dandin!

Mr. DE SOTENVILLE.

Allons, venez ma fille, que vôtre mari vous demande pardon.

ANGELIQUE.

Defcenduë.

Moi? luy pardonner tout ce qu'il m'a dit? Non, non, mon pere, il m'eft impoffible de m'y réfoudre, & je vous prie de me feparer d'un mari avec lequel je ne fçaurois plus vivre.

CLAUDINE.

Le moyen d'y resister?

Me. DE SOTENVIILE.

Ma fille, de femblables feparations ne fe font point fans grand fcandale, & vous devez vous montrer plus fage que luy, & patienter encore cette fois. ANGELIQUE.

Comment patienter aprés de telles indignitez? non, mon pere, c'est une chose où je ne puis confentir.

Mr. DE SOTENVILLE.

Il le faut, ma fille, & c'est moi qui vous le commande.

ANGELIQUE.

Ce mot me ferme la bouche, & vous avez fur moi une puiffance abfoluë.

CLAUDINE.

Quelle douceur!

ANGELIQUE.

11 eft fâcheux d'être contrainte d'oublier de telles injures, mais quelque violence que je me fafle, c'est à moi de vous obeïr.

CLAUDINE.

Pauvre mouton?

Mr.

Mr. DE SOTENVILLE.

Approchez.

ANGELIQUE.

Tout ce que vous me faites faire ne fervira de rien, & vous verrez que ce fera dés demain à recom

mencer.

Mr. DE SOTENVILLE.

Nous y donnerons ordre. Allons, mettez-vous à genoux.

GEORGE DANDIN.

A genoux?

Mr. DE SOTENVILLE.

Oui, à genoux, & fans tarder.

GEORGE DANDIN.

Il se met à genoux.

O Ciel! que faut-il dire?

Mr. DE SOTENVILLE. Madame, je vous prie de me pardonner, GEORGE DANDIN. Madame, je vous prie de me pardonner. Mr. DE SOTENVILLE.

L'extravagance que j'ay faite.

GEORGE DANDIN.

L'extravagance que j'ay faite. à part.

De vous épouler.

Mr. DE SOTENVILLE.

Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir. GEORGE DANDIN. Et je vous promets de mieux vivre à l'avenir. Mr. DE SOTENVILLE. Prenez-y garde, & fçachez que c'eft icy la dernie re de vos impertinences que nous fouffrirons.

Me. DE SO TENVILLE.

Jour de Dieu, fi vous y retournez, on vous apprendra le refpect que vous devez à vôtre femme, & à ceux de qui elle fort.

Mr. DE SOTENVILLE.

Voilà le jour qui va paroître. Adieu. Rentrez chez vous, & fongez bien à être fage. Et nous, m'amour, allons-nous mettre au lit.

Tome 111.

Ggg

SCE

« PreviousContinue »