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Elle fait figne à Claudine d'apporter un bâton. Je n'ay garde de luy en rien dire, & je veux vous montrer que toute femme que je fuis, j'ay affez de courage pour me vanger moi-même des offences que l'on me fait. L'action que vous avez faite n'eft pas d'un Gentil-homme,& ce n'eft pas en Gentilhomme auffi que je veux vous traiter.

Elle prend un bâton, & bat fan mari au lieu de Clitandre qui fe met entre-deux.

CLITAN DRE.

Ah, ah, ah, ah, ah, Doucement.
CLAUDINE.

Fort, Madame, frappez comme il faut.
ANGELIQUE.
Faifant femblant de parler à Clitandre.

S'il vous demeure quelque chofe fur le cœur, je fuis pour vous répondre.

CLAUDINE..

Apprenez à qui vous vous jouez.

ANGELIQUE.

Ah mon pere vous étes là !

Mr., DE SOTENVILLE.

Oûi, ma fille, & je voy qu'en fageffe, & en Courage tu te montres un digne rejetton de la maifon de Sotenville. Vien-çà, approche-toi que je t'embraffe,

Me. DE SOTENVILLE.

Embraffe-moi auffi ma fille. Las! je pleure de joye, & reconnois mon fang aux chofes que tu viens de faire.

Mr. DE SOTENVILLE.

Mon gendre, que vous devez être ravi & que cette avanture eft pour vous pleine de douceurs! Vous aviez un jufte fujet de vous allarmer, mais vos foupçons fe trouvent diffipez le plus avantageufement du monde.

Me. DE SOTENVILLE.

Sans doute, nôtre gendre, & vous devez maintenant être le plus content des hommes.

CLAUDINE.

Affûrément. Voilà une femme celle-là, vous étes trop heureux de l'avoir, & vous devriez baifer les pas où elle paffe.

GEOR

GEORGE DANDIN.

Euh traitreffe !

Mr. DE SOTENVILLE.

Qu'est-ce, mon gendre? Que ne remerciez-vous un peu vôtre femme, de l'amitié que vous voyez qu'elle montre pour vous ?

ANGELIQUE.

Non, non, mon pere, il n'eft pas neceffaire. Il ne m'a aucune obligation de ce qu'il vient de voir, & tout ce que j'en fais n'eft que pour l'amour de moi

même.

Mr. DE SOTENVILLE.

Où allez-vous, ma fille?

ANGELIQUE.

Je me retire, mon pere, pour ne me voit poing obligee à recevoir les complimens.

CLAUDINE.

Elle a raifon d'être en colere. C'eft une femme qui merite d'être adorée, & vous ne la traitez pas comme vous devriez.

Scelerate.

GEORGE DANDIN.

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Mr. DE SOTENVILLE. C'eft un petit reffentiment de l'affaire de tantôt, & cela fe paffera avec un peu de cardfle que vous lui ferez. Adieu, mon gendre, vous voilà en état de ne vous plus inquieter. Allez-vous en faire la paix enfemble, & tâchez de l'appaifer par des excules de vôtre emportement.

Me. DE SOTENVILLE.

Vous devez confiderer que c'est une jeune fille élevée à la vertu, & qui n'eft point accoûtumée à fe voir foupçonner d'aucune vilaine action. Adieu. Je fuis ravie de voir vos defordres finis,& destranfports de joye que vous doit donner fa conduite...

GEORGE DANDIN.

Je ne dis mor. Car je ne gagnerois rien à parler, & jamais il ne s'eft rien veu d'égal à ma difgrace. Oui, j'admire mon malheur, & la fubtile adrefle de ma carogue de femme pour fe donner toujours raifon, & me faire avoir tort. Eft-il poffible que tou→ jours j'aurai du deflous avec elle que les apparences toujours tourneront contre moi, & que je ne parFff 4

vien

viendrai point à convaincre mon effrontée ô Ciel ! feconde mes deffeins & m'accorde la grace de faire voir aux gens que l'on me deshonore.

Fin du fecond Afte.

ACTE III.

SCENE I.

CLITANDRE, LUBIN.

L

CLITAN DRE.

A nuit eft avancée, & j'ay peur qu'il ne foit trop tard. Je ne vois point à me conduire. Lubin.

Monfieur?

LUBIN.

CLITAN DRE.

Eft-ce par ici?

LUBIN.

Je pense que oui. Morgué voilà une fotte nuit, d'être fi noire que cela.

CLITANDRE.

Elle a tort affeûrément. Mais fi d'un côté elle nous empêche de voir, elle empêche de l'autre que nous ne foyons vûs.

LUBIN.

Vous avez raifon. Elle n'a pas tant de tort. Je voudrois bien fçavoir, Monfieur, vous qui étes fçavant, pourquoy il ne fait point jour la nuit!

CLITAN DRE.

C'eft une grande queftion, & qui eft difficile. Tu es curieux, Lubin.

LUBIN.

Oui. Si j'avois étudié, j'aurois été fonger à des chofes où l'on n'a jamais fongé.

CLITAN DRE.

Je le crois. Tu as la mine d'avoir l'efprit fubtil & penetrant.

LaU BIN.

Cela est vrai. Tenez. J'explique du Latin, quoi

que

que jamais je ne l'aye appris, & voyant l'autre jour écrit fur une grande porte Collegium, je devinai que cela vouloit dire College.

CLITAN DRE.

Cela eft admirable! Tu fçais donc lire, Lubin
LUBIN.

Oui; Je fçay lire la lettre moulée, mais je n'ay jamais fceu apprendre à lire l'écriture.

CLITAN DRE.

Nous voici contre la maifon. C'eft le fignal que m'a donné Claudine.

LUBIN.

Par ma foi c'eft une fille qui vaut de l'argent, & je l'aime de tout mon cœur.

CLITAN DRE.

Auffi t'ay-je amené avec moi pour l'entretenir.
LUBIN.

Monfieur, je vous fuis...

CLIT AND RE

Chut. J'entens quelque bruit.

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Ma foila nuit on n'y voit goute.

ANGELIQUE.

Eft-ce pas vous, Clitandre?

CLITAN DRE

Oui, Madame.

ANGELIQUE.

Mon mari ronfle comme il faut, & j'ay pris ce

temps pour nous entretenir ici

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